Depuis l'Aréopage, où Paul s'adressa aux Athéniens il y a environ deux mille ans, la vue est impressionnante. Au-dessus, couronnant le sommet de ce grand rocher qu'on appelle l'Acropole, s'élève le Parthénon, un temple magnifique, même en ruines, dédié à la déesse Athéna.
En dessous, une route bordée d'arbres mène au sommet. A l'époque de Paul, elle était aussi bordée d'autels dressés en l'honneur des dieux du monde de l'antiquité. Du début à la fin, c'était un chemin à la gloire de l'idolâtrie. Très superstitieux, craignant qu'une divinité, inconnue d'eux, ne s'offense d'être exclue, les Athéniens avaient érigé un autel qui portait l'inscription suivante: « A un dieu inconnu » (Actes 17:23). Paul vit là l'occasion d'exposer la nature trompeuse de l'idolâtrie et de proclamer que le seul et unique Dieu était le créateur, la Vie même, de l'homme. Dans ce qui est l'un de ses plus grands discours, Paul fit ressortir un fait spirituel aux implications profondes pour tous les âges: ni Dieu ni Sa création ne se trouvent dans les limites de la matière.
Cette vision transcendait toute la beauté de la nature et des œuvres de l'homme, si évidente depuis l'Aréopage, pour révéler à sa place la beauté et la certitude de la création totalement spirituelle de Dieu. Paul avait rencontré, à cet endroit, les deux groupes philosophiques les plus influents de l'époque, les épicuriens et les stoïciens. Ces derniers prônaient l'endurance silencieuse de la douleur physique et l'indifférence à son égard. Ce que Paul proposait, alors et pour tous les temps, ne consistait pas à céder aux prétentions de la matière à l'autorité, mais à reconnaître et à accepter un seul Dieu, l'Esprit, et l'homme en tant qu'enfant de Dieu. C'est une perspective dont le monde a encore davantage besoin aujourd'hui.
Quelqu'un demandera peut-être: « A la fin du deuxième millénaire, a-t-on dépassé l'idôlatrie qui avait troublé Paul quand il marchait dans les rues d'Athènes ? » Pour répondre, il nous suffit de contempler le matérialisme qui occupe encore le genre humain: le sensualisme dans les modes de divertissement et dans la publicité, les entreprises destinées à mettre en valeur le corps, l'importance excessive accordée à la condition physique, l'usage de drogues et d'alcool. Même s'il est évidemment nécessaire de prêter attention aux besoins corporels, une mentalité centrée sur le corps n'est-elle en réalité rien d'autre qu'une « adoration » du corps, une forme d'idolâtrie très semblable à celle à laquelle Paul s'est heurté ?
Il est intéressant de noter que Paul, apparemment, n'a pas pris parti dans le débat des philosophes athéniens en indiquant quelle philosophie était la plus exacte. Le livre des Actes des apôtres montre qu'il parla sans détour de la réalité spirituelle. « Le Dieu qui a fait le monde et tout ce qui s'y trouve, étant le Seigneur du ciel et de la terre, n'habite point dans des temples faits de main d'homme. » Puis il ajouta: « Car en lui nous avons la vie, le mouvement, et l'être. » (Actes 17:24, 28.) Le livre des Actes des apôtres montre que cette vision radicale qu'il exposa de l'Aréopage fut tournée en ridicule par un grand nombre, mais que quelques-uns s'avérèrent réceptifs.
Mary Baker Eddy, une femme d'une grande spiritualité dans le monde moderne, écrit dans Science et Santé: « La première idolâtrie fut la foi dans la matière. » (p. 146) Et en faisant allusion au discours de Paul à Athènes, elle affirme dans le même ouvrage: « Le paganisme et l'agnosticisme peuvent bien définir Dieu comme "le grand inconnaissable"; mais la Science Chrétienne rend Dieu beaucoup plus proche de l'homme et Le fait mieux connaître comme le Tout-en-tout, à jamais proche. » (p. 596) Ne pourrions-nous conclure de ces déclarations que la pensée qui s'élève jusqu'à comprendre la toute présence de l'Esprit, Dieu, libère le genre humain de la prétendue nécessité de se prosterner devant la matière et d'accepter que ses limites soient inévitables ?
