C'était une chaude journée, placée sous le signe du soleil et de la détente, que nous passions en famille au parc aquatique. Dans les eaux peu profondes de la piscine à vagues se trouvait un petit remorqueur, solidement ancré. Il était juste assez grand pour que trois ou quatre jeunes enfants montent à son bord et donnent libre cours à leur imagination.
Lorsque j'ai remarqué ce petit bateau, mon regard s'est arrêté sur une scène charmante. Un père s'y était installé, les genoux sous le menton, et mangeait son déjeuner avec sa fille tandis qu'ils naviguaient sur des flots imaginaires. On avait l'impression qu'il n'aurait cédé sa place pour rien au monde. Il incarnait tout à fait cette joie que nous éprouvons lorsque nous consacrons du temps aux enfants de façon désintéressée, notamment pendant les vacances.
Pour beaucoup d'adultes, le mot vacances évoque l'idée de lever le pied et de laisser de côté tout ce qui symbolise la routine quotidienne. Les enfants peuvent aussi être enchantés de ce changement de décor, mais leurs intérêts ne se centrent généralement pas autour du repos mais davantage autour de l'aventure et de leurs diverses activités, comme si les intérêts des parents et des enfants s'avéraient incompatibles à ce moment-là. Mais lorsque les adultes redécouvrent le coeur d'enfant que Dieu leur a donné, comme cet homme dans le petit bateau, ils trouvent le repos véritable grâce au fait de donner généreusement d'eux-mêmes. Les vacances deviennent l'occasion d'en découvrir un peu plus les uns sur les autres, en vivant de nouvelles expériences qui permettent à chaque membre de la famille de se réaliser.
La joie et l'impression de vitalité intense ressentie en entrant dans le monde des enfants peut être très enrichissante pour les parents. Quant aux enfants, ils reçoivent une belle leçon de vie à travers l'immense bonheur de faire du bien aux autres, de façon aimante et spontanée. Ainsi, chacun y gagne, prenant conscience que le don désintéressé de soi ne prive ni de paix ni de repos, mais nous fait au contraire nous sentir pleins d'entrain et plus vivants.
J'en ai fait l'expérience il y a de nombreuses années, lorsque j'ai accepté de conduire mon fils adolescent et quelques-uns de ses amis à un grand parc d'attractions qu'ils aimaient, et qui était situé à trois heures de route de chez nous. Au début de leurs vacances d'été, pendant plusieurs années de suite, nous sommes ainsi partis à 6 heures du matin pour revenir après minuit. (De mon côté, je passais la journée à caresser promener dans le parc, à caresser les chevaux, à lire...) La seule chose que je demandais aux enfants était de me parler pendant le trajet du retour pour m'éviter de m'endormir au volant. Une fois, alors que trois des quatre jeunes s'étaient immédiatement endormis, le dernier garçon, que je connaissais moins bien, m'a raconté son histoire tandis que nous roulions. J'ai ressenti comme un grand privilège d'avoir pu partager ce moment avec ce garçon. En sortant de la voiture, une fois arrivé chez lui, il s'est retourné et m'a remerciée, ajoutant: « C'était la meilleure journée de ma vie.» Il s'agissait pour moi aussi d'un trésor inoubliable. Ce qui nous épuise vraiment, c'est de lutter avec l'idée qu'on nous impose quelque chose. Et ce sentiment peut sembler s'amplifier pendant les vacances. Or, j'ai appris qu'en réalité donner, notamment avec le sentiment de laisser Dieu s'exprimer à travers nos actions, est un acte qui nous vivifie. Le père ou la mère qui donne de lui-même pour faire plaisir à un enfant se trouve béni en retour. Le désintéressement véritable qui nous incite à nous consacrer à un enfant fait totalement disparaître le poids de la contrainte. « Donner ne nous appauvrit pas au service de notre Créateur et ne pas donner ne nous enrichit pas.» (Science et Santé avec la Clef des Ecritures, p. 79) Voilà un conseil qui m'a beaucoup aidée.
Le récit de la Bible où Jésus prêchait entouré d'enfants (Marc 1 0: 1 31 6) nous offre un exemple éloquent de ce conflit apparent entre les intérêts des enfants et ceux des adultes, et de l'ajustement mental qui nous amène la paix. De l'avis de tous, Jésus était un homme très occupé, extrêmement important ! Pénétrés de l'idée de cette importance, ses disciples empêchaient les enfants d'approcher leur Maître. Cependant, interrompant ce qu'il était en train de faire, Jésus a alors dit sans ambages à l'assemblée de laisser les enfants venir à lui, et que cela faisait d'ailleurs partie de la progression spirituelle des adultes. Avec une sagesse qui interpelle aussi notre époque, il a insisté sur le fait que seuls ceux qui venaient à Dieu avec l'esprit d'un petit enfant recevraient la paix du royaume de Dieu. N'est-ce pas cette paix authentique (que l'on associe au paradis), que nous nous attendons à ressentir lorsque nous sommes en vacances, et, en fait, pendant toute l'année ? Nous entendons souvent les gens parler d'un merveilleux voyage en famille en disant: « C'était le paradis.» Mais le royaume des cieux est une qualité spirituelle de la pensée et de l'expérience, que nous ne trouvons pas dans un endroit ou une activité en particulier. Le conseil de Jésus porte sur la capacité de ressentir cette paix comme étant directement liée à l'expression d'un esprit semblable à celui des petits enfants.
En tirant parti de ces instants où nous donnons gratuitement aux enfants qui croisent notre chemin, que ce soit en vacances ou au quotidien, nous trouvons véritablement le royaume des cieux. Et l'on peut alors se sentir réellement vivifiés d'avoir entraperçu Dieu à travers cette joie, semblable à celle des enfants.