Lorsqu’on Évoque les problèmes auxquels doit faire face l’humanité en cette fin de siècle, rien ne paraît sans doute aussi endémique et aussi décourageant que la détresse des pays en voie de développement. La faim, le manque d’eau potable, le poids inexorable de l’endettement, l’exode de millions de réfugiés et les ravages des maladies et des guerres ont non seulement affaibli ceux qui en sont les victimes, mais ils ont aussi souvent rendu inopérantes les tentatives des bonnes volontés. Malgré tous les efforts entrepris en faveur des pays en voie de développement, on a le sentiment troublant que les résultats sont bien maigres face à l’immensité des problèmes.
Comment la prière chrétiennement scientifique peut-elle s’opposer avec efficacité et cohérence aux facteurs qui réduisent des populations entières en esclavage? Et, plus fondamentalement, comment être sûr que la prière fait du bien?
Les personnes dont l’action dans les pays en voie de développement a été extrêmement utile disent qu’à certains égards, reconstruire un pays n’est ni plus ni moins difficile que de reconstruire des existences individuelles. Si les problèmes collectifs semblent plus grands à cause du nombre de gens concernés, la solution repose sur la même base. Les progrès réels dépendent pour beaucoup de la possibilité de donner à chacun les moyens de découvrir tant la dignité et l’intégrité inhérentes à sa nature que la liberté et le courage d’agir conformément à ces qualités.
Il ne fait aucun doute que, d’un point de vue humain, il s’agit souvent d’un processus progressif. Mais, dans la Science Chrétienne, la discipline de la prière reste la même: il faut comprendre que l’homme, l’image et la ressemblance de Dieu, est sans cesse entouré de l’Amour divin et de sa bonté. Ce concept scientifique de l’homme nous fait prendre conscience du fait que l’homme n’est pas un mortel pitoyable, mais l’enfant spirituel de Dieu. Entrevoyant notre identité spirituelle, nous nous constatons capables de découvrir la paix et la satisfaction qui découlent de l’utilisation des talents que Dieu nous a donnés dans l’intérêt d’autrui.
Je me souviens d’une réunion, au crépuscule, avec un petit groupe de Scientistes Chrétiens dans un pays d’Amérique du Sud. Le revenu moyen annuel par habitant y était inférieur à cinq cents dollars. Une des femmes présentes avait fait huit kilomètres à pied pour assister à la réunion.
Assis en cercle, nous nous efforcions d’achever notre conversation avant la tombée de la nuit. La conscience que les membres avaient du Christ à l’œuvre dans leur existence, malgré les épreuves auxquelles ils faisaient face, me toucha profondément. Leur vie illustrait le caractère pratique de la perspective spirituelle qui donne vie à l’espérance et la réalise. Je leur demandai de me faire comprendre ce que le Christ signifiait pour eux.
Le regard de l’une des femmes du groupe s’éclaira. « Le Christ, c’est ce qui me rend heureuse », dit-elle d’une voix douce. « Je peux marcher dans la rue et, soudain, sans aucune raison particulière, me sentir si heureuse que je me mets à sauter de joie! Je rentre en courant chez moi et je demande à mon mari: “M’aimes-tu?” Et je ris parce que sa réponse m’importe peu. Je me sens si pleine d’amour qu’il y en a assez pour nous deux. » Cette grand-mère, qui garde des enfants toute la journée, reconnaît le Christ à l’amour qui brûle dans son cœur et à l’harmonie qui règne dans sa famille.
Ce que cette femme ressentait — la présence du Christ qui guérit — est au centre de la découverte spirituelle de Mary Baker Eddy. La Science Chrétienne démontre que la vie de Christ Jésus est bien plus qu’un événement très ancien qui doit faire l’objet d’une vénération pieuse. Sa vie illustra pleinement le fait que la loi rédemptrice du Christ est vraiment universelle, toujours accessible, et qu’elle peut se comprendre et se démontrer là même où la souffrance humaine est à son paroxysme. Le Christ est la vraie idée de Dieu, qui révèle sans cesse l’innocence spirituelle de l’homme, l’enfant de Dieu. Sous l’abri toujours présent de l’Amour divin, cette idée sert à réveiller, à transformer, à inspirer et à réorienter les efforts humains. Le Christ enseigne la satisfaction qu’on tire à faire le bien. Il élève la pensée au-dessus des restrictions d’un environnement politique et économique apparemment hostile, et révèle une atmosphère et un gouvernement qui ne peuvent être perturbés par des circonstances extérieures. En fait, en nous conformant davantage au gouvernement de Dieu dans notre vie, nous constatons que les « circonstances extérieures » prétendument immuables ont changé. La réponse tangible aux besoins humains devient alors plus apparente.