Voici une analogie simple qui illustrera ce point. Plus nous nous rapprochons du sommet d'une montagne, plus notre vision s'élargit. Les virages de la route en contrebas et les encombrements qui ralentissent l'avancée des véhicules nous apparaissent dans leur contexte alors que nous grimpons, et ils nous semblent de moins en moins importants. A mesure que nous montons, nous constatons que ces difficultés disparaissent complètement de notre vue. De la même façon, plus nous contemplons les choses sous une perspective spirituelle élevée, plus notre vision devient claire, non seulement notre vision des limites inhérentes à la matière, mais aussi de son impuissance. Finalement, notre point de vue mental, élargi et illimité, cesse d'être influencé par la matière et ses fausses prétentions.
Quand il s'adressa à lui à l'Aréopage, Paul s'efforça d'élever son auditoire d'un point de vue fondé sur la matière, vers le sommet de la perception spirituelle. Le culte de la matière, dans tous les aspects de la vie de l'époque, l'environnait mais sans l'étouffer. On disait que Mercure, par exemple, présidait au commerce et au vol, entre autres choses; Ares (l'équivalent grec du romain Mars) gouvernait les guerres; Eros, l'amour sensuel; Aphrodite, la beauté physique, etc. En écartant ce système élaboré, travesti en ferveur religieuse mais destiné en réalité à justifier et à perpétuer le culte de la matière, Paul proclama la présence et le pouvoir divins, qui créent, gouvernent et soutiennent, en affirmant qu'ils sont suprêmes et que l'homme demeure en Dieu.
En obéissant avec joie à l'Esprit, nous acquérons un concept plus élevé de l'existence, resplendissante de toute la beauté et de toute la majesté dont Dieu revêt Sa création.
Malgré la croyance populaire et le témoignage des sens physiques, Paul contempla, du sommet de la montagne de l'inspiration, ce que nie l'esprit matérialiste, mais qui est évident à la conscience spiritualisée. Pour rester avec l'exemple de Paul, nous pourrions nous demander: « Qu'est-ce qui gouverne ma vie et qu'est-ce qui compte pour moi ? Qu'est-ce que j'accepte comme étant la vision juste de la création ? La vision matérielle et toutes les restrictions qui l'accompagnent ou la vision spirituelle qui régénère et élève l'existence humaine ? »
En s'adressant aux Athéniens, Paul était parfaitement conscient du matérialisme de son époque: le sensualisme, la dégradation de l'humanité sous le masque du « divertissement », l'esclavage physique et mental, les guerres incessantes, la corruption des hommes politiques. Il s'efforça d'imiter Jésus-Christ, cependant, en orientant sa pensée uniquement vers la vision spirituelle afin de recueillir les véritables faits de l'être, et ce malgré la résistance du matérialisme.
Adopter un point de vue spirituel n'est pas un exercice philosophique destiné à rendre la vie matérielle plus agréable. Il s'agit, au contraire, de l'activité de la pensée du Christ qui détruit le raisonnement matérialiste et, par conséquent, régénère l'existence. C'est le marchepied permettant de découvrir la profondeur de la divinité. Cette approche se manifeste dans la démonstration de la justice divine, dans la pureté préservée et la vertu protégée. Elle s'exprime à travers la beauté, l'honnêteté et la compassion; elle indique également qu'on comprend de mieux en mieux que l'Esprit et sa manifestation parfaite constituent la seule réalité de l'existence. C'est un chemin à la gloire de Dieu. Et la guérison chrétienne de la maladie et du péché en est le résultat, ainsi que le prouvent les témoignages publiés dans ce magazine.
Nous n'avons pas besoin de nous rendre à Athènes pour contempler la vue depuis l'Aréopage. A la maison, à l'école, sur notre lieu de travail, pendant nos loisirs, à chaque instant, nous avons à faire des choix qui déterminent notre vision mentale et ce que nous vivons. « Adore-moi si tu veux mener une vie agréable ! », supplie la matière. « Tu n'auras pas d'autres dieux devant ma face » (Ex. 20:3) nous dit l'Esprit. En succombant à l'invitation de la matière, nous nous retrouvons au service de tout ce qui est mortel. En obéissant avec joie à l'injonction de l'Esprit, comme Paul, nous acquérons dès maintenant un concept plus élevé de l'existence, exempte de limites matérielles, resplendissante de toute la beauté et de toute la majesté dont Dieu revêt Sa création.
