Le lendemain de la transfiguration, Jésus et les trois apôtres qui étaient avec lui sur la montagne — Pierre, Jacques et Jean — retournèrent vers les neuf autres.
Une grande foule s’était rassemblée autour des disciples et, selon Marc, les scribes qui étaient parmi la foule leur posaient des questions (voir 9:14). Lorsque Jésus arriva, l’attention de la foule se porta aussitôt sur lui et, en réponse à sa demande: « Sur quoi discutez-vous avec eux ? » un homme dont le fils unique avait grand besoin d’être guéri fit appel à Jésus. Que la maladie ait été ou non l’épilepsie, ainsi que le pensent les traducteurs modernes (le terme « lunatique » employé par Matthieu indique simplement que l’on supposait qu’il s’agissait d’une maladie influencée par la lune) l’enfant en avait souffert depuis l’enfance.
Lorsque le Maître eut désigné les douze disciples, ainsi que le rapporte Matthieu (10:1) « il leur donna le pouvoir de chasser les esprits impurs, et de guérir toute maladie et toute infirmité » (cf. Marc 6:7; Luc 9:1). Il y avait donc échec patent.
Il semble que Christ Jésus ait adressé ses premières paroles à la foule: « Race incrédule,... jusques à quand serai-je avec vous ? jusques à quand vous supporterai-je ? Amenez-le-moi. » Après un dernier accès, bref mais sérieux, suivi de la menace du Maître: « Esprit muet et sourd, je te l’ordonne, sors de cet enfant, et n’y rentre plus », l’enfant fut remis à son père, complètement guéri (voir Marc 9:14–27; Luc 9:37–42; Matth. 17:14–18).
Laissant la foule s’émerveiller de cette manifestation du pouvoir divin, Jésus s’adressa à ses disciples pour les instruire davantage. En de nombreuses occasions, ils avaient été les témoins de guérisons significatives accomplies par le Maître, mais il leur restait encore beaucoup à apprendre. Selon Marc, la première condition requise pour accomplir une guérison telle que celle-ci, c’était la prière associée au jeûne. Cependant, ainsi que Matthieu le souligne, Christ Jésus ne voulait pas qu’ils oublient le pouvoir qu’a la foi de rendre toutes choses possibles (voir Matth. 17:19–21; Marc 9:28, 29; Luc 9:41).
Le petit groupe, semble-t-il, retourna bientôt en Galilée où le Maître essaya de se ménager quelques moments de retraite tout en continuant d’instruire ses disciples. Selon les trois évangélistes synoptiques, il sentit qu’il était nécessaire de les préparer plus à fond en vue des événements — sa mort et sa résurrection — qui allaient survenir. Bien qu’ils fussent « profondément attristés » (Matth. 17:23) ils ne comprirent pas la signification de cet enseignement, et ils étaient peu disposés à lui demander des explications. Sur ces entrefaites, ils se rendirent une fois de plus à Capernaüm (voir Matth. 17:22–24; Marc 9:30–33; Luc 9:43–45).
L’incident au sujet de Pierre et des « deux drachmes » — un ancien impôt d’un demisicle que devait payer tout Israélite du sexe masculin de plus de vingt ans (voir Ex. 30:11–16) — n’est rapporté que par Matthieu (17:24—27). Cet impôt, évidemment prélevé à Capernaüm sur les gens du district, était destiné à l’entretien du temple et il semble qu’il n’ait pas été payé à l’échéance. Le récit montre clairement que le Maître était désireux d’observer les règlements établis, même si, en tant que Fils de Dieu, il pouvait légitimement prétendre être exempté de l’impôt de ce temple qu’il appelait la maison de son Père.
On peut trouver l’origine de la discussion qui alors s’éleva parmi les disciples au sujet de la préséance, dans le fait que déjà, en deux occasions importantes, trois des douze disciples avaient eu la faveur spéciale d’être avec Christ Jésus. Prenant en tout état de cause l’exemple d’un petit enfant, il saisit l’occasion de leur enseigner la nécessité de l’humilité. Il rejeta l’exclusivisme que dénotaient les paroles de Jean (Marc 9:38): « Maître, nous avons vu un homme qui chasse des démons en ton nom; et nous l’en avons empêché, parce qu’il ne nous suit pas. » Et il continua son enseignement, les instruisant plus amplement sur la norme de la pensée et de l’action chrétiennes (voir Matth. 18:1–20; Marc 9:33–51; Luc 9:46–50).
