Prier en temps de grève

Quand Des Grèves se déclenchent dans les transports ou dans la fonction publique, les usagers se sentent parfois pris en otages. Les habitants de la périphérie des grandes villes ne peuvent plus se rendre à leur travail, ou, s'ils y parviennent, ils ne peuvent ensuite rentrer chez eux. Des encombrements monstres empoisonnent la vie des citadins et, pour peu que la pluie s'en mêle, le moral de tous est au plus bas. Dans certains cas, le courrier est ralenti ou interrompu, les cours dans les écoles sont suspendus, et il arrive même, si la grève s'éternise, comme on l'a vu dernièrement en France, que des entreprises soient acculées au dépôt de bilan. Un sentiment général d'impuissance s'installe alors.

Mais sommes-nous vraiment réduits à l'inaction quand la vie du pays paraît ainsi paralysée? N'y a-t-il rien à faire ? Les lecteurs de ce magazine savent bien qu'il existe une activité essentielle qui n'est jamais stoppée: aucune circonstance matérielle ne peut en effet couper les ailes de la prière. Or, nous dit la Bible, « la prière fervente de l'homme juste a une grande efficacité » ^{Jacques 5:16 (d'après la Bible en français courant).}. Nous pouvons donc prier. Pouvons-nous d'ailleurs nous abstenir de le faire, que nous soyons personnellement touchés ou non, quand l'actualité nous présente tant de situations de détresse ? Une fois reconnu qu'il faut « faire quelque chose » sur le plan spirituel, la question se pose: comment prier ?

Dans son livre intitulé Science et Santé avec la Clef des Écritures, Mary Baker Eddy consacre tout un chapitre (le premier) à la prière. On peut y lire ceci par exemple: « Le désir, c'est la prière; et nous ne pouvons rien perdre en confiant nos désirs à Dieu, afin qu'ils soient façonnés et élevés avant de prendre forme en paroles et en actions. » ^{Science et Santé, p. 1.} Quel est notre désir quand nous prions au sujet des conflits sociaux et dans quel sens allons-nous prier: Pour que les fonctionnaires ou les employés renoncent à leurs revendications et reprennent le travail ? Pour que le gouvernement prenne en compte les griefs exprimés et modifie sa politique ? Pour que les grévistes tiennent bon ? Pour que les pouvoirs publics tiennent bon ? Ou pour que règne l'harmonie universelle ? Tant que nos sympathies vont exclusivement « d'un côté » ou « d'un autre », nous ne nous élevons pas au-dessus du problème, l'antagonisme nous paraît bien réel et nous ne nous sentons pas proches du grand amour de Dieu. Nous sommes alors dans l'incapacité de percevoir l'unité et la perfection de Sa création.

Pour que notre prière soit efficace, nous devons donc d'abord chasser de notre pensée toute accusation systématique des personnes, ce qui implique parfois un certain effort de notre part pour abandonner des opinions partisanes très enracinées. Ce n'est pas toujours chose facile, mais à mesure que nous nous élevons en prière pour reconnaître la toute-puissance et la toute présence de Dieu, notre horizon mental s'élargit et nous commençons à accepter le fait que le tableau de paralysie et d'animosité présenté par les sens matériels n'est pas la réalité fondamentale, car il contredit l'idée d'un Créateur parfait.

L'univers est régi par une intelligence unique, l'Entendement, ou Dieu. Cet Entendement n'est pas divisé en une multiplicité d'entendements mortels indépendants aux intérêts divergents, il est un, et l'homme, bien compris, est son reflet. En guérissant les paralytiques et en ramenant même les morts à la vie, Jésus a prouvé de façon magistrale qu'aucune condition matérielle ne peut immobiliser la vie de l'homme qui reflète cet Entendement unique, Dieu.

