Dans le Sermon sur la montagne, Jésus le Christ nous a donné une règle importante pour la vie en commun (Matth. 5:44): « Aimez vos ennemis. » Ce précepte est sans doute plus souvent cité qu'obéi. Pourquoi? Peut-être parce que l'on n'en saisit guère l'immense portée et qu'on trouve difficile de le mettre en pratique. Mais la Science Chrétienne révèle ce fait intéressant: Aimer nos ennemis, c'est la seule méthode efficace pour n'en plus avoir — la méthode vraiment chrétienne.
A moins de comprendre une règle, nul ne peut la démontrer ou lui obéir. Le précepte « Aimez vos ennemis » se fonde sur la nature de Dieu en tant qu'Amour, divin Principe de tout être. En formulant cette règle, le Christ Jésus, pour la soutenir, rappela que notre Père céleste « fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes » (Matth. 5:45). Ceci met en lumière le grand fait que Dieu est l'Amour qui ne change jamais, le divin Principe immuable. Logiquement donc, la règle ou l'ordre cité au début exige que la nature de l'Amour s'exprime dans notre conduite.
La Bible affirme que l'homme est l'image, la ressemblance de Dieu. Admettant que Dieu est Amour, la Science Chrétienne se montre logique lorsqu'elle dit: « Comment l'homme pourrait-il être égoïste ou peu aimable? » Ne plus exprimer l'Amour parce qu'une autre personne — un soi-disant ennemi — ne manifeste pas cette qualité divine, c'est perdre de vue notre rapport avec Dieu dont nous sommes la ressemblance. En effet, dans la mesure où l'on s'adonne aux pensées haineuses, dépourvues d'amour, on ne perçoit plus la véritable individualité de l'homme en tant que ressemblance divine. Alors la fausse notion que l'on est séparé de l'Amour — véritable source de l'être — semble réelle, personnelle, tandis qu'au fond elle n'a ni réalité ni personnalité. La croyance que l'homme invente, communique ou s'assimile des pensées haineuses, vindicatives ou malignes est toujours erronée, mensongère. Le mal n'a point d'identité, de principe, de loi ni de substance. Il ne possède aucune personnalité, pas d'individualité ou de réalité quelconque.
Mary Baker Eddy découvrit et prouva la vérité de son affirmation: « Et l'Amour se reflète dans l'amour » (Science et Santé avec la Clef des Écritures, p. 17). Si l'on veut bien comprendre ce passage, il faut observer l'emploi spécial que Mrs. Eddy fait des majuscules pour rendre hommage au nom de Dieu. Au début de la phrase, le mot Amour commence par une majuscule. Il représente Dieu. Donc cette ligne explique positivement que Dieu est reflété dans l'amour spirituel. Celui-ci doit être inhérent à l'homme, réflexion de Dieu. Parce qu'il connaît cette vérité, le Scientiste Chrétien doit et peut manifester en tout temps l'amour, qualité divine, quels que soient les pensées, les paroles ou les actes blâmables d'une autre personne. Si quelqu'un dit un mensonge, cela nous empêche-t-il d'être véridiques comme Dieu nous en a rendus capables? Si quelqu'un ne reflète pas le divin Amour, cela nous prive-t-il de l'aptitude innée qui nous permet de penser et d'agir selon la règle de l'amour, pour représenter vraiment notre source divine? Non certes. En conséquence, au lieu de faire des efforts pour aimer ce qui n'a rien d'aimable et de désobéir souvent à l'ordre de Jésus exigeant l'affection constante, efforçons-nous de retrouver et de maintenir la conscience de l'unité spirituelle entre l'homme et l'Amour divin. Grâce à cette méthode, nous pourrons refléter l'Amour envers tous d'une manière à la fois spontanée et continue. Nous remplirons donc fidèlement notre fonction, car en tant que réflexion de Dieu, nous devons rendre témoignage à Sa vraie nature.
