Skip to main content Skip to search Skip to header Skip to footer

Le pouvoir réformateur des Écritures

Cette série d’articles illustrés évoque la façon spectaculaire dont les « écritures » ont pris forme dans le monde sur plusieurs milliers d’années. Elle parle des grands réformateurs qui ont écrit et traduit la Bible. Ils furent nombreux à sacrifier leur vie pour rendre accessibles à tous la Bible et son influence réformatrice. La première partie se terminait sur les altérations subies, au cours des siècles, par la Vulgate (traduction de la Bible en latin par Jérôme). La deuxième partie continue sur le même sujet.

Le moyen-âge: mille ans sans la Bible

deuxième partie

Tiré du Héraut de la Science Chrétienne de décembre 1994


LA SCOLASTIQUE TRANSFORME LA BIBLE DE JÉROME


Au XIIe siècle, un théologien italien du nom de Pierre Lombard écrivit un ouvrage qui occasionna d’autres altérations de la Vulgate sans que cela soit aucunement dans l’intention de son auteur. Il s’agit des Quatre livres des sentences, qui traitent de sujets comme la Trinité et les sacrements. Ce qui est le plus caractéristique, dans cet ouvrage, c’est que Lombard cite très souvent les Pères de l’Église et utilise une méthode complexe de raisonnement théologique connue sous le nom de scolastique. Ces livres, très orthodoxes, finirent par représenter la théologie de l’Église catholique pendant toute la période du moyen-âge.

Fort malheureusement, au début du XIIIe siècle, des théologiens parisiens incorporèrent les commentaires scolastiques de Lombard au texte de la nouvelle version de la Bible d’Alcuin. Cela donna la « Bible de Paris » qui comportait de nombreux commentaires scolastiques incorporés au texte. Les étudiants de l’Université de Paris répandirent dans toute l’Europe cette Bible en un seul volume.

Au début du XIVe siècle, la Vulgate de Jérôme était dans un état déplorable. Toutefois, la gravité de la situation n’était connue que des théologiens les plus éclairés, ceux qui connaissaient un peu le latin, le grec et l’hébreu. La vaste majorité du public ne comprenait pas ces langues. Plusieurs siècles auparavant, le latin avait disparu pour laisser graduellement la place à une famille de nouvelles langues connues sous le nom de « langues vernaculaires ».

LES NOUVELLES LANGUES POPULAIRES


Les nouvelles langues vernaculaires comprenaient les langues modernes maintenant en usage dans la civilisation occidentale: les langues romanes (français, espagnol, portugais, italien, etc.) et les langues germaniques (allemand, hollandais, anglais, etc.). L’important, en ce qui concerne la Bible, c’est que les gens qui parlaient ces nouvelles langues, au moyen-âge, n’avaient aucun contact avec le latin et la Bible en latin que l’Église s’obstinait à considérer comme le seul texte officiel, la seule et unique version des Écritures utilisée pendant les offices ou lue par le clergé.

Mais le fait est qu’à part les nobles et quelques prêtres, presque tout le monde était illettré. De toute façon, même si le peuple avait su lire, l’Église interdisait la lecture de la Bible. A l’apogée de sa puissance, au début du XIIIe siècle, l’Église enleva aux gens toute possibilité de se familiariser avec les Écritures lorsqu’elle interdit aux non ecclésiastiques de lire la Bible et même d’en posséder un exemplaire.

LA BIBLE COMMENCE A SE RÉPANDRE PARMI LE PEUPLE


Il devait revenir aux grands héros de la Réforme de répandre la Bible dans les langues communément parlées. Avoir enfin la possibilité de lire cet ouvrage dans la langue qu’ils savaient allaient donner aux gens un sérieux motif pour apprendre à lire. Toutefois, même pendant le moyen-âge, quelques innovateurs courageux avaient procuré au peuple des fragments de la Bible dans la langue qu’ils comprenaient.

LA PREMIÈRE BIBLE EN GOTHIQUE


Le premier réformateur qui donna la Bible à son peuple en gothique fut le roi Ulfilas, au IVe siècle. Né d’un père goth et d’une mère chrétienne originaire de Cappadoce (aujourd’hui en Turquie), il avait, très tôt, étudié le grec et le latin ainsi que le gothique. Dans sa jeunesse, il travailla comme missionnaire. Par la suite, il fut nommé évêque. Souvent appelé « l’apôtre des Goths », Ulfilas traduira presque toute la Bible byzantine grecque en gothique. Cette traduction constitue la seule œuvre littéraire importante de la civilisation gothique.

