Je travaillais depuis un an dans un grand magazine de San Francisco, lorsque mon nouveau chef me convoqua pour une première évaluation de mon travail. Il me déclara d’emblée que bien que je fasse du bon travail, j’étais la personne de l’équipe avec laquelle il était le plus difficile de s’entendre.
Je reçus cela comme un choc, car dès le début j’avais trouvé ce poste intéressant et créatif. Tous les membres de notre petite équipe semblaient aimer l’art ainsi que la musique d’avant-garde. Partageant tous le même bureau, nous avions vite appris à nous connaître. Comme le travail nous retenait tard le soir et qu’il fallait suivre de nombreux projets à la fois, il était essentiel que nous puissions communiquer dans un climat de bonne entente.
Lorsque l’ancien rédacteur en chef avait démissionné, six mois après mon arrivée, la direction avait décidé de le remplacer par une personne extérieure à la société, au détriment du plus expérimenté d’entre nous, qui nous paraissait pourtant tout indiqué pour le poste. Finalement, tous les membres de la rédaction s’étaient sentis rejetés, ce qui avait suscité des sentiments négatifs à l’égard du nouveau chef.
Je me rendis compte que je souhaitais vraiment voir en Dieu le seul pouvoir à l’œuvre dans ma vie, dans ma conscience et mon être.
La rédaction entière ne tarda pas à être en désaccord avec lui, défiant sans cesse son autorité par une opposition sourde. Persuadé qu’il était la mauvaise personne, à la mauvaise place, au mauvais moment, aucun de nous n’avait envie de travailler avec lui. En fait, je crois que nous avions tous l’espoir secret qu’en continuant de lui battre froid, nous arriverions à le pousser à partir. Mais il n’était pas près de s’en aller, et nous nous sommes embarqués dans une lutte de pouvoir, silencieuse mais tenace.
J’en étais venu à mal supporter de me trouver dans la même pièce que lui. Ma contrariété se transformait en colère au contact de mes collègues dont je partageais les opinions, et je me joignais à eux chaque fois qu’ils le critiquaient ouvertement ou contestaient ses décisions. Un jour, il voulut me montrer une manipulation technique avec le logiciel Photoshop, mais au lieu d’écouter ses explications, je me demandai en moimême: « Pourquoi cherche-t-il à faire le travail à ma place? » Je n’avais aucunement l’intention de suivre ses instructions: il n’avait, à mon avis, aucun droit de mettre en question mes compétences. C’est pourquoi je refusai de l’écouter.
À l’époque je n’étais pas très assidu dans mon étude et ma pratique de la Science Chrétienne, et je n’avais donc jamais vraiment pris le temps de prier concernant cette situation, ni même de l’envisager d’un point de vue plus spirituel — du moins jusqu’à ce que le décès d’un de mes amis m’amène à changer de point de vue. Je me mis alors à rechercher le réconfort dans la prière et commençai à sentir le pouvoir de Dieu à l’œuvre dans ma vie. Je pris le temps de reconnaître tout ce que cette amitié m’avait apporté. Puis une question plus grave me vint à l’esprit: « Ne devrais-je pas éprouver de la reconnaissance pour tous ceux qui faisaient partie de ma vie, y compris mes collègues? » Force me fut d’admettre qu’en ayant une mauvaise opinion de mon patron, en prenant parti contre lui et en le manipulant discrètement, j’étais bien loin de reconnaître l’empire total de Dieu sur ma vie.
Jusqu’à cette prise de conscience, j’avais été influencé par la crainte concernant mon avenir professionnel et par la colère à la pensée que ce nouveau chef puisse gâcher l’ambiance au sein de notre équipe. J’avais même envoyé des CV à d’autres sociétés et songé à m’installer dans une autre ville. Je savais qu'un changement était nécessaire, et bien que cette prise de conscience ne soit pas suivie d’une transformation immédiate, la situation commença à évoluer différemment. Je compris que c’étaient mes pensées qui devaient changer, non les circonstances extérieures.
Peu à peu, j’eus le désir ardent de me connaître en tant qu’enfant de Dieu, entièrement spirituel, et je savais qu’il me fallait voir mes collègues sous ce même jour. Je décidai de prier et d’étudier la Leçon biblique de la Science Chrétienne avec plus de constance. En prenant cette décision, je me rendis compte que je souhaitais vraiment voir en Dieu le seul pouvoir à l’œuvre dans ma vie, dans ma conscience et mon être. J’étais sûr qu’en étant davantage réceptif à Son point de vue, je verrais disparaître les jeux de pouvoir qui s’étaient développés au bureau.