Le fait de comprendre la façon dont le Christ opère dans la conscience humaine et transforme l’existence humaine nous donne un appui pour faire face à la corruption qui bloque souvent les progrès tant individuels que collectifs. Il importe peu que la corruption soit la conséquence de plusieurs siècles d’exploitation coloniale, de la recherche des intérêts personnels de certains fonctionnaires ou des effets négatifs de programmes de développement peu judicieux, même s’ils ont été établis avec les meilleures intentions du monde. La Science du Christ révèle que la corruption n’a aucun fondement dans le cœur de l’homme. La nature véritable de l’homme est droite et semblable à Dieu; l’homme n’est pas un mortel rivé à des comportements ou à des circonstances qui aillent à l’encontre de son bien-être.
Un exemple personnel m’a montré la puissance de ce point de vue. J’attendais impatiemment de partir pour une mission à l’étranger, mais les préparatifs de départ se heurtaient à des lenteurs administratives très pénibles. Tout semblait confirmer l’opinion générale selon laquelle le pays où je me rendais était dans une situation lamentable, offrant peu d’espoir de se prendre un jour en charge.
Nous avions demandé nos visas suffisamment à l’avance, mais rien n’avait été fait, malgré des appels téléphoniques répétés à une dame fort aimable qui travaillait à l’ambassade du pays concerné. Une semaine avant le départ, nous n’avions toujours pas nos visas.
Je priais ardemment pour clarifier les mobiles qui me poussaient à entreprendre ce voyage. L’urgence était grande, mais il paraissait évident que je ne pouvais partir en donnant encore plus de poids aux croyances à l’impuissance et au désespoir qui s’attachaient à ce pays. Comme j’aurais mis en doute des commérages oiseux sur mes propres amis et voisins, faisant mon possible pour soutenir le bien qu’ils exprimaient, de même je me devais de rechercher et de défendre les manifestations du bien dans cette société. Dans mes prières, il me fallait m’appuyer avec plus de ferveur sur les lois spirituelles et les promesses bibliques, afin d’accroître mes espoirs de voir ce pays progresser.
Je demandai à une amie à Washington de se rendre à l’ambassade de ma part. Elle apprit que le responsable du service des visas était absent depuis de nombreuses semaines. Aucune explication ne lui fut fournie. Mon problème baignait dans une sorte d’ambiguïté générale, et il y avait de grandes chances pour que le voyage soit annulé.
Tout en continuant à purifier mes mobiles, je compris que mon désir le plus ardent était de voir le Christ à l’œuvre, améliorant les situations désespérées. Le Christ a pour fonction d’éveiller la conscience humaine à la bonté de l’homme, à sa nature spirituelle qui exprime Dieu. Je savais que l’utilité de l’homme est gouvernée et soutenue par la loi divine, et que rien ne pouvait changer ce fait. La Vie divine, Dieu, est la source de toute activité bonne, et l’homme en reflète l’énergie. La Vérité divine donne à l’homme son intégrité d’enfant de Dieu, et cette réalité, accueillie et vécue, est la base sur laquelle sauver l’humanité de toute influence corruptrice.
J’éprouvais la paix de savoir que tout ce qui était juste et nécessaire concernant mon voyage dans ce pays dépendait de la loi de Dieu. Et je savais que cette loi contenait également la promesse de résoudre les grands problèmes de cet état. Le lendemain, le fonctionnaire délivrant les visa retourna à son travail, et nous pûmes obtenir nos visas juste à temps pour le départ. Notre voyage fut fructueux.
