Il Y A Bien des années, alors que, jeune artiste, je travaillais à Paris, j'eus le vif désir d'entrevoir la réalité spirituelle de l'expression artistique. Je sentais le besoin de comprendre la nature spirituelle de la couleur, la ligne et la forme, les trois éléments primaires de l'expression visuelle. Dans Science et Santé, Mary Baker Eddy parle de la forme, de la couleur, de la qualité et de la quantité en ces termes: « Leur nature spirituelle ne se discerne que par les sens spirituels. » Science et Santé, p. 512. Je me suis donc tournée vers Dieu, l'Esprit, pour essayer de comprendre leur nature infinie et leur signification profonde.
De ces trois éléments, la ligne était celui qui m'intriguait le plus. J'étais en admiration devant l'incroyable pureté du trait des peintures de Botticelli et des dessins d'un Rembrandt ou d'un Matisse. Je demandai à Dieu de me montrer ce que je devais percevoir au sujet de la ligne afin de pouvoir l'exprimer de manière unique, mais avec autant de régularité, de fermeté et de pureté.
La réponse tant désirée ne tarda pas. Perçue d'un point de vue mental, la ligne était le firmament, la compréhension spirituelle qui est essentielle à la pratique de la Science Chrétienne. L'expression linéaire plus pure qui se développa dans mon art n'était que le résultat naturel de l'application de cette idée à ma vie quotidienne.
Dans le premier chapitre de la Genèse, nous lisons: « Dieu dit: "Qu'il y ait une étendue entre les eaux, et qu'elle sépare les eaux d'avec les eaux." » Gen. 1:6. C'est par ces mots que l'idée du firmament fait son apparition dans la création spirituelle. Science et Santé explique: « L'étendue (firmament) est la compréhension spirituelle qui sépare de la Vérité la conception humaine, le sens matériel...
La compréhension est la ligne de démarcation entre le réel et l'irréel. »Science et Santé, p. 505. Et le Glossaire de Science et Santé élucide les termes « réel » et « irréel » dans la définition suivante: « Firmament (ÉTENDUE). Compréhension spirituelle; la ligne de démarcation scientifique entre la Vérité et l'erreur, entre l'Esprit et la prétendue matière. »Ibid., p. 586.
Il est à remarquer que le dernier acte du prophète Élie et le premier acte d'Élisée, les deux grands guérisseurs de l'Ancien Testament, fut de partager les eaux avec le manteau symbolique du pouvoir spirituel. Je redouble de vigilance chaque fois que je repense à ce qu'affirme notre Leader, à savoir que la réalité de la Vérité et l'irréalité de l'erreur sont les points les plus importants à comprendre dans la Science Chrétienne Voir Science et Santé, 466:16–19.. Et ce sont certes les points les plus percutants enseignés par Christ Jésus.
Sa naissance même traça dans l'histoire ce qui doit être la ligne la plus nette et la plus pure pour séparer le réel de l'irréel. Le concept que Marie avait de Jésus était entièrement spirituel: elle prouva ainsi que c'est la cause spirituelle, et non la cause corporelle, qui est en réalité à l'origine de l'homme et de son existence. Manifestation de la Vérité et de l'Amour divins sur terre, Christ Jésus représenta non seulement le divin et le réel, mais encore leur caractère universel. Il illustra la totalité du bien, purifia le concept que l'humanité avait de l'homme en rejetant le mal comme irréel. Il fut l'exemple vivant de la ligne de démarcation, la compréhension spirituelle, qui sépare l'irréel du réel, Adam, l'homme pécheur, de l'homme-Christ innocent, la personnalité mortelle de l'individualité spirituelle. Il incarna l'idée de la totalité de l'Esprit, qui intervient sur la scène humaine pour exposer le néant de la matière.
Il n'y avait pas la moindre parcelle de dualisme dans la pensée ni dans la vie de Jésus. Il ne reconnaissait qu'une seule réalité, le bien, parce qu'il ne reconnaissait qu'un seul Entendement, Dieu, le bien. Et il déclara ouvertement qu'il ne faisait qu'un avec cet Entendement. « Moi et le Père nous sommes un » Jean 10:30. et «Je ne puis rien faire de moi-même » Jean 5:30., affirmait-il. Il savait que l'Entendement connaît toujours tout ce qui doit être connu, et la vitesse fulgurante à laquelle il opérait ses guérisons prouva que, si tragique ou immoral que puisse sembler le contexte matériel, il n'est jamais réel.
Les guérisons instantanées de Jésus transmettent un message remarquable: la spiritualité n'est pas le pouvoir de changer ou de guérir quoi que ce soit, mais elle est la pensée non hypnotisée par le mal, le sens spirituel qui voit chaque chose telle qu'elle est vraiment, telle que l'Amour divin la crée et la connaît. C'est cette conscience éclairée de la perfection qui guérit. « Qu'il y ait une étendue entre les eaux. » C'est là une exigence perpétuelle du divin Principe, et ce firmament mental, cette compréhension spirituelle, rejette toute réalité supposée du mal.
