« C'est de parents puritains que le découvreur de la Science Chrétienne reçut sa première éducation religieuse. » Science et Santé, p. 359. Cette déclaration que fait Mary Baker Eddy dans son ouvrage fondamental, Science et Santé avec la Clef des Écritures, est sans doute l'une des pierres angulaires qui permet de nous faire comprendre avec précision le parcours de la seule femme de l'histoire qui ait fondé une religion comptant des adeptes dans le monde entier. L'influence puritaine qu'elle subit au cours de ses premières années d'éducation religieuse explique la façon dont elle pensait, dont elle vivait, la façon dont elle recherchait, abordait et comprenait Dieu. Cette approche puritaine de Dieu détermina son comportement en privé et en public, tout au long de son existence.
Pour découvrir vraiment le passé puritain de Mary Baker Eddy, il faut laisser de côté le stéréotype de l'extrémiste inflexible. En fait, pour un puritain, remplir son devoir envers Dieu constituait l'entière raison d'être d'un homme. Rien n'était plus important. On ne pouvait prendre soin correctement de chaque détail de l'existence qu'en comprenant la volonté divine, non grâce à l'intellect, mais grâce à Dieu Lui-même. Le puritain cherchait à entendre les commandements divins, à chaque instant. Sa religion n'était pas un exercice cérébral; elle devait être pratique et ressentie de façon concrète.
En Angleterre, Richard Sibbes, un prédicateur puritain éminent de la première moitié du XVIIe siècle, donna le conseil suivant: « La religion n'est pas une question de mots, et elle ne s'appuie pas sur des mots comme la forêt est formée d'arbres [...] mais [...] il s'agit d'un pouvoir, elle rend l'homme capable. [C']est un art pratiqué non par de grands hommes ni par des hommes puissants, mais par de saints hommes: c'est un art et un métier: un métier ne s'apprend pas avec des mots, mais par expérience, et un homme connaît son métier, non quand il peut en parler, mais quand il est capable de le pratiquer. » Richard Sibbes, Saints Cordialls, 1637, p. 383, cité dans William Haller, The Rise of Puritanism (Philadelphie: University of Pennsylvania Press, 1938; réédité en 1972), p. 161.
Il serait difficile de trouver une meilleure définition de ce qu'espérait Mary Baker Eddy pour la Christian Science et ses adeptes.
La spiritualisation de la pensée était un élément essentiel dans « l'art et le métier » du puritain. Il s'inquiétait beaucoup de l'état de sa conscience. L'introspection continuelle le gardait vigilant et empêchait les préoccupations de ce monde d'envahir sa vie qui devait être consacrée à la lutte spirituelle, à la destruction du péché dans la pensée et dans les actes. Suivant exactement la même idée, Mary Baker Eddy écrit: « Veillez, et priez chaque jour afin que les mauvaises suggestions, quel que soit leur déguisement, ne fassent pas leur chemin dans votre pensée ni ne produisent de résultats. Examinez-vous souvent pour voir s'il s'y trouve quelque chose s'opposant à la Vérité et à l'Amour, et "retenez ce qui est bon". » The First Church of Christ, Scientist, and Mescellany, p. 128.
Être puritain, c'était bien plus un style de vie que la doctrine d'une croyance religieuse. Pas une existence monastique, mais une vie active engagée dans le monde afin de guider les autres vers Dieu par la parole et les actes. Toutefois, pour la plupart des puritains du XVIIe et du XVIIIe siècles, le dogme souverain, c'était la doctrine de la prédestination de Jean Calvin. Ce dernier croyant que Dieu choisissait quelques mortels qui seraient sauvés de leur nature pécheresse alors que le reste des hommes seraient damnés pour l'éternité. Dès l'enfance, Mary Baker Eddy rejeta ce concept de la sélection divine. Sa mère, et la Bible, lui apprirent que « Dieu est amour », que l'Amour divin donne le salut à tous. I Jean 4:16. Voir aussi Mary Baker Eddy, Rétrospection et introspection, p. 13.