Dans ses Miscellaneous Writings, Mrs. Eddy atteste un fait remarquable dont ellemême avait donné la preuve (pp. 210, 211): « Aimez vos ennemis, sinon vous ne les perdrez point; et si vous les aimez, vous aiderez à les réformer. » Voilà sans doute un puissant mobile pour aimer nos ennemis — nous désirons les libérer de l'esclavage que leur impose le mal qui les égare. Il faut les aimer, non pas les haïr; les aider au lieu de leur faire du tort. L'amour de Dieu se répand sur chacun d'une manière égale, car toutes les individualités véritables expriment l'Être divin. Le témoignage des sens physiques contredit cela, mais il est faux, irréel. Saisir cette vérité et la mettre en œuvre démasque le néant de la haine, de la jalousie, de l'envie, de la malveillance; alors le soi-disant ennemi s'éveille de son aberration et se trouve guéri.
Cette méthode est la seule par laquelle on puisse mettre fin à l'inimitié. Nul autre moyen n'est efficace, que l'ennemi paraisse être une suggestion maligne, une crainte, un parent, un membre de notre église, un collègue de bureau, ou un pays étranger. Ne plus voir un soi-disant adversaire ou s'efforcer de n'avoir aucun contact avec lui, cela ne favorise point la guérison qu'avait pour objectif la règle de Jésus. Au contraire, cela pousse à la désobéissance et à l'omission d'un devoir chrétien.
Ce devoir, l'Évangile de Matthieu l'énonce clairement dans les termes employés par Jésus (18:15–17). En voici la première règle: « Si ton frère a péché contre toi, va et reprends-le entre toi et lui seul. » Au cas où le courage moral nous manquerait pour agir ainsi, il ne faut pas mentionner l'erreur à qui que ce soit. Du reste, avant d'aller trouver notre frère pour lui parler et l'exhorter avec amour, il faut prier sincèrement, réaliser que le mal n'est point une personne et n'a pas d'identité, de pouvoir ou de réalité; alors seulement la guérison peut se produire. Or la guérison est l'unique but de la règle donnée par Jésus. Éluder cette règle ne procurerait qu'un faux sens de paix. D'autre part, c'est un péché que de se complaire à publier et à personnaliser aveuglément l'erreur. Mais si l'on reflète l'Amour divin et qu'avec fidélité l'on détruise la croyance que l'erreur est personnelle, réelle, on obtient une paix qui se trouve être spirituelle et permanente. Non seulement on est délivré de ses ennemis puisqu'on a pu les guérir, mais encore la conscience de la vraie fraternité des hommes s'est fortifiée, car on a prouvé que tous ont une seule origine — le divin Amour infini.
L'infaillibilité de la loi divine qui guérit l'inimitié par l'amour est remarquablement illustrée dans l'Ancien Testament par l'histoire de Joseph; ses frères l'avaient maltraité, mais lui les aima et leur pardonna (voir Genèse, chapitres 37, 39–50). Joseph ne cessa de progresser spirituellement, et sur le plan humain réalisa de grandes choses; cela montre qu'il n'avait point de rancune et ne cherchait pas à se venger. Quand les remords et la crainte envahirent les frères qui, cédant à l'envie et à la jalousie, l'avaient autrefois persécuté, Joseph les aima et put leur pardonner en reflétant Dieu, l'Amour. Avec tendresse il leur dit (Gen. 50:20, 21): « Vous aviez la pensée de me faire du mal; mais ce mal, Dieu l'a changé en bien, afin que s'accomplît aujourd'hui ce qui devait sauver la vie à un peuple nombreux. Soyez donc sans crainte: j'aurai soin de vous et de vos enfants. » La Bible ajoute: « C'est ainsi qu'il les consola, en parlant à leur cœur. »
En Science Chrétienne il est clair qu'à part notre propre fausse croyance à la personnalité et à la réalité du mal, nous ne pouvons vraiment avoir un ennemi. Dans un éloquent article intitulé « Aimez vos ennemis, » notre Leader qui par l'amour avait affronté, puis vaincu la haine et les persécutions dirigées contre elle lorsqu'elle découvrait et fondait la Science Chrétienne, pose ces questions (Miscellaneous Writings, p. 8): « Peux-tu voir un ennemi si tu n'as pas d'abord formé cet ennemi, pour contempler ensuite l'objet de ta création mentale? Qu'est-ce qui te fait du tort? La hauteur ou la profondeur; ou quelque autre créature, te sépareront-elles de l'Amour qui est le bien, l'omniprésence — qui répand sur tous ses bénédictions infinies? » A la page suivante elle ajoute: « “Aime tes ennemis” équivaut à “tu n'as point d'ennemis.” »