Parvenons-nous au même résultat en séparant simplement le vrai du faux et le bien du mal ? Certainement pas ! Nous devons poursuivre notre activité mentale jusqu'à ce que nous voyions que le bien est réel et le mal irréel. Si nous admettons que le bien et le mal sont des composants distincts de la conscience, nous étoufferons la discordance, mais nous n'obtiendrons pas la véritable guérison. La guérison est la disparition de la discordance, et non un rapiéçage provisoire. Le Christ est l'influence divine qui révèle à la pensée humaine la présence de la totalité de Dieu, c'est la Vérité salvatrice qui détruit l'erreur, la lumière qui dissipe les ténèbres. Le soi-disant entendement humain est par nature dualiste, mentalité que symbolise l'arbre maudit de la connaissance du bien et du mal. Il ne peut échapper à la croyance aux conflits et est incapable de guérir, de faire agir sur la discordance le pouvoir unificateur et la totalité de l'Amour divin.
L'idée spirituelle dans la conscience humaine tant individuelle que collective développe tout d'abord le sens moral, la capacité de discerner, ainsi que le fit le roi Salomon, entre le bien et le mal, entre ce qui est juste et ce qui ne l'est pas. Mais, ainsi que dit Jésus en parlant de lui-même, « il y a ici plus que Salomon » (Matth. 12:42). Celui qui a été amené à définir cette ligne morale doit suivre le cheminement naturel de l'idée spirituelle jusqu'à la compréhension spirituelle qui guérit, jusqu'à la révélation de la perfection éternelle de l'Entendement et de l'homme.
Résister au pouvoir destiné à nous conduire, au-delà du plan purement humain, à la résurrection et à l'ascension, c'est nier le Saint-Esprit, la Science divine qui, au moyen de la ligne de démarcation puissante et sublime tracée par la résurrection de notre Maître, proclame à jamais l'irréalité de l'identité matérielle et la réalité de l'identité spirituelle.
Pour comprendre véritablement, nous devons nier sans réserve l'évidence des sens matériels et affirmer avec humilité la réalité universelle de l'image de l'Amour, là même où quelqu'un semble avoir commis une offense. Dans le Sermon sur la montagne, Jésus nous demande: « Si vous saluez seulement vos frères, que faites-vous d'extraordinaire ? » Matth. 5:47. En effet, que faisons-nous d'extraordinaire si, après avoir décelé le péché, nous restons au niveau de croyance de celui qui pense que le péché, caractérise l'homme, que l'homme est conçu dans la matière et non issu de l'Entendement ? Allons-nous, nous aussi, admettre la réalité de tous les malheurs et de toutes les méprises qui dérivent de l'erreur fondamentale de croire à la vie et à l'intelligence dans la matière ? Il est certes vital de discerner le vrai du faux, de reconnaître le profond besoin de guérison de l'humanité. Mais tenter ensuite de transformer une réalité mauvaise en une réalité meilleure, c'est là ce que Mary Baker Eddy appelle du « charlatanisme mental ». Elle écrit: « C'est du charlatanisme mental de faire de la maladie une réalité — de la tenir pour quelque chose que l'on peut voir et sentir — et d'essayer ensuite de la guérir par l'Entendement. » Science et Santé, p. 395.
La question du bien et du mal peut susciter un remarquable intérêt pour l'entendement humain, et la logique qui débouche sur la condamnation des pécheurs peut être brillante. Mais, si l'humanité a sans conteste grand besoin de reconnaître le péché pour ce qu'il est, méfions-nous de l'attitude intellectuelle de l'ego mortel qui, afin de se préserver, refuse — et est d'ailleurs incapable — de s'élever au-dessus de l'indignation morale pour voir l'irréalité du péché dans la simplicité du Christ. Or, ce n'est qu'en parvenant à ce stade de la compréhension spirituelle, où nous reconnaissons l'irréalité de la vie et de l'intelligence matérielles, que nous pouvons prétendre pratiquer la Science Chrétienne.
Il est utile de se rappeler qu'en dénonçant le péché et en incitant au repentir, Jean-Baptiste joua un rôle essentiel: il prépara et annonça la mission du Messie. Pourtant, Science et Santé pose une question qui devrait nous remplir d'humilité: « Les doctrines de Jean-Baptiste lui ont-elles conféré le pouvoir de guérir, ou l'ont-elles doué du concept le plus vrai du Christ ? » Ibid., p. 132. La réponse que fit Jésus à Jean-Baptiste, qui doutait de la nature messianique de la mission de Jésus, nous montre aussi que les questions relatives au vrai ou au faux sur le plan théologique trouvent leur réponse, aujourd'hui comme il y a deux mille ans, dans les œuvres, dans la façon dont nous vivons, aimons et pratiquons la Science de l'être.
