C'était un dimanche après-midi, juste à la fin des vacances, et Janot venait à peine de retrouver Paris.
« Veux-tu que nous allions visiter le musée Grévin ? » avait proposé sa maman.
Janot, qui avait souvent entendu parler de cet étrange musée aux personnages de cire et aux surprises de toutes sortes, avait accepté volontiers d'y consacrer une partie de la fin de ses heures de liberté.
En y entrant, maman demandait à un gardien le chemin du palais des mirages, la plus célèbre attraction de l'endroit. Ce gardien semblait un peu sourd et maman lui parla un peu plus haut. C'est alors que maman et Janot comprirent qu'ils venaient de s'adresser à un personnage de cire, parfaitement imité, certes, mais incapable de les renseigner ou de faire le moindre geste.
« Vraiment, on dirait qu'il est vivant », fit remarquer Janot, que cela amusait beaucoup.
« Mais oui, on dirait... Mais en réalité ce n'est qu'un objet sans pensée », répondit maman.
Ils arrivèrent bientôt au palais des mirages. C'était une pièce hexagonale dont chaque pan de mur était un miroir. Par le jeu des reflets, il suffisait de se trouver à trois ou quatre dans la pièce pour se croire immédiatement au milieu d'une foule immense. De temps à autre, les miroirs pivotaient sur eux-mêmes et présentaient des faces légèrement décorées. Ainsi Janot se croyait tantôt dans une forêt, tantôt au milieu d'une immense colonnade.
Puis, cela prit fin. Janot se retrouva bientôt dans la rue, parmi la vraie foule, cette fois, et très heureux de sa visite. Après le repas du soir, Janot partit se coucher de bonne heure. Il lui arrivait souvent de lire, avant de s'endormit, un passage de la Bible, ou de Science et Santé de Mrs. Eddy, ou encore une petite brochure sur la Science Chrétienne.
Au hasard des pages, il lut ce soir-là un passage de l'Évangile de Jean: « C'est l'esprit qui vivifie; la chair ne sert de rien. » Jean 6:63; Quand maman vint lui dire bonsoir, il lui demanda la signification exacte de ce passage.
« “C'est l'esprit qui vivifie”, cela revient à dire que nous ne vivons que dans l'Esprit, Dieu, et que ce n'est ni la chair, ni le sang qui nous font vivre. »
« Pourtant, notre corps a l'air vivant », répliqua Janot.
« Oui, dit maman, il a l'air vivant, mais ce n'est qu'une illusion. Te souviens-tu du bonhomme en cire à qui nous avons demandé notre chemin, tout à l'heure ? Est-ce qu'il n'avait pas l'air d'être vivant au premier coup d'œil ? »
« C'est vrai, mais nous nous étions trompés. Il était incapable de nous répondre, je veux dire, il n'était pas vivant parce qu'il ne pensait pas. »
« Exactement. La matière est réellement incapable de penser. »
« Alors, si je comprends bien, la chair n'est pas plus vivante ni intelligente que le bonhomme de cire ! La matière n'a aucune valeur. Ce qui fait notre valeur, c'est que nous pensons ! »
« Voilà pourquoi il est écrit: “La chair ne sert de rien.” Et c'est non seulement vrai de la chair, mais de toute forme de matière. Il est donc inutile de vivre ou de travailler pour la matière. Et cela me rappelle un commandement que tu as appris à l'École du Dimanche: “Tu n'auras pas d'autres dieux devant ma face.” » Ex. 20:3;
« C'est le Premier ! »
« Oui, et tu sais que Christ Jésus a dit: “Dieu est esprit.” » Jean 4:24;
« Donc il ne faut aimer que l'Esprit ! C'est sans doute à cause de cela qu'il y a le deuxième commandement: “Tu ne te feras point d'image taillée, ni de représentation quelconque des choses qui sont en haut dans les cieux, qui sont en bas sur la terre, et qui sont dans les eaux plus bas que la terre. Tu ne te prosterneras point devant elles, et tu ne les serviras point.” » Ex. 20:4, 5;
Janot réfléchit un moment, et poursuivit: « Tout de même, de nos jours, on ne se prosterne plus devant des images taillées ! »
« Faisons bien attention ! Ce commandement ne s'adresse pas uniquement aux peuplades primitives. Écoute donc ce que dit Ésaïe: “Ils n'ont point d'intelligence, ceux... qui invoquent un dieu incapable de sauver.” Ésaïe 45:20; Tous ceux qui cherchent le salut autrement que par Dieu, Esprit, se prosternent devant la matière, devant une image taillée qui s'appelle médecine, hygiène, et ainsi de suite. »
« Mais alors, pourquoi les gens font-ils cela ? Pourquoi se prosternent-ils devant leurs idoles ? » demanda Janot.
« Les hommes sont fiers d'eux-mêmes lorsqu'ils ont créé quelque chose. Quand ils contemplent ce qu'ils ont créé, ils s'admirent eux-mêmes, au lieu d'admirer l'Esprit. Après tout, l'Esprit est la seule source d'intelligence. L'Esprit est en réalité le seul pouvoir créateur. »
« Mais chacun de nous peut admirer l'Esprit ! »
« Oui, répondit maman, mais chacun de nous n'a pas son petit esprit à soi. Il n'y a qu'un seul Esprit pour tous. Cet après-midi, au palais des mirages, tu te rappelles la pièce avec tous ces miroirs, eh bien, quand une personne était au milieu de la pièce, chaque miroir renvoyait une image différente mais exacte de cette personne. Maintenant, lisons dans Science et Santé: “Une image dans la chambre noire ou un visage reflété dans le miroir n'est pas l'original, quoique lui ressemblant. L'homme, à la ressemblance de son Créateur, reflète la lumière centrale de l'être, le Dieu invisible. De même qu'il n'y a pas de corporalité dans la forme que présente le miroir et qui n'est qu'un reflet, de même l'homme, comme toutes choses réelles, reflète Dieu, son Principe divin, mais non dans un corps mortel.” » Science et Santé, p. 305.
Une fois la lumière éteinte, Janot repensa à toutes ces choses. Il comprit qu'il ne faut pas se glorifier de ce que l'on fait, car on ne fait rien de soi-même. C'est Dieu qui nous donne le pouvoir et l'intelligence de Le refléter et de bien faire tout ce que l'on fait.
