L’EXIL A BABYLONE
Il Existe Parfois, dans la vie d’un couple, une heure de vérité: c’est le moment où les deux époux subissent des tensions si fortes qu’elles risquent de briser leur union. Cela se produisit pour le peuple d’Israël pendant les soixante années d’exil à Babylone, période qui mit fort en danger l’alliance conclue entre Israël et Iahvé.
Sous la férule étrangère, les Juifs luttaient afin de conserver leurs traditions religieuses. Ils continuaient à adorer Iahvé, bien qu’ils aient été chassés de leur Temple sacré, le Temple de Jérusalem. Et comme cela avait toujours été au cours de l’histoire, les réformateurs religieux d’Israël entretenaient la foi du peuple en les incitant à demeurer fidèles à l’alliance conclue avec Iahvé.
Parmi ces réformateurs, le plus inhabituel fut Ézékiel, qui servit Dieu, probablement en qualité de prêtre, dans le Temple de Jérusalem. Après avoir été emmené à Babylone lors de la déportation de 598-597 av. J.-C., Ézékiel eut une vision: il vit Iahvé assis sur un trône, tout en haut d’un superbe char. Impressionné, Ézékiel accepta de transmettre aux Juifs le message de Iahvé, message qui se présente d’abord sous forme de lamentations et prédit la chute imminente de sa patrie.
Quand Jérusalem tomba aux mains de ses ennemis en 588-587 av. J.-C., le message d’Ézékiel se transforma enfin en un message d’espoir. Il assura au peuple que, même s’ils ressemblaient à un tas d’ossements desséchés, Iahvé les recouvrirait d’une nouvelle chair et leur redonnerait vie.
A la même époque, un historien, connu comme l’écrivain-prêtre, entreprit de revoir les textes concernant les débuts de l’histoire d’Israël et de les relater d’un point de vue ecclésiastique. On retrouve maintenant sa prose, d’une merveilleuse richesse poétique, dans les quatre premiers livres de l’Ancien Testament. Le premier chapitre de la Genèse, avec le récit superbe d’une création bien ordonnée en sept jours, nous donne un exemple de cette prose majestueuse.
On ne connaît pas le nom du plus grand prophète de la période de l’exil. Mais, puisqu’il a écrit les chapîtres 40 à 55 du livre d’Ésaïe, les exégètes modernes l’ont appelé le deutéro-Ésaïe. Dans une série de poèmes magnifiques, il donne une interprétation lumineuse et sereine du drame que fut l’exil. Il annonce avec joie que le libérateur d’Israël doit venir très bientôt. Il va même jusqu’à préciser son identité en la personne de Cyrus, roi de Perse, qui est en train de conquérir le Croissant fertile.
Les paroles du deutéro-Ésaïe apportent réconfort et amour aux exilés en proie à la tristesse. Il leur explique qu’ils ressemblent au serviteur de l’Éternel décrit dans son poème. A présent, il leur faut se soumettre à l’affliction, mais l’avenir leur réserve la victoire. En suivant l’humble chemin du serviteur, en souffrant de bon gré pour le bien de l’humanité, Israël entrera dans une époque glorieuse.
LIBÉRATION ET RECONSTRUCTION DE JÉRUSALEM
Ainsi que l’avait prédit le deutéro-Ésaïe, le roi de Perse, Cyrus, conquit Babylone et, dans un acte bienveillant, en 538 av. J.-C., permit à tous les Juifs de retourner en Palestine. Ils n’acceptèrent pas tous cette offre. Certains préférèrent rester à Babylone où ils vivaient relativement heureux depuis deux générations. Ils furent cependant des milliers à regagner la Palestine.
Le retour, qui s’étala sur une période de plus de cent ans, n’eut rien à voir avec les prédictions optimistes du deutéro-Ésaïe. Un prophète anonyme, auteur des dix derniers chapitres du livre d’Ésaïe et qu’on appelle le trito-Ésaïe, décrit la déception du peuple juif qui dut faire face aux dures réalités de la vie dans sa patrie dévastée. Le Temple était détruit. Jérusalem était en ruine. La reconstruction s’opérait sans enthousiasme dans une lenteur pénible.
C’est alors que s’éleva la voix des prophètes Aggée et Zacharie, qui réprimandaient le peuple pour le faire sortir de sa léthargie. Aggée conseillait aux Juifs de moins se préoccuper de leur prospérité personnelle et de penser davantage à reconstruire le Temple.
Encouragés par ces prophètes, les Juifs achevèrent enfin la construction du nouveau Temple en 515 av. J.-C. Mais, à certains égards, le royaume d’Israël n’était plus que l’ombre de lui-même. Son territoire était très réduit, le pays était en ruine et la ferveur religieuse de ses habitants s’était refroidie. Les Israélites se sentaient impuissants. A ce moment-là, trois autres prophètes — Abdias, Malachie et Joël — s’adressèrent avec force aux Hébreux. Abdias condamna Édom pour s’être emparé d’une partie du territoire de Juda pendant l’exil. Malachie reprocha aux Juifs le caractère superficiel de leur culte, qui respectait les rites mais n’exprimait aucun amour. Enfin Joël déplora l’invasion des sauterelles, dans laquelle il voyait un signe de la colère de Iahvé.
