Chaque génération doit faire face à des événements — des faits dramatiques qui laissent des empreintes profondes. Pour mes grandsparents, ce fut la première guerre mondiale, la tuberculose, l’épidémie mondiale de la grippe espagnole et le début de l’exode rural de leurs enfants. Pour mes parents, ce fut la dépression des années 30 et la seconde guerre mondiale, avec la menace nouvelle de vivre dans un monde sur lequel planait l’ombre des armes nucléaires. Pour nous aujourd’hui, la bombe, la surpopulation, le choc technologique à venir et le syndrome d’immuno-déficience acquise figurent parmi les spectres qui se profilent à l’horizon social.
Face à ces problèmes terrifiants et à d’autres qui le sont tout autant, les gens se demandent quand viendra la fin ou la solution, ou même si elle viendra. En fait, l’idée d’une « fin » est souvent ce qui, justement, donne à de tels défis leur caractère si perturbant.
Il existe, dans le vocabulaire religieux, un terme technique qui se rapporte aux choses dernières, ou fins dernières: eschaton. Ce mot, qui vient du grec, est traduit par dernier dans le Nouveau Testament. En consultant une concordance biblique qui indique où est employé ce terme, on constate que les auteurs du Nouveau Testament, en observant le monde, s’inquiétaient beaucoup des choses, ou fins, dernières. Mais l’eschatologie, terme qu’on emploie aujourd’hui, se rapporte non seulement aux fins dernières, mais également aux choses fondamentales. Et les penseurs chrétiens sont fortement attachés à la nature fondamentale des choses — aux vérités qui transcendent la scène humaine en perpétuel changement.
Le dernier livre du Nouveau Testament fut écrit à une époque difficile pour les disciples de Christ Jésus. Le monde et la société dans lesquels ils vivaient connaissaient une profonde effervescence; sous bien des aspects, la vie devait sembler très sombre. L’Église subissait d’intenses persécutions; nombre de ses chefs avaient été exilés ou martyrisés. La gloire transcendante de Christ Jésus, éveillant un nouvel espoir et guérissant les malades, était souvent voilée par des événements qui semblaient nier la lumière spirituelle dont l’éclat avait fait resplendir l’activité missionnaire des apôtres, à ses débuts.
C’est dans ce contexte que prit forme le livre de l’Apocalypse. Mais qu’y découvrons-nous ? Que l’auteur voit un nouveau ciel et une nouvelle terre, qui annoncent à la pensée spirituellement inspirée le règne et la puissance inéluctables de Dieu. Saint Jean écrit: « Heureux celui qui lit et ceux qui entendent les paroles de la prophétie, et qui gardent les choses qui y sont écrites ! Car le temps est proche. » Puis il dit combien sa prière est imprégnée des paroles rassurantes du Christ: « Ne crains point ! Je suis le premier et le dernier... je suis vivant aux siècles des siècles. » Apoc. 1:3, 17, 18.
Cette façon de voir n’a pas été acquise grâce aux sens matériels; elle fut, cependant, suffisamment puissante pour soutenir un nouveau mouvement. Aujourd’hui, elle a le pouvoir de transcender les événements humains, nous révélant la cause spirituelle à l’origine de la création. C’est le combustible qui alimenta le christianisme primitif, qui guérit les malades, qui purifia l’entendement et le corps humains des grossières illusions du péché, et contraignit le monde à étudier d’une manière autrement plus sérieuse la vie et les enseignements du Maître, Christ Jésus.