La question de Pierre: « Seigneur, combien de fois pardonnerai-je à mon frère, lorsqu’il péchera contre moi ? Sera-ce jusqu’à sept fois ? » fit surgir un sujet très controversé parmi les rabbins qui soutenaient que le pardon devait s’étendre en réalité à trois offenses seulement. « Jésus lui dit: Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à septante fois sept fois, » et il enchaîna sur la parabole du serviteur impitoyable qui, bien que le roi son maître lui eût fait remise d’une énorme dette, exigea d’un de ses compagnons qu’il lui payât une somme comparativement minime qu’il lui devait (Matth. 18:21–35).
Le ministère de Jésus en Galilée tirait à sa fin. Jean nous apprend (7:2) que la fête annuelle des Tabernacles, qui marquait la fin de la moisson et se tenait en octobre à Jérusalem, était proche.
Les frères de Jésus mirent ses projets en question, montrant par là leur scepticisme. Comment un leader national allait-il gagner en stature en Galilée ? Peut-être trouveraitil à Jérusalem un soutien à ses revendications !
Le Nazaréen avait antérieurement constaté la nécessité de se défaire des liens humains lorsque aucune parenté spirituelle n’était en jeu. Et ainsi, bien que ses proches se rendissent à Jérusalem, il ne les accompagna pas, mais demeura en Galilée jusqu’à ce qu’il sentît que le moment était venu pour lui d’aller dans la capitale. Ce qu’il fit, « mais comme en secret » (voir Jean 7:3–10).
Selon Luc, Jésus traversa la Samarie. Il y avait été bien reçu précédemment, mais maintenant il réveillait l’ancienne inimitié entre Samaritains et Judéens: « On ne le reçut pas, parce qu’il se dirigeait sur Jérusalem. » Jacques et Jean, se rappelant un récit dramatique se rapportant à Élie, demandèrent s’ils devaient appeler la destruction sur le village samaritain qui leur refusait l’hospitalité. Jésus les réprimanda pour leur ignorance de l’esprit-Christ, « et ils allèrent dans un autre bourg » (voir Luc 9:51–56; Il Rois 1:10).
Apparemment, d’autres auraient aimé, comme les douze, devenir ses proches disciples. Selon Matthieu, l’un de ceux-là était un scribe. Mais le Maître discerna le contraste entre l’intérêt de ces hommes, quelque sincère qu’il pût être, et les qualités de force spirituelle, d’abnégation de soi et de consécration nécessaires pour répondre à ce qui est exigé d’un vrai disciple (voir Luc 9:57–62; Matth. 8:19–22).
Celui qui étudie les Evangiles constate qu’il est virtuellement impossible de déterminer, dans la carrière de Jésus, une succession précise des événements. En conséquence, on ne sait pas nettement où se trouvait Jésus lorsqu’il « désigna encore soixante-dix autres disciples, et... les envoya deux à deux devant lui dans toutes les villes et dans tous les lieux où lui-même devait aller ». Selon Luc, qui est seul à rapporter cet événement, il se situe à ce moment-là (voir 10:1–20).
Il se peut que la similitude qui existe entre les récits concernant les instructions données ici aux soixante-dix et plus tôt aux douze lorsqu’ils furent envoyés en mission, soit due à des renseignements provenant d’une source commune mais utilisés différemment par chaque auteur « synoptique ». Luc introduit également ici une dénonciation de l’attitude dépourvue de réceptivité de quelques villes de Galilée, ce que Matthieu fait aussi dans un contexte différent (voir 11:20–24).
Quelle qu’ait été la durée de cette mission des soixante-dix, Christ Jésus fut nettement encouragé à leur retour d’apprendre leur succès. Il parla en termes énergiques de l’autorité dont il les avait doués. Et tout en reconnaissant la signification de leurs victoires sur le mal, il voulut leur faire prendre conscience de la signification bien plus importante de leur statut spirituel.