En évoquant cet épisode, je vois combien il m’a appris sur la façon de prier et de travailler pour résoudre les problèmes des pays en voie de développement. Il m’a donné le courage de percevoir que, indépendamment des faiblesses et des circonstances humaines qui tendent à justifier la stagnation économique et politique, il existe des lois divines qui offrent un fondement à l’espoir et aux progrès concrets.
Il nous faut absolument veiller à ce que l’apathie, le manque de compassion, l’ignorance et l’attachement à notre propre confort ne nous empêchent pas de nous tourner avec amour vers l’humanité. L’amour chrétien élève, guérit et soutient les progrès humains tangibles. Quelle que soit la situation, il est important de ne pas permettre au mal d’obscurcir notre sens du bien. Pour la Science Chrétienne, le terme « magnétisme animal » sert à désigner la prétention du mal à exercer activité et influence. On peut le constater dans l’attraction du matérialisme qui tente d’opposer entre eux les différents besoins humains par la croyance que la vie est matérielle et composée de choix et de ressources limités. Si nous ne lui opposons pas le fait que la vie et l’être sont entièrement spirituels, cette influence ignorante ou malveillante tend à amoindrir notre conception du bien. L’entendement humain peut reconnaître que le bien se manifeste en certains endroits grâce à des initiatives isolées, mais il doute que la bonté divine ait une valeur pratique réellement significative dans la guérison des maux humains.
Comme nous devons nous défendre contre ce scepticisme matérialiste! Mary Baker Eddy écrit dans le livre de texte de la Science Chrétienne, Science et Santé: « Les bases du mal reposent sur la croyance qu’il existe quelque chose en dehors de Dieu. Cette croyance tend à soutenir deux pouvoirs opposés, au lieu de ne faire valoir que les droits de la Vérité. La méprise de croire que l’erreur peut être réelle, alors qu’elle est simplement l’absence de la vérité, entraîne la croyance à la supériorité de l’erreur. »
Une bonne façon de se protéger contre le scepticisme consiste à révérer toujours plus l’inspiration quotidienne due à la prière et à la lumière qui éclaire les faits ordinaires. La mentalité charnelle est celle qui feint d’ignorer le bien ou qui le déprécie. En nous efforçant de refléter l’unique Entendement divin, nous magnifions le bien: nous lui donnons plus de place dans notre pensée et notre conversation. Et, de même que nous honorons la façon dont le Christ est à l’œuvre dans notre foyer, à notre travail ou dans notre école, nous devons également honorer la façon dont il opère dans le monde. Mary Baker Eddy explique dans Écrits divers: « C’est seulement en admettant que le mal est une réalité et en nous laissant aller à de mauvaises pensées que nous pouvons, en croyance, séparer les intérêts d’un homme de ceux de la famille humaine tout entière, ou tenter ainsi de séparer la Vie de Dieu. »
Ce qui s’oppose peut-être le plus à la prière désintéressée pour des gens qu’on ne verra sans doute jamais ou des pays qu’on ne visitera pas, c’est le sentiment d’être, soit submergé par ses propres problèmes, soit comblé par son existence personnelle, éprouvant ainsi de la difficulté à sortir de ses préoccupations immédiates. Mais j’ai découvert, à maintes reprises, qu’en étant disposé à prier pour les autres, on fait éclater la bulle d’égocentrisme qui réside au cœur de bien des iniquités et des souffrances du monde. Et, en même temps, j’acquiers souvent la pénétration spirituelle qui répond aussi à mes propres besoins. Cela renforce ma conviction que la prière qui apporte la guérison dans mon existence est celle-là même qui apporte une aide tangible dans les régions du monde qui en ont le plus besoin.
Je me souviens d’une guérison qui s’est produite lorsque j’ai prié pour les familles du monde entier. Nous attendions notre premier enfant. Un examen prénatal révéla une numération globulaire anormale. Le médecin qui devait m’accoucher déclara qu’en pareil cas, il recommandait l’hospitalisation, mais il respecta mon désir, en tant que Scientiste Chrétienne, de m’en remettre à la prière pour guérir.
