Il est important, en étudiant le Nouveau Testament, de considérer l’arrière-plan historique et le rôle de certains groupes juifs vivant en Palestine à l’époque, dont les noms sont familiers parce qu’ils ont fait partie de l’histoire dramatique des débuts du christianisme. Il s’agit des groupes auxquels Christ Jésus avait affaire et dont il observait et mettait souvent en question opinions. Retranchés comme ils l’étaient, sur des positions de commandement et d’autorité dues à la hiérarchie, à la tradition et à la coutume depuis longtemps établies, il était presque inévitable qu’ils s’opposent à tout changement.
Les partis et groupes les plus connus de la vie politique religieuse du Nouveau Testament se composaient de Sadducéens, de Pharisiens et de scribes. Il est fait état alors qu’on ne parle pas des Esséniens extrêmement religieux. Les Hérodiens, membres et supporters de la famille des Hérodes, formaient uniquement un parti politique, dont l’autorité titulaire était acceptée par Rome.
Les Sadducéens formaient un parti ecclésiastique conservateur parmi les Juifs. Ils tiraient probablement leur nom de Tsadok, le grand-prêtre qui oignit Salomon en le sacrant roi (voir I Rois 1:39). Issus des familles de grands-prêtres de l’aristocratie juive, qui vinrent au pouvoir en grande partie pendant la guerre des Macchabées, c’était des hommes riches et instruits, peu nombreux, mais revêtus d’une grande autorité. Ceux qui ne pouvaient pas prouver qu’ils étaient descendants d’une famille sacerdotale n’étaient pas autorisés à offrir des sacrifices dans le Temple.
Tout en maintenant la diffusion de la culture hellénique, les Sadducéens mirent l’accent sur la lettre de la loi mosaïque ou Thora. Ils niaient même l’autorité de la tradition ancienne et rejetaient les concepts d’alors quant aux anges, à l’immortalité, à la résurrection et au jugement dernier (voir Marc 12:18–27; Actes 4:1, 2; 23:8). Par leurs soins, l’adoration et les rites sacrificiels étaient jalousement réservés au Temple et ils s’opposèrent à ce que Jésus nettoyât le Temple, ce qui aurait empiété sur leur autorité religieuse. Après que les Romains eurent détruit le troisième temple, ou Temple d’Hérode, en 70 av. J.-C., avec la disparition de l’état juif, leur règne prit pour ainsi dire fin. Le Temple n’existant plus, la fonction de prêtre tomba en désuétude et fut remplacée par celle de rabbin, dans la synagogue.
A l’époque de l’exil, le Temple de Salomon ayant été détruit, la nécessité se fit sentir de disposer de lieux de réunion, annonciateurs de ce qui serait plus tard la synagogue. Même après le retour en Palestine de certains exilés et après l’édification du second temple, ou Temple de Zorobabel, la synagogue et son école s’avéra de plus en plus nécessaire, d’abord à cause de tant de Juifs dispersés qui ne revenaient toujours pas et puis en raison de la soif de connaître les Écritures, à la suite de la réforme religieuse qu’Esdras et Néhémie avaient entreprise. A l’époque du Nouveau Testament, chaque ville petite ou grande, où résidaient des Juifs, avait sa synagogue et son école attenante.
C’est à l’époque d’Esdras et de Néhémie, environ 450 ans avant l’ère du Nouveau Testament, que remontent les débuts du pharisaïsme. En une période d’effondrement et de découragement, Esdras fit beaucoup pour apporter à son peuple la stabilité. Il maintint deux concepts principaux qui constituaient, pour ainsi dire, le cœur du pharisaïsme. Tout d’abord, il établit une barrière bien nette entre Juifs et Gentils. Il considérait les Juifs comme le peuple sacré de Dieu. Prendre pour époux ou épouse quelqu’un d’une ascendance mixte, comme les Samaritains, leur était rigoureusement interdit. Il fit également de la Loi de Moïse la clef de voûte de la religion juive, l’établissant pour ainsi dire comme la constitution du peuple juif.
Opposés à l’hellénisation du judaïsme après l’ascension d’Alexandre le Grand, de nombreux Juifs se montrèrent même encore plus décidés à préserver la pureté de leurs lois et traditions. Il est ainsi facile de comprendre pourquoi ils prirent le nom de « pharisiens » (perouchim en hébreu), qui signifie « les séparés ».