Dans le Sermon sur la montagne, Jésus nous exhorte à faire le deuxième mille avec celui qui nous demande d'en parcourir un. Voir Matth. 5:41. Lorsque nous avons l'impression d'être exploités par quelqu'un, ou que nous voyons s'accomplir un acte qui nous semble moralement injuste, sans pour autant dépasser le stade de la constatation, notre attitude n'est-elle pas comparable à celle de celui qui ne parcourait que le premier mille ? Si nous n'allons pas jusqu'à reconnaître l'absence de fondement de l'offense, nous réagirons peut-être bien par la crainte, la colère, la vengeance, ou encore la critique, le jugement personnel, le pharisaïsme. Mais si, au lieu de réagir, nous nous portons volontaires pour faire ce second mille, nous nous plaçons à l'abri de tout abus. Nous exerçons alors l'intelligence spirituelle, qui affirme que les comportements abusifs sont non seulement répréhensibles sur le plan moral, mais sont irréels sur le plan spirituel. Cette compréhension spirituelle nous permet de percevoir l'innocence éternelle de l'homme réel et de témoigner de l'amour-Christ, qui démontre cette innocence dans la guérison.
Il nous faut tracer, avec persévérance, la ligne fondamentale, le firmament, séparant la personnalité mortelle irréelle de l'individualité spirituelle impeccable qui reflète l'unique Ego, l'Amour divin, dans lequel il n'y a ni péché ni connaissance du péché. Il est essentiel de revendiquer, pour soi-même et pour les autres, cette conscience pure et universelle de l'Amour, qui seule révèle l'unité et guérit. L'erreur qui cherche à diviser est celle qui voudrait donner de la réalité au péché, à ce qui n'est pas inclus dans l'Entendement divin. Seul le Christ, la manifestation de l'Entendement, peut détruire cette erreur et nous permettre de tracer la ligne qui met un terme à la condamnation et aux commérages, réaction commune devant le péché. Le pharisaïsme aussi, ce péché qui voudrait personnaliser tant le bien que le mal, est maîtrisé et chassé par l'esprit-Christ.
Je me suis demandé un jour ce qui rendait ce péché si fascinant, et je me rendu compte que le pharisaïsme est une tactique à retardement de l'entendement charnel, qui essaie de nous faire déterminer notre valeur personnelle en fonction de notre personnalité matérielle. Un jugement pharisaïque semble, pour un temps, nous mettre en valeur, nous éclairer avec plus d'éclat. Mais, de même que, dans le système solaire, des millions de lunes pourraient toutes être éclairées par un seul soleil, de même, dans l'univers spirituel de Dieu, toutes les identités brillent avec une intensité égale, réfléchissent la lumière de l'unique Ego, ou Ame, illustrant ainsi ce que proclama Jésus: « Il n'y a de bon que Dieu seul. » Marc 10:18.
Lorsque Simon le pharisien invita Christ Jésus à dîner, il ne s'attendait probablement pas à recevoir une leçon sur « la perception du firmament ». Pourtant, la mise au jour de son ignorance de l'amour de Dieu reste une leçon pour chacun de nous. Lorsque la femme pécheresse entra et baigna les pieds de Jésus de ses larmes, Simon pensa en lui-même: « Si cet homme était prophète, il connaîtrait qui et de quelle espèce est la femme qui le touche, il connaîtrait que c'est une pécheresse. » Luc 7:39. Or, du point de vue de la compréhension parfaite, Jésus était un vrai prophète, car il voyait spirituellement. Il savait bien qui était la femme. Il voyait son identité spirituelle, innocente et intacte. Il savait que la création ne s'écarte jamais de la perfection pour y revenir ensuite. Cette perception du firmament guérit la femme, alors que la faculté qu'avait Simon de distinguer le bien du mal ne put la guérir.
Comment percevons-nous les choses aujourd'hui ? Voyons-nous avec l'Entendement du Christ, ou comme Simon le pharisien, comme de faux prophètes ? Comment percevons-nous les problèmes et les peuples du monde, nos collègues, les membres de notre famille ou de notre église, nos amis ? Acceptons-nous l'illusion des sens qui prétend que tout est mortel, que nous sommes nés d'une semence corruptible, que nous avons un corps matériel sujet au péché, à la maladie et à la mort ? Ou bien exerçons-nous notre perception spirituelle, notre compréhension spirituelle, pour discerner, au-delà de la cause physique, la cause spirituelle, la réalité spirituelle immuable de l'identité de l'homme conçu et né d'une semence incorruptible, à jamais innocente, à l'abri de la corruption ou de la destruction, qu'elles viennent du dedans ou du dehors ? Nous lisons dans Science et Santé: « Une idée spirituelle ne renferme pas un seul élément d'erreur, et cette vérité enlève convenablement tout ce qui est nuisible. » Science et Santé, p. 463.
Lorsque nous discernons le firmament dans notre conscience, nous nous trouvons face à une importante exigence qu'il nous est impossible d'esquiver. C'est l'exigence qui s'imposa aux disciples lorsqu'ils virent leur Maître ressuscité. «Jusque-là ils n'avaient fait que croire; dès lors ils comprirent » Ibid., p. 43., explique Mary Baker Eddy. Conscients du néant de la vie matérielle et de l'omnipotence de l'Amour divin, ils pouvaient aller de l'avant et obéir à leur Maître, qui leur avait demandé de faire les œuvres qu'il faisait et, ainsi qu'il l'avait promis, d'en faire de plus grandes encore. Et nous le pouvons, nous aussi.