LES ANGLO-SAXONS ET LES BIBLES ANGLAISES


La seule Bible que connaissaient les Anglo-Saxons — sans même avoir de contact direct avec elle — était le texte latin de la Vulgate qu’Augustin et Ceolfrid avaient rapporté en Angleterre lors de leur voyage à Rome au début du VIIIe siècle. Toutefois, seuls les moines avaient un contact direct avec cet ouvrage, et la plupart d’entre eux ne savaient pas le latin.

On considérait, à l’époque, qu’on profanerait les Écritures si on les traduisait dans les langues communes que tout le monde était à même de comprendre, car ces langues n’étaient pas estimées dignes de transmettre la Parole de Dieu: le Latin était la seule langue sainte.

L’histoire de la Bible en anglais vernaculaire commence à la fin du VIIe siècle avec Caedmon, le premier poète chrétien anglo-saxon. Alors qu’il gardait les troupeaux du monastère de Whitby, une nuit, Caedmon vit un ange qui lui ordonna d’écrire un poème sur la création. Selon la légende, le lendemain matin, il s’aperçut qu’il pouvait, pour la première fois de sa vie, écrire de la poésie exquise selon les règles compliquées de la versification anglo-saxonne qui étaient très prisées en Angleterre à l’époque.

Après avoir terminé son hymne à la création, Caedmon (ou celui qui écrivait en son nom), rédigea toute une série de poèmes reprenant les histoires de la Bible relatées dans la Genèse, l’Exode, le livre de Daniel ainsi que dans les Évangiles. Ces textes sont empreints d’inspiration poétique et mystique, mais ils s’éloignent de la Bible même.

Plus tard, dans le courant du IXe siècle, le poète Cynewulf, originaire des Midlands, raconta la crucifixion d’une façon encore plus libre et plus imaginative. Vers la même époque, Alfred le Grand, roi de Wessex, encouragea une renaissance des lettres, et certaines parties de la Bible furent alors traduites en anglo-saxon. Selon la tradition, le roi lui-même aurait commencé la traduction des Psaumes peu avant de mourir. Mais les traductions d’Alfred étaient faites uniquement à l’intention du clergé et de la noblesse. Il ne pensait pas que des gens du peuple dussent les lire.

Ce fut Aelfric, prêtre et écrivain, qui, au cours du Xe siècle, réussit à donner au peuple d’importants fragments de la Bible. Encouragé par son protecteur, le comte Ethelweard, Aelfric écrivit une série de sermons très vivants comportant de nombreuses citations bibliques, toutes traduites en bon anglo-saxon bien clair. Sous le patronage d’Ethelweard, Aelfric mit ses sermons, ainsi que le Pentateuque, sous forme de livre destiné à l’usage des prêtres.

Toutefois, Aelfric était un pionnier hésitant. Il refusa de traduire les Évangiles en anglais par crainte de représailles de la part de l’Église. Il déclara, à l’intention d’Ethelweard, dans la préface de sa traduction de la Genèse: « Je n’ose pas et je ne veux pas traduire d’autres livres de la Bible après celui-ci. »

Heureusement, un autre spécialiste de la Bible (qui réussit à conserver l’anonymat) osa traduire les Évangiles en anglais du vivant d’Aelfric. Cette traduction, connue sous le nom d’ « Évangiles en saxon occidental » ne fut jamais utilisée au cours des offices religieux et dut circuler en secret, mais elle donna enfin aux gens le récit complet de l’Évangile dans leur langue maternelle.

En 1066, l’invasion normande porta un coup sérieux au développement de la Bible en anglais. A mesure que les Normands conquéraient le pays, ils s’emparaient des monastères et de tous les centres de la culture auxquels ils imposaient le français et le latin comme langues principales.

