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Le pouvoir réformateur des Écritures

Cette série d'articles illustrés évoque la façon spectaculaire dont les « écritures » ont pris forme dans le monde sur plusieurs milliers d'années. Elle parle des grands réformateurs qui ont écrit et traduit la Bible. Ils furent nombreux à sacrifier leur vie pour rendre accessibles à tous la Bible et son influence réformatrice.

La Bible des évêques et la Bible de Reims–Douai annoncent la Bible du roi Jacques

seconde partie

Tiré du Héraut de la Science Chrétienne de septembre 1995


FAIRE ACCEPTER LA BIBLE AU PUBLIC


La Bible des évêques sortit en 1568. L'archevêque de Canterbury, Matthew Parker, s'efforça, du mieux qu'il put, de la rendre attrayante. Il la fit imprimer et relier d'une façon somptueuse par Richard Jugge, imprimeur royal (voir page suivante), en utilisant les caractères romans faciles à lire de la Bible de Genève. Il y incorpora quelques-unes des notes les moins controversées et reprit même certaines expressions du texte de Genève. Il y introduisit également des éléments facilitant la lecture: cartes, illustrations et tableaux généalogiques très détaillés.

Sur la page de titre figurait un magnifique portrait d'Élisabeth (voir ci-dessous). Venait ensuite la préface de Parker qui enjoignait au lecteur de « sonder, ainsi que te l'ordonne le Christ, les saintes Écritures, où tu pourras trouver le salut ». Enfin, Parker y ajouta le texte bien connu de l'archevêque Thomas Cranmer sur la lecture de la Bible, extrait de l'édition « Cranmer » de la Grande Bible.

Malgré tous ces efforts, la Bible des évêques ne fut pas bien accueillie, et cela dès le début. Le public n'y vit rien d'autre qu'une version « réchauffée » de la Grande Bible. Il lui manquait l'érudition, la facilité de lecture et la beauté de la Bible de Genève. Rien d'étonnant donc à ce que l'Anglais moyen persistât à lire, en privé, la Bible de Genève qui se vendait au marché noir, bien qu'il dût écouter, à l'église, la Bible des évêques nouvellement autorisée.

Parker ne voyait pas pourquoi les gens du commun auraient besoin d'avoir une Bible chez eux pour l'étudier individuellement. Il refusa donc de publier la Bible des évêques dans les formats commodes et bon marché in-quarto et in-octavo qui avaient tant de succès.

Apparemment, Parker estimait qu'il suffisait aux fidèles d'écouter lire la Bible pendant les offices et d'attendre leur tour en file pour jeter un coup d'œil sur la grande Bible de format cathédrale que chaque archevêque et chaque évêque devait avoir chez lui ou à l'église. (Cette Bible était en général attachée à un grand pupître.) L'archevêque craignait peut-être que, si les paroissiens lisaient la Bible chez eux chaque jour, ils n'en viennent à se demander pourquoi la doctrine et l'attitude de l'Église ne correspondaient pas toujours à ce qu'ils lisaient dans les Écritures.

Il fallut attendre la mort de Parker, en 1575, pour que se relâchât cette façon de juguler la publication de la Bible. Trois semaines après son décès, sept conseillers de la reine Élisabeth se réunirent pour relancer une édition de la Bible de Genève. Cette édition sortit des presses royales à un rythme régulier, et il s'en vendit neuf fois plus d'exemplaires que pour la Bible des évêques.

LA BIBLE DE REIMS-DOUAI


Dès qu'ils eurent compris que la reine Élisabeth était déterminée à donner une orientation protestante à son Église, les catholiques fuirent le pays en masse. Ils étaient horrifiés qu'elle ait pu autoriser l'exécution de quelque trois cents des leurs. En 1568, année où fut publiée la Bible des évêques, un groupe de catholiques fervents fonda un collège en France, à Douai, afin d'y instruire des prêtres destinés à reconvertir l'Angleterre au catholicisme.

Le fondateur du collège, William Allen, diplômé d'Oxford, avait quitté l'Angleterre sous la pression du gouvernement d'Élisabeth. Il s'installa en France, où il fut ordonné prêtre, et il rassembla autour de lui un groupe d'érudits catholiques — diplômés d'Oxford ou de Cambridge — pour enseigner au nouveau collège. Allen lui-même y obtint son doctorat et y devint professeur de théologie.

Lorsque le pape Pie V excommunia Élisabeth en 1570, il annonça aux catholiques anglais qu'ils n'étaient plus obligés d'obéir à la reine. De plus, il encouragea les souverains étrangers, comme Philippe II d'Espagne, à renverser le gouvernement d'Élisabeth. Allen travailla en liaison étroite avec le successeur de Pie V, Grégoire XIII, et avec Philippe II (ils subventionnèrent tous deux le collège de façon substantielle) pour fomenter des complots destinés à remplacer Élisabeth par un souverain catholique. Rien d'étonnant à ce qu'elle dénonçât, et le séminaire, et les Jésuites, lesquels prirent la tête du collège après 1573.

Parmi les mesures envisagées par Allen pour reconvertir son pays au catholicisme figurait la publication d'une nouvelle Bible en anglais, Bible qui présenterait un point de vue strictement catholique. Il confia à Grégoire Martin, brillant spécialiste de la Bible au collège de Douai, la tâche monumentale de traduire intégralement toutes les Écritures. Martin, lui aussi diplômé d'Oxford, s'était consacré à l'étude des langues de la Bible.