Un phénomène analogue accompagne le développement de la Science Chrétienne. Depuis un siècle, son œuvre de guérison est plus ou moins acceptée, ou tolérée, dans le monde. On accorde généralement à la Science Chrétienne la valeur d’un système thérapeutique, applicable de façon pratique au traitement de la maladie là où d’autres méthodes ont échoué. Dans ce domaine, la Science Chrétienne a remporté de remarquables succès. Des maladies ont été effectivement guéries grâce à son traitement spirituellement mental. Le péché a été vaincu sous différents aspects. La suffisance humaine, manifestée à l’égard de la spiritualité, a en partie cédé à la réalité pratique de Dieu à une époque qui est loin d’être aussi « croyante » que les siècles antérieurs. On a vu, dans ces réalisations, des résultats tangibles de la découverte de la Science Chrétienne. Mais la vérité la plus sublime de la Science Chrétienne — la réalité de l’Esprit et l’irréalité de la matière — vient seulement maintenant au premier plan de la pensée humaine.
Ce qui est à l’œuvre dans les événements humains, c’est un élan divin transformant la conscience humaine et y substituant une base spirituelle à une base matérielle. Notre génération actuelle atteint doucement, mais en prenant graduellement de la vitesse, une frontière spirituelle où l’idée de l’homme en tant qu’image, ou reflet, de l’Esprit se détachera sur un fond de dissolution matérielle.
Prévoyant cette spiritualisation radicale, Mary Baker Eddy écrit dans Science et Santé: « Avant que l’erreur ne soit complètement détruite, il y aura des interruptions dans la routine générale matérielle. La terre deviendra lugubre et désolée, mais l’été et l’hiver, les semailles et les moissons (bien que sous des aspects différents) continueront jusqu’à la fin — jusqu’à la spiritualisation définitive de toutes choses... La désagrégation des croyances matérielles peut sembler être la famine et la peste, la misère et le malheur, le péché, la maladie et la mort, qui passent par de nouvelles phases jusqu’à ce que leur néant se révèle. Ces troubles continueront jusqu’à la fin de l’erreur, lorsque toute discordance sera engloutie dans la Vérité spirituelle... A mesure que les connaissances matérielles diminueront et que la compréhension spirituelle augmentera, les objets réels seront perçus mentalement et non matériellement. » Science et Santé, p. 96.
Alors que l’ampleur du changement auquel fait allusion ce passage est gigantesque, il ne détruit pas la vie. Ce passage ne décrit pas l’anéantissement de l’humanité, mais la découverte progressive de la nature réelle de l’homme, la véritable identité qui est semblable à Dieu et n’est pas soumise au processus du péché, de la maladie et de la mort. En fait, à mesure qu’augmentera notre soif de spiritualité, la vaste réforme annoncée par le christianisme scientifique se présentera à nous comme étant le Consolateur, le défenseur spirituel des droits de l’homme.
La tyrannie exercée par la crainte de l’approche de la fin de toute existence disparaîtra, à mesure que nous percevrons la transformation spirituelle réelle qui embrasse la période dans laquelle nous vivons. La loi de Dieu n’est pas une doctrine dissimulée et lointaine, reléguée dans les recoins isolés de la spéculation et des discours théologiques. Cette loi est la force réelle gouvernant notre vie et elle agit comme une loi de guérison et de réconciliation, nous rapprochant de la bonté infinie de Dieu et de la perfectibilité qui est nôtre puisque nous sommes Son reflet spirituel.
Vivre en accord avec la loi de Dieu, c’est acquérir progressivement la domination sur tout ce qui tend à s’opposer à la vie, à l’amour ou au véritable bonheur. Mais même au-delà de la guérison, si importante soit-elle, comprendre la nature de la loi de Dieu — commencer à saisir que la réalité de la création de Dieu est l’expression spirituelle de l’Être divin — c’est transcender peu à peu le caractère éphémère et mortel de la croyance que la vie dépend de la matière et de sa condition temporelle.
Il existe une dynamique spirituelle qui a une signification immédiate dans notre vie. C’est la compréhension du fait que Dieu, l’Amour divin, est la réalité fondamentale de notre vie. Et cette réalité est la force créatrice de l’existence. Voilà une « fin » à laquelle nous pouvons aspirer et, si nous l’entretenons dans notre pensée, nous découvrons qu’elle offre le plus grand espoir et répond à toutes les prières pour un monde meilleur.
