Cela semblait totalement incroyable. La personne en face de moi s'exprimait sur un ton plutôt habituel, dans mon environnement professionnel habituel, mais la teneur de ce qu'elle disait était très loin d'étre en phase avec ce cadre habituel. En fait, la jeune femme assise derrière le minuscule bureau en face de moi m'annonçait que j'étais licencié. Dans un mois, je serai parti. On ne m'en donnait aucune raison, sauf que mon contrat permettait à la compagnie de prendre cette décision. Et on attendait de moi ]que je m'investisse chaque jour pleinement dans mon travail, jusqu'à mon dernier jour.
J'étais choqué. En effet, mes bilans de compétences avaient été bons, mes aptitudes professionnelles avaient été source de profits pour la compagnie et tous mes collègues de bureau m'appréciaient.
Ah, et aussi: j'aimais vraiment beaucoup mon travail ! Je ne pouvais pas, et je ne voulais pas imaginer un autre emploi. Je présentais les informations pour une grande chaîne de télévision américaine qui avait récemment commencé à être diffusée en Asie. Trois ans auparavant, j'avais été journaliste pour la presse écrite, où j'avais fait une longue carrière, et je m'étais dirigé récemment vers la télévision, où je pensais avoir finalement trouvé ma juste place. Le poste était bien rémunéré, et la chaîne m'offrait, en plus du salaire, une allocation confortable qui nous permettait, à ma femme et moi, de louer un appartement agréable à Hong Kong.
Au moment de ce licenciement, nous avions deux enfants à l'université, peu de con tacts dans le monde de la télévision et je me trouvais à environ 20 000 kilomètres des États-Unis, mon principal marché de l'emploi. On ne m'offrait aucune indemnité de licenciement. Nous n'avions pas beaucoup d'économies, et en plus, nous n'avions nulle part où habiter aux États-Unis. Ma carrière ressemblait soudain à un avion en papier qui venait de s'écraser dans la corbeille.
C'est pourquoi, ainsi que je l'avais fait toute ma vie durant, je me suis tourné vers la Science Chrétienne, et j'ai prié avec des idées de la Bible et de Science et Santé. J'étais bien préparé pour cela, car depuis deux ans que ma famille s'était installée à Hong Kong, je m'étais plongé comme jamais auparavant dans l'étude de la Science Chrétienne. Je consacrais du temps chaque jour à une lecture attentive et complète de la Leçon biblique, et j'étais également Premier Lecteur dans notre église filiale.
Je me suis saisi de mes problèmes et je les ai déposés, humblement, sur le parvis divin.
Et puis ? Rien. J'ai tiré la sonnette à plusieurs reprises, mais personne ne semblait répondre.
Parfois, tout cela me paraissait une blague cruelle. Jusqu'à cette période de ma vie, je m'étais souvent perçu comme un scientiste chrétien et un métaphysicien accompli. Désormais, j'étais à la recherche d'un exemplaire de « La prière pour les nuls ».
Mais en fait il y a eu guérison, et cela, me semble-t-il, d'une manière inattendue et merveilleuse.
C'était déjà une démonstration remarquable qui m'avait ouvert la porte au poste de Hong Kong. J'avais au paravant travaillé brièvement pour une chaine d'informations qui avait fermé. À l'époque, quand j'étais en train de prier pour vior quelle serait la prochaine étape dans ma carrière naissante de journaliste télé, le dirigeant d'une chaîne m'avait appelé d'une manière inattendue. Il venait de prendre connaissance de mon CV, avait aimé ce qu'il avait vu, et m'avait offert le poste de Hong Kong, presque instantanément. De la même façon, ma précédente réorientation, de la presse écrite vers la presse télévisée, avait été une réelle démonstration qui avait transformé ma vie, Un voyage fortuit dans une ville bien éloignée de ma région, m'avait permis d'entrer en contact avec un dirigeant d'une chaine qui souhaitait que je travaille pour lui. Ces deux développements professionnels étaient le résultat d'une prière consciencieuse et inspirée. Donc, le chemin et le processus qui m'avaient mené à mon poste actuel semblaient prouver que j'étais à ma juste place. Pourquoi donc les choses tournaient-elles soudainement aussi mal?