Martin s'attaqua à l'Ancien Testament en 1578, au rythme de deux chapitres par jour. Bien que sa santé se mît à décliner rapidement, il continua sans interruption jusqu'à ce qu'il eût achevé le Nouveau Testament, quelques semaines avant sa mort, en 1582. Le Nouveau Testament fut publié la même année à Reims, où le collège s'était provisoirement installé pour éviter les espions protestants envoyés par l'Angleterre. Le collège n'avait pas les fonds suffisants pour publier l'Ancien Testament, et il fallut attendre 1609–1610. La Bible prit alors le nom de version Reims–Douai.

William Allen et Richard Bristow, qui avait poursuivi, lui aussi, des études bibliques à Oxford, aidèrent Martin à rédiger les préfaces et les notes. Tout comme Martin, Bristow consacra à la Bible ses derniers efforts avant de mourir en 1581. Allen et Bristow furent aussi secondés par William Rainolds, d'Oxford, qui enseignait au collège l'hébreu et la théologie.

L'introduction du Nouveau Testament, sans doute écrite par Allen, explique la méthode de traduction utilisée par Martin. Elle précise que les traducteurs répugnent à exprimer la vérité biblique dans la langue courante. Les Pères de l'Église, disent–ils, estimaient qu'il n'était pas toujours sage que tout le monde lût les Écritures. La Bible, en effet, doit être soigneusement expliquée par les membres du clergé. Seul le nombre important de Bibles erronées publiées par les « protestants » a rendu cette traduction nécessaire.

La préface explique que la nouvelle traduction s'appuie davantage sur la Vulgate en latin que sur les textes originaux en hébreu et en grec. Elle défend cette position par une longue argumentation en expliquant que les traducteurs de Reims ont réalisé une traduction littérale qui comporte même certains mots latins.

ACCUEIL RÉSERVÉ AU NOUVEAU TESTAMENT DE REIMS


Dans l'ensemble, cette méthode de traduction produisit une Bible qui possédait parfois une certaine élégance, mais qui s'avérait souvent gauche et inintelligible à cause de la traduction littérale des structures. Les mots d'origine latine, dont beaucoup furent inventés, n'avaient pas grand sens.

Aux yeux de l'Église d'Angleterre, le plus grand défaut de cette Bible était le parti–pris antiprotestant qui en imprégnait les notes marginales. Ainsi que le faisait remarquer un historien catholique moderne, celles-ci contenaient « un véritable catéchisme de la doctrine chrétienne » présenté dans une optique catholique romaine.

Pour Élisabeth, le Nouveau Testament de Reims représentait une déclaration politique qui attaquait ses prérogatives royales. Un théologien puritain du nom de William Fulke fut si courroucé à la sortie du texte de Reims qu'il publia une édition présentant côte à côte le Nouveau Testament de Reims et celui des évêques afin de démontrer la médiocrité du texte catholique. Cependant, au lieu de dénoncer les faiblesses du texte de Reims, l'édition de Fulke ne réussit qu'à souligner les insuffisances du texte des évêques et à faire ressortir la beauté de celui auquel il était comparé. Au grand désarroi de Fulke et d'Élisabeth, l'édition à parallèles finit par faire apprécier la version catholique illégale du Nouveau Testament.

RÉCAPITULATION


Ala fin du XVIe siècle, la Bible des évêques, seule version autorisée des Écritures à la disposition du peuple anglais, ne venait, dans l'opinion publique, que bien loin derrière la Bible de Genève et le Nouveau Testament de Reims. Vers la fin du règne d'Élisabeth, en 1603, la publication de la Bible était dans une impasse. Le peuple avait nettement rejeté la Bible des évêques au profit de la Bible de Genève. La reine et la hiérarchie cléricale se trouvaient ainsi dans une situation insoutenable. Elles imposaient obstinément une Bible que personne ne lisait, et persistaient à condamner une Bible qui était lue par tout le monde.

Une seule chose était claire: aucune des Bibles en existence ne répondait à ce qu'en attendait le public anglais. La Bible de Genève et la Bible de Reims adoptaient des positions trop extrêmes; la Bible des évêques s'avérait trop conservatrice. Il était donc naturel que certains idéologues songent à une nouvelle traduction qui conviendrait à tout le monde. L'un d'eux s'appelait Jacques VI d'Écosse. Cousin éloigné d'Élisabeth, Jacques se tenait dans les coulisses avec l'espoir que la reine ferait de lui son successeur.

Si Jacques désirait devenir roi, c'était en partie parce qu'il pourrait ainsi réaliser un projet qui lui tenait depuis longtemps à cœur: une nouvelle traduction en anglais de la Bible. Quand Élisabeth se décida enfin à le choisir pour successeur, le moyen lui était fourni de réussir là où elle avait échoué: trouver une Bible qui unisse les factions religieuses en conflit. Pour y parvenir, Jacques devrait construire un texte à partir des fondations solides que représentaient les Bibles des évêques, de Genève et de Reims. Lui et ses traducteurs s'ingénieraient à fondre ces trois textes pour composer une nouvelle Bible qui devait survivre, bien longtemps après que les précédentes aient été oubliées.

Mary Trammell, rédactrice adjointe, est une exégète spécialisée dans la période de la Réforme. William Dawley, rédacteur de rubriques, a une formation de journaliste.

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