Les puritains étaient des penseurs indépendants lorsqu'il s'agissait d'interpréter la Bible par eux-mêmes; et c'est pour cette raison qu'ils n'étaient pas tous d'accord non plus avec la théorie de l'élection inconditionnelle proposée par Calvin. Néanmoins, ils étaient tous d'accord sur le fait que le salut qui nous libère de la mortalité est lié à une discipline exigeante de la pensée et des actes chrétiens. William Haller, dans son livre The Rise of Puritanism, fait remarquer que « la force de persuasion de la doctrine de la prédestination, telle que les prédicateurs puritains la présentaient, ne provenait pas de sa valeur métaphysique, mais de sa valeur morale. [...] Elle fournissait une base à la fois pratique et idéale pour les prises de décision. Elle suggérait une façon de se comporter et une ligne de conduite. Mise à l'épreuve de la vie, elle était applicable et elle fonctionnait. » Haller, p. 89.
C'est un point extrêmement important quand on considère la vie et la pensée de Mary Baker Eddy. Même si cette dernière rejetait complètement l'idée que la prédestination ait quelque chose à voir avec Dieu, néanmoins, il lui fallait une théologie qui était « à la fois pratique et idéale » et surtout qui, une fois « mise à l'épreuve de la vie... soit applicable et... fonctionne ». Cet idéalisme pratique allait s'avérer un élément essentiel de la théologie de la Christian Science.
En outre, Mary Baker Eddy reconnaissait un certain nombre d'étapes nécessaires au salut qui étaient semblables à celles que prônaient les puritains, même si elle définit le salut de façon différente. Dans Science et Santé, p. 593, Mary Baker Eddy donne la définition suivante du salut: « La Vie, la Vérité et l'Amour compris et démontrés comme étant suprêmes sur toutes choses; le péché, la maladie et la mort détruits. » Avoir une foi inébranlable dans le pouvoir qu'a le Christ de sauver et de régénérer constitue l'une de ces étapes, tout comme ressentir un amour profond pour Dieu, pour la Bible, désirer être bon et bien agir. Et l'une des plus importantes, parce que concrète, c'est l'aversion pour le mal. Si nous méprisons réellement le péché et si nous nous efforçons chaque jour de nous en débarrasser, cela prouve, de manière pratique et indéniable, que nous marchons sur le chemin droit et resserré que nous indiqua Jésus-Christ. Voir Matth. 7:14.
A l'exemple des premiers puritains, Mary Baker Eddy destinait sa théologie à être directement appliquée à la destruction du péché. Elle écrit: « Le dessein essentiel de la Science Chrétienne est la guérison du péché... » Rudiments de la Science divine, p. 2. Et dans le troisième Article de foi de son Église, elle explique: « Nous reconnaissons que le pardon du péché par Dieu consiste dans la destruction du péché et la compréhension spirituelle qui chasse le mal comme irréel. Mais la croyance au péché est punie tant que dure la croyance. » Manuel de L'Église Mère, p. 15.
Dans le monde actuel, mentionner le « péché » est devenu, en général, socialement inacceptable et politiquement incorrect. Les gens ont peur de ce mot, ils ont peur de passer pour des personnes critiques, insensibles, ignorantes – et même pour des chrétiens fervents ! Il n'en reste pas moins que le péché prétend nous séparer de Dieu, nous obliger à négliger puis à oublier notre devoir envers notre Père-Mère divin. Fidèle à ses racines chrétiennes et puritaines, Mary Baker Eddy savait qu'il fallait faire face au péché – le voir pour ce qu'il était – et le combattre de front. Elle écrivit: « Exposez et dénoncez les prétentions du mal et de la maladie sous toutes leurs formes, mais ne leur accordez aucune réalité. Le pécheur n'est pas réformé simplement parce qu'on lui assure qu'il ne peut être un pécheur puisqu'il n'y a pas de péché. Pour supprimer la prétention du péché, il faut le discerner, le démasquer, faire voir que c'est une illusion, et de cette manière remporter la victoire sur le péché et en prouver l'irréalité. » Science et Santé, p. 447. La « victoire sur le péché » est aussi primordiale pour les Scientistes Chrétiens qu'elle l'était pour les premiers puritains. Tous considèrent que la victoire journalière remportée sur le mal dans la pensée humaine est indissociable du salut. Et Mary Baker Eddy savait que de telles victoires sont indispensables pour pouvoir exprimer Dieu, l'Amour divin, dans la vie quotidienne et également pour démontrer Son omnipotence à travers la guérison de la maladie, ce qu'elle considérait essentiel au christianisme.
(La deuxième partie de cet article, traitera du rôle que l'héritage puritain de Mary Baker Eddy joua dans l'importance donnée à la guérison des malades par la Christian Science. )