J'avais de nombreuses fois puisé force et énergie dans l'histoire de Daniel dans la fosse aux lions (voir Daniel 6). Dans cette histoire, Daniel fait partie des Juifs retenus en captivité à Babylone par le roi Darius. Daniel se voit rapidement offrir une place de premier plan dans le gouvernement de Darius.
Des adversaires jaloux prennent pour prétexte la prière quotidienne que fait Daniel au Dieu d'Israël pour le faire jeter dans la fosse aux lions. Mais il continue de prier et il est protégé, et finalement, il sort indemne de la fosse. Il devient ensuite à nouveau un proche confident de Darius, et grâce à cette nouvelle position, il peut améliorer non seulement les conditions de vie de ses compatriotes mais aussi celles du reste du royaume.
Mary Baker Eddy écrit: « [...] l'Amour divin [Dieu] seul gouverne l'homme... » (Manuel de L'Église Mère, p. 40) Et seul l'Amour peut répondre à nos besoins.
Le thème de « notre juste place » est traité de façon précise dans le Psaume 91 — psaume que Mary Baker Eddy estime être une des pierres d'angle de la Science Chrétienne.
« Celui qui demeure sous l'abri du Très-Haut repose à l'ombre du Tout-Puissant » écrit le psalmiste (dans le premier verset), et Mary Baker Eddy le commente ainsi: « [...] cet abri est l'Amour spirituel [...] Les sens corporels en sont exclus. L'œil ne l'a pas vu, l'oreille ne l'a pas entendu [...] Le seul seul habitat qui corresponde à cet abri est infini et l'infinité est un secret pour les sens finis. ». Yvonne Caché von Fettweis et Robert Townsend, Mary Baker Eddy, une vie consacrée à la guérison, p. 198-199.
Donc notre juste place, c'est partout où se trouve l'Amour, Dieu: elle ne peut être limitée par des circonstances matérielles.
Il semble que Daniel ait compris cela, parce qu'il a continué de prier, de garder ses pensées tournées vers Diue. Cette conscience spirituelle était sa juste place; il ne pouvait jamais en être privé et elle ne pouvait pas lui être retirée. À cette place, il n'était pas seulement protégé, mais aussi en position d'aider les Juifs et les citoyens de Babylone. Je pense que c'est là clef — de savoir que notre juste place est celle qui nous permet de faire le plus de bien aux autres. L'histoire se termine avec Darius reconnaissant le pouvoir et la vérité du Dieu unique de Daniel.
À Hong Kong, je me sentais comme Danie, mais mon histoire ne se terminait pas aussi bien. Plusieurs semaines avaient passé; nous étions en train de déménager de notre appartement de Hong Kong et nous nous apprétions à aller loger chez des membres de la famille, lors de notre retour aux États-Unis. Je n'avais aucune idée de ce que j'étais supposé faire, mais je savais que ma juste place était dans la prière, dans une conscience spirituelle, et j'étais à l'écoute du prochain pas qu'il me faudrait accomplir.
Puis, des opportunités de travail prometteuses auprès de certaines télévisions sont tombées à l'eau. Ce qui est curieux, c'est que j'ai reçu une proposition lucrative de la part d'une télévision chinoise d'informations en langue anglaise, qui m'aurait gardé à Hong Kong, une offre qui semblait désirable donc, mais que la prière m'a conduit à décliner.