Ces hommes, dont l’influence rendait le judaïsme plus démocratique, étaient essentiellement des laïques provenant de toutes les couches sociales, mais parmi lesquels on trouvait souvent des scribes et des prêtres. Comme les Sadducéens, ils cherchaient à maintenir la Loi de Moïse, mais ils avaient souci d’adapter ses enseignements aux événements du jour, et leur influence se faisait surtout sentir dans la synagogue.
La force du pharisaïsme venait en grande partie du fait que ce mouvement savait s’adapter aux conditions changeantes, tendance qui contribua à ouvrir la voie au christianisme. C’est surtout grâce aux Pharisiens que l’idée du Messie fut acceptée et maintenue vivante dans le cœur des hommes. Ce fut également eux qui maintinrent la croyance à l’immortalité et à la résurrection, à laquelle les Sadducéens objectaient si vivement. A l’encontre des Zélotes, ils rejetaient en général l’idée de violence comme moyen de libération nationale.
Tandis que la recherche moderne justifie de plus amples avis favorables en ce qui concerne le rôle des Pharisiens dans l’histoire, le Maître eut d’abondantes occasions de dénoncer de façon répétée les abus et contradictions qu’il avait remarqués. Néanmoins, certains Pharisiens tels que Nicodème (voir Jean 3:1 et 19:39), Gamaliel (voir Actes 5:34) et son fameux élève, Saul de Tarse (voir Actes 22:3), représentèrent, à n’en pas douter, la pensée la plus élevée du judaïsme.
Le puissant Sanhédrin ou Conseil de soixante et onze membres, la cour suprême juive, était composé de Pharisiens et de Sadducéens, et présidé par le grand-prêtre.
Les scribes, à proprement parler, étaient plutôt hommes de loi que membres d’un parti. De même que les docteurs de la loi, groupe presque identique, la plupart étaient Pharisiens, bien qu’à l’occasion il y eût également des scribes sadducéens. Ils poursuivaient carrière d’enseignants, interprétant et transcrivant la Loi, à une époque où la copie manuelle des textes était le seul moyen de conserver des documents.
Les Juifs insistaient tellement sur le maintien de la précision absolue de leurs Écritures saintes, que le travail de scribe exigeait une habileté exceptionnelle et une maîtrise parfaite du texte. Les Juifs considéraient la Loi de Moïse comme la norme infaillible, la loi même de Dieu. A elle seule elle constituait à leurs yeux la loi nationale, civile, morale et religieuse.
Les scribes non seulement transmettaient mais encore renforçaient « la tradition des anciens », ensemble toujours croissant de particularités d’ordre juridique qui, une fois écrites, formèrent le Talmud.
D’habitude, les scribes avaient une autre occupation pour contrebalancer le fait qu’ils ne recevaient aucun salaire pour leur enseignement et leur travail d’écrivains. Ils étaient à la fois juges, hommes de loi, prédicateurs, maîtres et érudits. La fonction de scribe rejoignit peu à peu celle de rabbin, car lorsque le Canon de l’Ancien Testament fut finalement établi en 90 av. J.-C. — résultat dû en grande partie au travail des Pharisiens — il fallut moins de scribes pour interpréter la Loi.
Il est souvent question de scribes dans l’Ancien Testament, mais c’est vraiment « Esdras, le scribe » (Néh. 8:1; 12:26), qui fut le premier scribe de tous ceux que le Nouveau Testament mentionne.
Le récent intérêt porté aux Esséniens, suite de la découverte des célèbres Rouleaux de la mer Morte, a donné lieu à de nombreuses hypothèses sur l’éventuel rapport existant entre eux et Jean-Baptiste, ou même Christ Jésus. Comme nulle part dans la Bible il n’est fait état des Esséniens, on n’a guère de preuve que tel rapport existait ou non. Une secte juive de cet ordre, rigoureusement ascète et vivant essentiellement sous la discipline monastique, assujettie à des rites de purification interdisant même à ses adhérents l’accès à la grande cour du Temple, rejetant ou restreignant le mariage, aurait sans doute dédaigné les idées et les actions de ces deux éminents leaders. Il n’y a assurément aucune preuve que ni Jésus ni Jean aient jamais partagé l’intérêt que les Esséniens portaient aux anges ou l’adoration qu’ils vouaient au soleil.