En sortant de son cabinet, il m’apparut que la croyance à l’anémie du sang venait de la conviction que le bébé m’épuisait. Cela me sembla très étrange, car l’un des enseignements spirituels que j’avais tirés de cette grossesse, c’était que le bébé ne pouvait être qu’une bénédiction pour moi, pour mon mari et pour tous ceux qui viendraient à connaître l’enfant. « Mon Père, priai-je, je vois bien que ce problème n’est ni le mien ni celui de l’enfant. Qu’ai-je besoin de savoir pour assurer notre sécurité ? »
J’attendis tranquillement la réponse et il me revint à l’esprit tout ce que racontent les médias au sujet des mères et des enfants en général: les mères adolescentes des quartiers déshérités, les Africaines luttant chaque jour pour trouver de quoi nourrir leur famille, les mères réfugiées, les fœtus sous la dépendance de la drogue, les mères estimant leur carrière menacée par leurs enfants. Il semblait par trop évident que, dans la mentalité contemporaine, les enfants étaient un lourd fardeau, et parfois même un handicap, pour leur mère.
Je priai avec ferveur pour mieux comprendre que chacun, où qu’il soit, est l’objet de la sollicitude de Dieu. Je cessai de m’inquiéter de l’état de mon sang et je pensais avec amour à toutes les familles du monde. Je m’appliquai à affirmer les lois de la bonté de Dieu, qui bénissent et soutiennent le lien qui unit tous les enfants de Dieu, Ses idées entièrement spirituelles. Ce travail me fit prendre conscience de ma mission spirituelle et de la sécurité de mon bébé. Nous ne menions pas une bataille personnelle, mais nous renversions, dans la pensée humaine, la fausse supposition que les enfants puissent être un fardeau ou un obstacle au progrès.
Le médecin m’avait demandé de revenir le voir au bout d’une semaine. Je subis alors un nouvel examen du sang. Ayant pris connaissance des résultats, le médecin s’approcha de moi avec un grand sourire. Tout était normal. Il assura n’avoir jamais vu se produire un tel ajustement sans soins médicaux, et il était très satisfait.
Cette guérison marqua un tournant dans ma pratique de la Science Chrétienne. J’appris que, lorsque nous affrontons des défis, il est parfois utile de se demander: « Quels sont les problèmes mondiaux susceptibles d’influencer ce cas? »
Les moments où je ressens le plus de compassion pour les nations en voie de développement sont souvent ceux où j’ai le sentiment que ma propre croissance spirituelle est au point mort. Ce sentiment douteux de ne faire aucun progrès dans l’existence peut sembler solidement ancré. L’apathie nous tente alors d’accepter momentanément la supposition erronée que nous sommes dans une impasse totale. Mais accepterions-nous d’aussi bonne grâce si nous nous rendions vraiment compte que cette croyance en un statu quo immuable empêche également des populations entières de recevoir une nourriture et un abri adéquats? Lorsque nous reconnaissons que la puissance de Dieu nous déloge individuellement de la stagnation où nous tiennent nos habitudes de pensée et d’action, nous commençons à comprendre comment on en viendra à reconnaître que ce même pouvoir fait effectivement progresser les nations.
Notre empressement à prier pour les problèmes mondiaux est dû au fait que nous apprécions les bénédictions spirituelles qui surviennent dans notre vie au point de vouloir les faire partager à autrui. Nous pouvons nous demander: « Dans quelle mesure est-ce important pour moi d’être capable de prouver que la loi de Dieu, le bien, répond aux problèmes humains les plus tenaces? » Lorsque nous répondons que c’est essentiel à nos yeux, rien, non rien ne peut nous empêcher de prier pour que tous soient sauvés par cette loi.
En demandant humblement au cours de nos prières et de notre étude: « Père, comment ces idées aident-elles les nations dans le monde? » nous sentirons que le Saint-Esprit nous amène à découvrir et à rejeter les croyances paralysantes qui limitent notre espérance concernant les progrès de l’humanité et notre propre croissance. On peut en voir la promesse dans un passage du livre de Sophonie: « L’Éternel a détourné tes châtiments... L’Éternel, ton Dieu, est au milieu de toi, comme un héros qui sauve... j’agirai contre tous tes oppresseurs; je délivrerai les boiteux et je recueillerai ceux qui ont été chassés... je ferai de vous un sujet de gloire et de louange parmi tous les peuples de la terre, quand je ramènerai vos captifs sous vos yeux, dit l’Éternel. »