Un autre élément intéressant à noter, c'est que j'ai appris que mon employeur avait fait des erreurs sérieuses dans le processus de rupture du contrat, et mon avocat — très connu dans le monde des médias — était prêt à poursuivre en justice le président de la chaîne. Mais même si mon avocat était certain qu'il pourrait m'aider à récupérer mon emploi, cela ne me semblait pas une manière honorable de sortir de « ma fosse aux lions », comme l'aurait fait Daniel.
J'aimerais pouvoir dire que j'étais entièrement confiant durant tout ce temps, mais en fait, les moments de découragement étaient profonds et persistants. Une question inévitable taraudait ma pensée, question qui nous vient à l'esprit alors même que nous faisons tous nos efforts pour rester proches de Dieu: Pour quoi cela m'arrive-t-il ?
C'est davantage une affirmation qu'une question — une allégation que non seulement quelque chose de mauvais nous arrive, mais qu'il y a une intention malveillante à l'œuvre, comme si nous avions été particulièrement visés par une entité malicieuse. Mary Baker Eddy réfute une telle perception: « Le mal n'est ni qualité ni quantité: ce n'est point une intelligence, une personne ou un principe, un homme ou une femme, un endroit ou une chose, et Dieu ne le créa jamais. » (Quatre Messagesà L'Église Mère, Message de 1901, p. 12-13) Donc, lorsque nous sommes à notre juste place, par la prière et une conscience spiritualisée, le mal ne peut nous nuire. Il n'a pas de pouvoir. Le « pourquoi moi ? » est une fausse question, une question sans réponse qui n'a en elle-même aucune validité.
Et puis, j'ai fait une découverte. Lorsque j'ai commencé à me demander pourquoi cela m'arrivait, la réponse m'est venue comme une gifle: « Pourquoi crois-tu que cela ne concerne que toi ? Toutes mes pensées étaient effectivement tournées vers moi: ma carrière, l'endroit où je voulais vivre, comment j'allais payer l'université de mes enfants.
Une voix intérieure me disait: « Et ta femme ? » Peut-être étaitce son moment, non le mien ? Elle m'avait accompagné à Hong Kong et avait obtenu par la prière un merveilleux emploi. Mais Andrea était prête pour quelque chose de brillant. C'était pour elle le moment de passer à l'étape suivante.
À peu près à cette époque, un ami qui avait des liens étroits avec le marché des antiquités chinoises à Hong Kong nous avait présenté aux meilleurs marchands d'art de la région, et Andrea était tombée amoureuse de ces pièces d'antiquité. Son intérêt est allé grandissant lorsque nous avons décidé qu'elle en ferait une profession au moment où nous serions de retour aux États-Unis. Notre ami nous a aimablement proposé de nous aider à démarrer l'affaire, ce qui incluait de sélectionner des antiquités en Chine et à Hong Kong et de les envoyer aux États-Unis pour qu'elles soient vendues.
Andrea aimait beaucoup cette activité, et elle a ouvert une galerie à New York. J'ai, dans ma part, trouvé un emploi dans un journal de Boston, en tant que rédacteur, mais après deux ans, je l'ai rejointe dans sa galerie. C'était il y a onze ans; depuis, nous avons écrit deux livres et ouvert un restaurant à New York, tout en devenant de plus en plus actifs au sein du mouvement de la Science Chrétienne et dans notre église filiale.
J'ai aujourd'hui entamé une troisième carrière. Nous avons vécu en Californie, dans le Colorado, à Boston, à Hong Kong et à New York, et avons apprécié chacun de ces lieux. J'ai remarqué cependant que pour trouver notre vraie place, la seule solution efficace se trouve dans la prière qui laisse Dieu diriger chacune de nos décisions qui nous guide vers cet « abri » dans l'Amour divin. Toute activité humaine a une durée de vie limitée, et peut donc se terminer. Mais aucun concept limité de place ni d'activité ne peut provoquer l'avancement ni la régression de la juste place que l'Amour offre à chacun de nous. Cette place est infinie.
Article paru dans le Christian Science Sentinel
