J’ai longtemps pensé que seules les tribus primitives avaient des tabous bien précis...
« Mais récemment, je me suis demandé en quoi notre civilisation était vraiment différente. Les journaux sont remplis d’informations sur ce qu’il est recommandé de faire ou de ne pas faire pour mener une vie saine. Il ne s’agit plus d’allégories religieuses, mais de discours médi caux... Ils expliquent en détail les bons et les mauvais effets des hormones œstrogènes, ou pourquoi il est bien de faire de l’exercice et pourquoi il est dangereux de fumer.
« Les anciens tabous étaient religieux, les nôtres sont médicaux. Nos ancêtres parlaient des dangers que court l’âme, et nous, nous parlons des dangers que court le corps. Ils avaient foi en la tradition, nous mettons notre foi dans ’les meilleures preuves scientifiques’.
« Mais l’intérêt qu’on porte à ces questions est d’une intensité toute religieuse. C’est pourquoi je me demande si nous n’avons pas tout simplement transféré notre loyalisme d’un groupe d’experts à un autre; si nous n’avons pas reporté notre angoisse d’une catégorie de rites à une autre... Nous respectons des interdictions plus strictes que celles d’un musulman ou d’un hindou...
« Profanes en la matière, nous suivons avec angoisse... les débats qui opposent les chapelles scientifiques [concernant les conclusions à tirer des données fournies par la recherche], tout comme nos ancêtres se préoccupaient des lut tes au temps de la Réforme...
« Notre civilisation est-elle vraiment beaucoup plus libre ? Nous n’avons pas à craindre d’insulter un dieu qui vit dans un arbre ou un cours d’eau... mais, tout comme les primitifs, nous essayons d’apaiser les grandes puissances invisibles par un comportement de plus en plus timoré.
« Malgré notre degré de développement et toutes nos connaissances, l’attention que nous attachons aux tabous de la vie moderne puise aux mêmes racines que celles de nos ancêtres: l’angoisse et le désir de sécurité. »
Commentaire de la rédaction: Au siècle dernier, les gants de crin obsédaient apparemment tout autant la pensée que le font aujourd’hui l’œstrogène et le cholestérol; de même que la journaliste citée plus haut, celle qui découvrit la Science Chrétienne considérait que l’attention exagérée accordée aux règles de la santé était une forme d’idolâtrie. Mary Baker Eddy écrit: « La civilisation est-elle seulement une forme supérieure de l’idolâtrie, pour que l’homme se prosterne devant le gant de crin, la flanelle, les bains, les régimes, l’exercice et le grand air ? Hormis le pouvoir divin, rien ne peut faire autant pour l’homme que ce qu’il peut faire pour lui-même. »
Copyright © 1989, The Boston Globe Newspaper Company / Washington Post Writers Group. Reproduit avec autorisation.