Malgré tout, un courant irrépressible prenait naissance en Angleterre à l’époque. C’était l’ardent désir, qui se manifestait en particulier chez les femmes et les gens peu instruits qui n’avaient pas appris le latin, de lire la Bible dans leur langue maternelle. Sans faire de bruit, mais inexorablement, ce groupe de chrétiens fervents grandissait. Au xive siècle, l’ardeur de ces Anglais des deux sexes finit par s’exprimer sur un ton plus strident. Et pendant les dernières décennies du siècle, ce mouvement né du peuple trouva un défenseur à sa cause: John Wycliffe, professeur à Oxford.

LES PREMIÈRES BIBLES EUROPÉENNES


Alors que la Bible du peuple s’élaborait en Angleterre, des mouvements analogues se formaient en Allemagne, aux Pays-Bas, en France, en Italie et en Espagne. En Allemagne, par exemple, les premiers psautiers en langue vernaculaire virent le jour aux IXe et Xe siècles, dans le sillage de la renaissance des lettres encouragée par Charlemagne. Ils parurent dans des dialectes variés. Puis à la fin du Xe et au début du XIe siècle, un moine maître d’école du nom de Notker, très épris de la nouvelle langue allemande en plein développement, rédigea de magnifiques traductions en bavarois du Psautier et du livre de Job.

Au XIIe siècle, dans le sud de la France, Pierre Vaudès (ou Valdo), marchand fortuné qui se passionnait pour la Bible, fit don de tous ses biens à des œuvres charitables et se mit à prêcher aux pauvres de la ville de Lyon. Irrité de ce que l’Église interdît la lecture de la Bible, Vaudès fit faire une traduction du Nouveau Testament en provençal. Puis il en distribua le texte au peuple, par l’intermédiaire de ses disciples, qui étaient, comme lui, des prédicateurs « pauvres ». Quand le pape ordonna à ces « vaudois » de cesser de prêcher et de distribuer des bibles, Vaudès répliqua qu’il obéissait à Dieu et non pas aux hommes. L’Église prononça son excommunication en 1184.

Les disciples de Vaudès se disséminèrent dans toute l’Europe et menèrent une campagne clandestine afin de donner la Bible au peuple. Les Vaudois, de même que les membres de sectes dérivées en Allemagne, en Italie et en France, firent l’objet d’une violente persécution. Des inquisiteurs dominicains et franciscains sillonnèrent l’Europe en interrogeant les membres de ces sectes qui lisaient la Bible et ils les firent passer en jugement pour avoir enfreint les ordres de l’Église qui interdisait l’étude des Écritures. Toutefois, les Vaudois qui réussirent à s’échapper se réfugièrent dans les vallées d’Italie, de France, d’Espagne et d’Allemagne.

Aux XIIIe siècles, dans chacun de ces pays, des personnes influencées par les Vaudois se joignirent pour réclamer des Bibles complètes dans leurs langues respectives. La Vulgate, maintenaient-ils, s’était altérée d’une façon désespérante et restait inaccessible au grand public qui ne comprenait pas le latin. Un point important: les langues vernaculaires avaient maintenant acquis suffisamment de souplesse, de précision, de vocabulaire et de beauté pour permettre de réaliser de très belles versions de la Bible qui marqueraient l’histoire.

Des historiens, des poètes et autres écrivains maniaient les langues vernaculaires en les poussant à leurs plus extrêmes limites. Il était donc naturel que des spécialistes de la Bible, stimulés par les progrès réalisés dans le domaine des études du grec et de l’hébreu, veuillent faire de même. Peut-être sentaient-ils que, comme nous nous en rendons compte maintenant, la période du moyen-âge était terminée: l’âge d’or de la traduction de la Bible commençait à poindre.

Mary Trammell, rédactrice adjointe, est une exégète spécialisée dans la période de la Réforme. William Dawley, rédacteur de rubriques, a une formation de journaliste.

Pour découvrir plus de contenu comme celui-ci, vous êtes invité à vous inscrire aux notifications hebdomadaires du Héraut. Vous recevrez des articles, des enregistrements audio et des annonces directement par WhatsApp ou par e-mail. 

S’inscrire

Plus DANS CE NUMÉRO / décembre 1994

La mission du Héraut

« ... proclamer l’activité et l’accessibilité universelles de la Vérité toujours disponible... »

                                                                                                                                 Mary Baker Eddy

En savoir plus sur le Héraut et sa mission.