Il était naturel que les premiers chrétiens se posent certaines questions sur leur religion, surtout après que Jésus et les apôtres les eurent quittés. Qui était cet homme qu'on appelait Jésus et qu'enseignait-il ? Être chrétien, que cela implique-t-il ? En quoi les chrétiens croient-ils et comment doivent-ils se comporter ? Comment organiser l'Église ?
La plupart des chrétiens estimèrent que le meilleur moyen de répondre à ces questions était de rédiger un ensemble de textes sacrés, ou Écritures, qui garderaient intacts les enseignements de Jésus et des apôtres. Ainsi donc, au cours des deux premiers siècles de notre ère, de nombreux chrétiens décrivirent ces enseignements tels qu'ils les comprenaient. Ils le firent, pour beaucoup, à la façon des médias modernes qui rapportent les événements politiques et religieux sous différents éclairages selon les points de vue. La situation était donc semblable à celle d'aujourdhui: on ne pouvait pas accorder la même confiance à tous les récits, car certains rapportaient l'histoire de Jésus avec moins de scrupules et d'exactitude que d'autres.
Vers 150 apr. J.-C., le monde romain avait déjà été inondé de textes chrétiens. Certains correspondaient à la norme la plus élevée de la communauté chrétienne, mais d'autres relevaient plus de la fiction que des faits. Aussi les chrétiens se trouvèrent-ils peu à peu devant l'absolue nécessité d'examiner chacun des textes sacrés pour savoir s'il représentait leur religion avec exactitude. On classa tous les textes dont la validité fut reconnue sous le nom de canon, mot grec qui signifie une règle ou une norme. Les écrits qui n'entraient pas dans cette catégorie furent abandonnés. Ceux qui étaient douteux furent qualifiés d' « apocryphes », c'est-à-dire que leur valeur et leur authenticité étaient mises en question. Par la suite, les textes canoniques chrétiens prirent le nom de « Nouveau Testament » ou « Nouvelle Alliance » — pendant chrétien de l' « Ancien Testament » de la Bible hébraïque.
LE CANON HÉBRAIQUE
Il est important de comprendre que le canon du Nouveau Testament a été rédigé sur les bases du canon hébraïque, lequel a été achevé au cours du premier siècle. Après avoir mis Jérusalem à sac en 70 apr. J.-C., les Romains ont obligé les Juifs à s'enfuir jusqu'aux confins les plus reculés de l'empire. Mus par l'ardent désir de conserver leurs préceptes et leurs traditions religieuses malgré ces circonstances désastreuses, les Juifs se sont hâtés de donner une forme définitive à leurs textes sacrés.
Les Hébreux et leurs prophètes avaient bien sûr affirmé, à maintes reprises, l'autorité absolue de la Torah (de la Genèse au Deutéronome), laquelle constituait la base de leur loi civile et religieuse. C'est probablement au cours du VIIe siècle av. J.-C. que le livre de la Torah a été officiellement reconnu pour la première fois, au moment où il a été découvert par les ouvriers qui reconstruisaient le Temple. Josias, roi d'Israël, avait fait tout de suite lire le Deutéronome aux Hébreux qui furent si impressionnés d'entendre ce message qu'ils se joignirent au roi pour célébrer la Pâque, cérémonie qui eut valeur de reconnaissance officielle.
Le canon hébraïque comporte une autre partie, appelée les « Prophètes », qui a été acceptée par la plupart des Juifs pendant plusieurs siècles. Bien qu'ils n'aient pas eu l'autorité de la Torah, ces écrits ont fait longtemps l'objet de toute l'attention des Juifs. Ils comprennent, d'une part les livres historiques de Josué, des Juges, le Premier et le Second livre de Samuel, le Premier et le Second livre des Rois, et, d'autre part les grandes œuvres prophétiques d'Ésaïe, de Jérémie, d'Ézéchiel ainsi que les douze livres des Prophètes (d'Osée à Malachie).
Une troisième partie du canon hébraïque, les « Écrits », a été davantage mise en question que la Torah ou les Prophètes, bien que les rabins juifs aient décidé de les intégrer au canon. Il s'agit du livre de Ruth, d'Esther, de Job, des Psaumes, des Proverbes, de l'Ecclésiaste et du Cantique des Cantiques.
Qu'est-ce que les Juifs ont exclu de leur Bible ? Un certain nombre de livres apocryphes, c'est-à-dire dont l'authenticité est douteuse. Écrits en grec et en hébreu, ils circulaient parmi les membres de la communauté juive. Il s'agissait tout d'abord des livres apocryphes de la version des Septante, traduction grecque de la Bible hébraïque achevée à Alexandrie (Égypte), aux environs de 250 av. J.-C. Les apocryphes ainsi que d'autres livres d'authenticité douteuse se retrouvent dans les manuscrits de la mer Morte qui ont été découverts au XXe siècle à Qumran, où les Esséniens avaient compilé et étudié les Écritures entre 200 av. J.-C. et 70 apr. J.-C. La plupart de ces livres étaient destinés à établir un lien entre les différents récits de l'histoire des Hébreux au moins jusqu'au deuxième siècle av. J.-C.
LES DÉBUTS DU CANON CHRÉTIEN
A ses débuts, la communauté chrétienne ne tenait pas de réunions pour débattre du canon, mais les chrétiens du premier siècle s'accordaient en général pour reconnaître que certains passages des Écritures étaient acceptables et pouvaient se lire à l'église. Ils considéraient les Écritures juives comme leur héritage religieux et voyaient dans la mission de Jésus la réalisation des promesses messianiques. Après tout, le Maître lui-même avait cité la Bible hébraïque, de même que Paul et les autres apôtres.
Les premiers chrétiens révéraient les enseignements de Jésus que répandait la tradition orale. Il fallut pourtant attendre plusieurs décennies avant d'avoir un canon définitif consignant sa doctrine. Même après la rédaction des quatre Évangiles, d'autres récits de ce qu'avait dit ou fait Jésus continuèrent à se répandre de bouche à oreille dans tout l'Empire romain.
Les chrétiens du premier siècle considéraient les épîtres écrites par Paul et Pierre, ou, plus tard, en leur nom, comme un autre élément de leur canon non officiel. Lorsque les apôtres eurent disparu, des chrétiens fervents puisèrent de l'inspiration dans ces lettres et estimèrent que les écrits des apôtres faisaient partie des Saintes Écritures. Ils ne savaient pas toujours, cependant, quelles lettres attribuer aux apôtres.
(A suivre)
Si donc tout ton corps est éclairé,
n'ayant aucune partie dans les ténèbres,
il sera entièrement éclairé,
comme lorsque la lampe t'éclaire de sa lumière.
Luc 11:36
