La pandémie de coronavirus a suscité des manifestations sociales étonnantes. Par exemple, on a chanté des airs aux accents doux-amers en Italie ; des activités culturelles ont été proposées en libre accès sur Internet dans le monde entier ; le gouvernement britannique a fait appel à des bénévoles pour aider les personnes les plus isolées du Royaume-Uni – et dès le premier jour, plus d’un demi-million de mes compatriotes avaient répondu à l’appel !
Mais tout le monde n’est pas aussi bien disposé. Selon deux articles d’opinion britanniques sur le coronavirus, le pharisaïsme a fait son apparition, bien que les auteurs ne soient pas d’accord sur le profil des moralisateurs. L’auteur de l’un des articles critique ceux qui font fi des appels à demeurer chez soi et à respecter la distanciation physique. L’autre article fustige ceux qui pratiquent le corona-shaming, attitude consistant, selon l’auteur, à juger les gens sans se soucier de savoir s’ils ont des circonstances atténuantes. Il semblerait donc que l’hypocrisie ne se rapporte pas tant à ce que nous jugeons qu’à la manière dont nous jugeons. L’histoire de l’humanité nous en offre un exemple extrême dans l’attitude pharisaïque des chefs religieux qui, aveugles à la bonté de Jésus, exigèrent le crucifiement de « l’homme le meilleur qui foulât jamais le globe », ainsi que Mary Baker Eddy décrit Christ Jésus dans Science et Santé avec la Clef des Ecritures (p. 52).
Une façon de penser moralisatrice est imparfaite à bien des égards, mais le problème de base est qu’elle s’attache à la perception que nous avons de nous-mêmes et des autres en tant que personnalités matérielles pleines de défauts. Savoir qu’en réalité nous sommes tous créés par Dieu, c’est un excellent point de départ pour rejeter l’hypocrisie lorsque nous reconnaissons ce défaut en nous-mêmes. Voir une création imparfaite, c’est accepter la notion d’un créateur imparfait. Mais Dieu n’est pas imparfait. Le vrai Dieu, ou Esprit divin, est parfait. Et ainsi tout ce que la divinité crée est parfait, comme le dit la Bible. Les Ecritures disent de Dieu : « Il est le rocher ; ses œuvres sont parfaites. » (Deutéronome 32:4) Les « œuvres » parfaites de Dieu incluent l’identité spirituelle véritable de chacun d’entre nous sans exception, identité qui dérive entièrement de la nature de Dieu et qui est définie par elle.
Ceux qui ont des pensées vraiment vertueuses dépassent l’analyse matérielle des autres pour acquérir d’eux une vision spirituelle dégagée du moi, vision basée sur le point de vue de Dieu, et non sur le leur ; ils prient pour voir chaque individu du point de vue de notre Père-Mère Dieu aimant, qui aime de façon impartiale tous Ses enfants.
Dans la mesure où nous accueillons ce sens spirituel de nous-mêmes et des autres, nous obéissons à cette fréquente mise en garde de Jésus contre les pensées moralisatrices. Il dit par exemple : « Comment peux-tu dire à ton frère : Laisse-moi ôter une paille de ton œil, toi qui as une poutre dans le tien ? Hypocrite, ôte premièrement la paille de ton œil, et alors tu verras comment ôter la paille de l’œil de ton frère. » (Matthieu 7:4, 5)
Voilà qui condamne franchement le caractère erroné de cette façon de penser. Mais on peut interpréter autrement ces propos si l’on voit toute l’humanité comme étant composée des enfants de Dieu qui, par nature, veulent cesser de se croire matériels, alors qu’ils sont spirituels. C’est cette croyance qui est à la base de toutes les « pailles » gênantes dans l’ « œil », ou esprit humain. Nous pouvons interpréter cette mise en garde ainsi : « Comment peux-tu, avec amour, reconnaître et ôter la pensée matérielle qui égare et trouble ton prochain à moins que ton cœur soit ouvert au Christ qui identifie et élimine le matérialisme qui t’égare et te trouble toi-même ? »
J’y vois un appel à donner la priorité à nos propres progrès spirituels, ce qui implique de céder de plus en plus à la vision-Christ porteuse de guérison de Jésus, lui qui voyait en chacun un enfant de Dieu, sans poutre ni paille. Cette vision véritable, ou sens spirituel, est innée en chacun de nous. Elle reconnaît la majesté immuable ainsi que la bonté sans limites de Dieu, qui est infini et Tout, et s’en réjouit.
Une fois que nous avons fait l’expérience de cette perception vraie de Dieu, nous ne voulons plus jamais que notre vision de la divinité soit obscurcie. Cependant, il est impossible de percevoir clairement et pleinement la nature de Dieu tant que le sens du moi humain gouverne nos pensées, ce qui est le cas quand nous nous focalisons sur les lacunes des autres. Cela nous enracine dans la croyance que nous avons tous une individualité séparée de Dieu et inférieure à Sa création. Au contraire, acquérir et approfondir une juste compréhension de la nature de l’homme, en tant que véritable expression de Dieu, est un point clé pour accomplir des guérisons. Mary Baker Eddy le souligne ainsi : « En maintenant l’idée juste de l’homme dans ma pensée, je peux améliorer mon individualité, ma santé et ma moralité ainsi que celle des autres ; tandis que l’image opposée de l’homme, celle d’un pécheur, gardée constamment dans l’entendement, ne peut pas plus améliorer la santé ou la moralité que l’image d’un boa constrictor gardée dans la pensée ne peut aider un artiste à peindre un paysage. » (Ecrits divers 1883-1896, p. 62)
Cherchons à mieux comprendre que le péché et la maladie que nous voyons chez les autres ne sont que leur vision matérielle erronée d’eux-mêmes, vision dont nous sommes tentés, nous aussi, de croire qu’elle témoigne de la réalité. En acceptant d’être en désaccord avec cette perception matérielle erronée et limitée de l’individualité de chacun, nous parvenons à nous débarrasser des jugements moralisateurs que nous portons sur des êtres qui nous sont chers et proches, sur des collègues de travail, des membres d’église, ainsi que des personnalités publiques, comme il est expliqué dans un autre article publié sur le site du Héraut cette semaine, intitulé « Moi, indigné ? » d’Alison Hughes.
Dans la mesure où nous veillons à la tentation de nous sentir et d’être moralisateurs et que nous la surmontons, nous développons avec joie une vision nouvelle, plus claire, de Dieu et de nos semblables, hommes et femmes. Mais cette joie n’est pas égoïste. Alors que nous affirmons et prouvons notre liberté innée par rapport à la « poutre » qu’est l’hypocrisie, nous sommes mieux armés pour aider affectueusement notre prochain à se libérer de tout trait de caractère qui pourrait l’empêcher de reconnaître la gloire de Dieu, et sa propre gloire en tant que Son enfant spirituel, infiniment digne.
Tony Lobl
Rédacteur adjoint