C’est seulement en 445 av. J.-C. que le peuple d’Israël fut dirigé par un homme de vision, déterminé à reconstruire Jérusalem et ses murailles en ruine. Il s’agit de Néhémie, dont l’histoire est relatée dans les livres d’Esdras et de Néhémie. Échanson d’Artaxerxès, roi de Perse, Néhémie était devenu un personnage éminent. Mais, lorsqu’il apprit le désespoir et l’impuissance dans lesquels se trouvaient ses compatriotes à Jérusalem, il ne put garder le silence. Il demanda au roi de le laisser retourner à Jérusalem pour aider les Israélites à reconstruire les murailles de la ville. Artaxerxès lui accorda sa requête et le nomma gouverneur d’Israël. Néhémie se rendit sans attendre à Jérusalem et entreprit une campagne courageuse pour engager le peuple à reconstruire les murailles, reconstruction qu’il accomplit en cinquante-deux jours ! En sa qualité de gouverneur, il communiqua au peuple le sentiment de leur identité nationale. Il les engagea à obéir avec scrupules à la Torah, ou loi mosaïque, et à cesser d’adultérer leur religion en épousant des étrangers.
Tout le monde ne pensait pourtant pas qu’une attitude aussi stricte fût indispensable. Le livre de Ruth, que la plupart des exégètes font remonter à cette époque, relate l’histoire émouvante d’une jeune femme de Moab qui, des siècles auparavant, avait épousé un Hébreu et avait embrassé sa religion avec une telle ferveur qu’elle y resta fidèle, même après la mort de son mari. Elle finit par épouser un homme pieux, qui appartenait à la famille de son mari, et elle devint ainsi l’arrièregrand-mère du roi David. Ce récit indique clairement que les femmes étrangères pouvaient faire d’excellentes épouses pour les Juifs, même si Néhémie affirmait le contraire !
Le prêtre Esdras prit la succession de Néhémie en prêchant l’obéissance à la Torah. Il arriva de Babylone en 428 av. J.-C. (d’après un exégète reconnu), à la tête d’un groupe d’exilés qui revenait en Palestine. Il amena les Juifs à célébrer une cérémonie de renouvellement de l’alliance, au cours de laquelle le peuple s’engagea à obéir à la Loi comme jamais auparavant, de la première à la dernière lettre. Plus que quiconque, Esdras eut le mérite de réintroduire la Loi dans la communauté de Jérusalem, et les Juifs se sentirent à nouveau liés à Iahvé par cette alliance d’amour, unique en son genre. Esdras est en général considéré comme le père du judaïsme.
Grâce à Esdras et à Néhémie, l’accent fut surtout porté, après l’exil, sur la Loi et les rites; il n’est donc pas surprenant qu’un historien, que nous connaissons sous le nom de chroniqueur, écrivît une portion importante de l’histoire des Hébreux du point de vue du judaïsme ecclésiastique. Le récit complet du chroniqueur figure dans le Premier et le Second livre des Chroniques ainsi que dans les livres d’Esdras et de Néhémie.
Pendant la période qui suivit l’exil, les prêtres du nouveau Temple rassemblèrent, dans un hymnaire, les magnifiques psaumes qui avaient été écrits au cours des six siècles précédents, c’est-à-dire depuis l’époque de David. Ce superbe recueil de prières en vers contient des cantiques de louange, des lamentations et des chants de gratitude. La tradition veut que, sur les cent cinquante poèmes, soixante-treize aient été composés par David, mais il n’en aurait pas écrit autant en réalité. Plus que tout autre livre de l’Ancien Testament, le livre des Psaumes chante le culte célébré dans le Temple et les louanges adressées à Dieu par le peuple de l’alliance.
LE MOUVEMENT DE LA SAGESSE ET LA FOI DE L’ALLIANCE
Depuis l’époque antérieure à Abraham, des maximes de sagesse traitant de la signification profonde de la vie humaine circulaient de bouche en bouche dans tout le Croissant fertile. Elles eurent surtout du succès pendant la période qui suivit l’exil, quand elles furent, pour la première fois, rassemblées en un seul recueil. Ces maximes émanaient de sages qui, dans chaque tribu et dans chaque pays, réfléchissaient profondément au moyen de mener une existence fructueuse et de faire face aux drames humains. Les sages d’Israël se distinguaient des autres par leur conviction que la sagesse n’était pas une qualité personnelle mais un don divin. Ils étaient aussi certains que personne n’avait jamais été aussi sage que Salomon, leur roi bien-aimé.
La plus connue de ces œuvres est le livre des Proverbes, recueil de courtes phrases dont chacune expose une vérité profonde avec simplicité et clarté. Selon la tradition, Salomon aurait écrit le livre des Proverbes, mais celui-ci est en réalité l’œuvre de plusieurs écrivains, composée au cours de l’histoire d’Israël. Derrière les conseils de bon sens prodigués dans les Proverbes se cache la conviction profonde, dont les Juifs s’étaient pénétrés après l’exil, que ce n’est pas l’homme, mais Iahvé, qui est la source de toute sagesse.
Parmi ces sages écrits, le plus vivant est le livre de Job. Selon la légende ancienne, consignée par écrit pour la première fois après l’exil, Iahvé met la fidélité de Job à l’épreuve en permettant à Satan de l’accabler de calamités. Job perd tous ses biens, ses enfants, sa santé. Incapable de comprendre pourquoi il souffre ainsi, il accuse Dieu de lui avoir injustement envoyé tous ces malheurs.
C’est alors que Dieu apparaît soudain à Job du milieu de la tempête, l’assaillant de questions qui permettent à Job de comprendre, mieux que jamais, la toute-puissance et la gloire de Iahvé. L’impression produite par cette présence et ce pouvoir divins remplit Job d’humilité et le satisfait. Il se sent uni à nouveau au Dieu de son peuple, il retrouve l’alliance. Châtié et régénéré par Dieu, il se relève des cendres de son malheur et reconstruit sa vie. Dieu lui accorde un nombre encore plus grand d’enfants et le rend deux fois plus riche qu’avant.
