De nos jours, peut-être plus encore qu'à aucune autre période de l'histoire, il est indispensable de monter la garde à la porte de sa pensée. Notre aptitude à penser avec clarté peut trop facilement se trouver érodée par la tentation subtile d'accepter que d'autres personnes ou d'autres forces règlent notre vie et notre destinée.
C'est là une tendance qui peut se présenter très tôt au sein de la famille, si un élément dominateur cherche à penser pour les autres. De même, à l'école ou à l'université, influencés par leurs congénères, les jeunes sont parfois tentés de se prêter à des concessions sur les règles morales et de se conformer à la manière de penser du groupe, au lieu de suivre les indications de leur propre conscience et de développer leur aptitude naturelle à se gouverner eux-mêmes.
Il existe, dans de nombreux pays du monde, des dirigeants dominateurs qui, sous le couvert du nationalisme, exercent une emprise totale; les gens se trouvent alors pris dans des conflits et des guerres, qui paralysent le développement individuel et l'indépendance de la pensée.
La plupart des gens, si on leur posait la question, admettraient sans doute vouloir se sentir maîtres de leur citadelle mentale. Alors comment faire pour parvenir à cette souveraineté individuelle et à cette liberté de pensée ? Nous pouvons trouver en Christ Jésus l'exemple d'un homme qui a pensé et agi sous l'égide suprême de la loi de Dieu, et qui a donc su se maintenir au plus haut niveau du gouvernement de lui-même, y compris lorsqu'il a rencontré l'opposition et la haine.
Jésus a enseigné à ses disciples à respecter la loi civile tout en sachant qu'ils devaient d'abord obéir à Dieu. Les pharisiens voulurent un jour le jeter dans l'embarras en mettant son loyalisme en doute. « Est-il permis, ou non, de payer le tribut à César ? », lui demandèrent-ils. Il leur répondit: « Rendez... à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. » Voir Matth. 22:17–21. Jésus ne se livrait à aucun débat mental pour savoir où se trouvait son devoir primordial: c'était dans une obéissance totale à Dieu.
A maintes reprises, le Maître fut à même de refuser les empiètements subtils d'un mode de pensée limité et terrestre, qui cherchait à s'opposer à l'accomplissement de la mission que Dieu lui avait confiée: libérer l'humanité du péché et de la souffrance.
Jésus a exposé à ses disciples la nécessité de rester toujours éveillé et vigilant dans sa conscience. Nous lisons dans l'Évangile selon saint Marc qu'il leur parla de certains bouleversements qui accompagneraient la venue du Christ dans toute son autorité et sa puissance. Il mentionne la destruction du temple de Jérusalem et la supercherie de faux messies qui viendraient en son nom; il parle de guerres et de troubles, de famines et de tremblements de terre; mais il leur promet aussi qui, même si tout était détruit, ses paroles ne passeraient pas. Voir Marc, chap. 13.
A l'aide d'une simple parabole, le Maître leur apprit ce que serait leur rôle dans ces jours décisifs qui allaient apporter changements et bouleversements. Faisant peut-être allusion à son futur « voyage » hors de la mortalité, grâce à sa résurrection et à son ascension, il dit: « Il en sera comme d'un homme qui, partant pour un voyage, laisse sa maison, remet l'autorité à ses serviteurs, indique à chacun sa tâche, et ordonne au portier de veiller. Veillez donc, car vous ne savez quand viendra le maître de la maison, ou le soir, ou au milieu de la nuit, ou au chant du coq, ou le matin. » Se plaçant ensuite sur un plan plus universel, il déclare: « Ce que je vous dis, je le dis à tous: Veillez. »
Nous pouvons prendre cela pour une injonction directement adressée aux disciples chrétiens d'aujourd'hui. Les événements marquants annoncés par Jésus sont certainement des signes qui s'appliquent à notre époque. Ils nous parlent de la venue du Christ en notre temps. La nécessité de veiller demeure tout aussi impérative pour nous.
Mary Baker Eddy, qui a fondé la Science ChrétienneChristian Science ('kristienn 'saïennce) et qui avait été imprégnée par le robuste individualisme de son milieu d'origine, la Nouvelle-Angleterre, écrit dans Science et Santé avec la Clef des Écritures: « De même que notre pays, la Science Chrétienne a sa Déclaration d'Indépendance. Dieu a doué l'homme de droits inaliénables, parmi lesquels on compte le gouvernement de soi-même, la raison et la conscience. » Et elle ajoute: « L'homme n'est bien gouverné par lui-même que lorsqu'il est bien guidé et gouverné par son Créateur, la Vérité et l'Amour divins. » Science et Santé, p. 106.
Notre obéissance et notre profond attachement à Dieu, ainsi que notre désir de laisser au Principe divin la direction de notre existence et de notre pensée, nous assurent une liberté qu'aucun gouvernement humain n'est à même d'accorder à ses citoyens. Si nous revendiquons nos droits d'origine divine, « gouvernement de soi-même, raison et conscience », et si nous les exerçons dans la vie de tous les jours, nous nous apercevons que notre indépendance s'accroît. Mais cette indépendance comporte aussi le sens de nos responsabilités envers autrui et la compassion, comme nous l'a montré le Maître lorsqu'il a dit: « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Matth. 22:39; voir aussi Lév. 19:18.
En nous confiant un rôle de veilleurs, Jésus ne songeait pas simplement à notre intérêt personnel, mais au bien du monde entier. Par la prière quotidienne, nous demandons à Dieu de nous rendre aptes à remplir cette tâche, à être réellement éveillés et vigilants. Nous commençons par surveiller le cours de nos pensées tout au long de la journée, en ne permettant pas au mal, sous ses multiples déguisements, de s'introduire dans notre demeure mentale.
D'ordinaire, les veilleurs se munissent d'une lumière forte pour monter la garde contre les intrus. Dans le même ordre d'idées, la lumière du Christ, en brillant continuellement dans la conscience de chacun, dissipe les ombres menaçantes des pressentiments et de la frayeur, et nous donne confiance dans le triomphe de la Vérité sur le mal. Nous devons également rester sur nos gardes afin que la matérialité — l'attrait des appuis matériels, qu'il s'agisse de remèdes physiques, de drogues, de personnalités dominatrices ou de préoccupation de sa personne — ne nous induise pas à l'apathie et n'endorme pas notre vigilance. En ne relâchant pas notre surveillance dans ces domaines, non seulement nous nous trouvons protégés, mais encore nous aidons les autres à se libérer de leurs dépendances trompeuses.
Mary Baker Eddy écrit à propos du règne inévitable du Christ: « La personnification de l'idée spirituelle fut de courte durée dans la vie terrestre de notre Maître; mais "son règne n'aura point de fin", car le Christ, l'idée de Dieu, régira finalement toutes les nations et tous les peuples — impérativement, absolument, définitivement — par la Science divine. » Science et Santé, p. 565.
Lorsque nous plaçons notre existence, chaque jour, à chaque heure, sous le gouvernement du Christ, que nous choisissons d'obéir à Dieu et de L'aimer, nous contribuons à hâter la venue du jour où le règne du Christ sera reconnu et accepté universellement.