Voilà qui me ramène à la première évaluation de mon travail dont je parlais tout au début. Lorsque mon patron avait fixé la date de cette entrevue, je m’étais demandé s’il s’était rendu compte à quel point j’avais eu un comportement lamentable. Je n’eus plus aucun doute là-dessus quand il me dit que j’étais la personne de l’équipe avec laquelle il était le plus difficile de travailler. Aussi curieux que cela puisse paraître, ses propos me confirmèrent dans l’idée que j’étais dans la bonne voie. Je finis par comprendre que mon comportement hostile était totalement contre-productif et, en fin de compte, ne pouvait m’aider ni aider personne. Je vis on ne peut plus clairement qu’il était essentiel pour moi de soutenir mon patron. Ses critiques constructives m’éveillèrent à la nécessité de laisser l’Amour gouverner mes pensées et mes actes. Comme l’écrit Mary Baker Eddy dans Science et Santé avec la Clef des Écritures: «... l’Amour spirituel vous contraindra d’accepter ce qui favorise le plus votre développement. » (p. 266) Je compris ainsi que le pouvoir de Dieu est une force aimante qui corrige et guérit, et que toute tentative d’exercer un pouvoir personnel est vouée à l’échec.
Pour sortir de ce gâchis, il me fallait d’abord reconnaître et aimer les bonnes qualités que je possédais, en percevant mon identité spirituelle véritable, puis avoir le même état d’esprit envers ceux qui m’entouraient. Mais je compris aussi qu’il me fallait prendre fermement position, lorsque mes collègues essayaient d’influencer notre groupe en critiquant le chef. Je ne pouvais plus prendre leur parti et m’attendre à progresser en même temps. Comme je priais pour savoir comment réagir, je sentis que Dieu me guiderait de façon à éviter les affrontements. C’était un point important. Nous avions pris la mauvaise habitude de nous plaindre depuis une année entière. Nous avions constitué un front d’autodéfense qui nous semblait justifié, mais je savais qu’il était nécessaire de briser ce cercle vicieux.
Je décidai de mettre mes prières en pratique en m’abstenant, avec calme mais fermeté, de m’associer aux récriminations. Je priais pour savoir que « le bien que vous faites et qui s’exprime en vous vous donne le seul pouvoir que l’on puisse obtenir » (Science et Santé, p. 192). Cela me donna finalement le courage d’être un jour en total désaccord avec mes collègues qui commençaient à dénigrer le patron. « Vous savez, je ne crois pas que ce soit un mauvais type. Je pense même qu’il est sympa », leur expliquai-je.
Cela surprit quelque peu mes collègues. Mais je remarquai que les plaintes allèrent en diminuant par la suite, et les tensions et les manigances au bureau se firent plus rares. Tandis que les points de vue tournaient au positif, la vérité de ce verset biblique m’apparut clairement: « L’amour n’est point envieux, ni vantard, ni arrogant, ni incorrect. Il ne cherche point son intérêt; il ne s’irrite point ni n’éprouve du ressentiment; il ne se réjouit pas du mal, mais il se réjouit de la vérité. » (I Corinthiens 13:4-6 d’après la version New Revised Standard)
Alors que je mettais mes prières en pratique, jour après jour, mon attitude hostile céda, et je cessai de contester et de défier l’autorité de mon patron et de remettre son poste en question. Je me surpris même à remarquer ses points forts, comme l’humilité et le sens créatif. Nos rapports devinrent cordiaux, et je ne redoutais plus de travailler avec lui. Un an plus tard, lors de mon deuxième entretien d’évaluation, mon patron déclara qu’il avait apprécié ma présence au bureau, et qu’il avait vu s’opérer un grand changement en moi au cours de l’année. Il avait aussi l’impression que mon travail, ma productivité et mes capacités s’étaient améliorés. Je savais que je devais tout cela à la prière.
Peu de temps après, notre société commença à sous-traiter le travail de notre équipe pour faire des économies. En conséquence, je conservai cet emploi pendant quelques mois seulement, mais quand je le quittai, ce fut avec la ferme conviction qu’on ne peut s’appuyer sur un autre pouvoir que celui de Dieu.