Quand on entend parler d'activité « paralysée », de « fièvre » boursière, de « malaise » et de « fracture » sociale, il est aisé de concevoir que les vérités spirituelles qui guérissent le corps en transformant la pensée humaine s'appliquent de la même façon au « corps » de la société. Quand la situation économique et sociale est préoccupante, nous pouvons donc lutter contre l'inquiétude et le mécontentement en nous attachant, par exemple, à cette vérité de Science et Santé: « L'Entendement est la source de tout mouvement, et il n'y a pas d'inertie qui retarde ou arrête son action perpétuelle. »^{Ibid., p. 283.}

Il ressort du premier chapitre de la Genèse que Dieu était satisfait de Sa création. C'est aussi ce qu'exprime le prophète Sophonie quand il dit en parlant de Dieu: « Il aura pour toi des transports d'allégresse. » ^{Sophonie 3:17.} Le prophète fait allusion ici à l'allégresse du Créateur, dans Son amour pour Son enfant, l'homme, mais j'aime me rappeler cette belle promesse lorsque la situation des « transports » dans ma région ne semble pas particulièrement joyeuse ! Il y a quelque temps, j'ai eu la preuve que le refus de céder à la tristesse et au souci lors d'une grève des transports peut avoir des résultats immédiats.

C'était un mercredi soir d'hiver. La grève était imprévue. J'étais depuis cinq minutes sur le quai de la gare où attendaient déjà de nombreuses autres personnes. Il faisait nuit. Le vent soufflait. Je me rendais à l'église de la Science Chrétienne dont je suis membre et où je devais assurer mon service de Première Lectrice à la réunion de témoignages hebdomadaire. Un haut-parleur nous annonçait que le service ferroviaire était fortement perturbé et nous promettait de nous tenir au courant de l'arrivée des prochains trains.

Pendant une bonne partie de cette journée, j'avais étudié et prié pour améliorer ma compréhension spirituelle. Comme je m'efforçais, sur ce quai, d'appliquer à la situation présente ce que j'avais compris dans l'aprés-midi, à savoir que, Dieu gouvernant tout, Sa bonté parfaite exclut toute inharmonie, la dernière phrase du message diffusé par le haut-parleur m'a fait sourire: « Merci de votre compréhension. » Cette phrase sollicitait l'indulgence, le pardon des passagers face au dérangement qu'ils subissaient, mais je l'ai prise comme s'adressant directement à moi et à tous ceux qui priaient ce soir-là, nous remerciant, en quelque sorte, pour nos efforts de compréhension spirituelle. Il m'est apparu alors que l'œuvre divine était déjà accomplie, puisque Dieu ne cessait pas un seul instant de nous entourer de Sa sollicitude. En regardant les visages de tous ces gens qui attendaient, je me suis réjouie de savoir que nous étions tous à notre place dans l'amour de Dieu, tous, y compris les employés du chemin de fer et leurs employeurs, et que la compréhension spirituelle était l'apanage de chacun. J'ai senti alors que régnait sur ces quais et sur toute la situation une grande paix.

Quelques minutes plus tard, un train venait prendre à côté de moi tous ceux, fort nombreux, qui attendaient de rentrer chez eux, et l'instant d'après, entrait en gare, avec une minute d'avance sur l'horaire, le train qui devait m'amener en ville. J'étais à l'heure à mon poste, le cœur rempli de joie. Je sais que cela peut sembler un hasard, mais pour moi cela confirmait ce que j'avais déjà constaté dans bien des occasions, à savoir que Dieu répond à la prière lorsqu'on se tourne vers Lui en toute confiance.

Au moment même où la situation semble bloquée, les idées divines sont actives, comme elles n'ont en réalité jamais cessé de l'être. Ces idées sont le message de Dieu à la conscience humaine, le Christ que chacun peut percevoir en permanence. Elles sont actives et efficaces pour éliminer l'injustice, l'entêtement et la grogne, ainsi que le sentiment d'être prisonnier de contingences matérielles susceptibles d'empoisonner l'existence. Quand nous nous mettons à l'écoute de ces idées divines, nous sommes amenés à exprimer davantage d'intégrité, de patience, de clairvoyance, de désintéressement et nous voyons également ces qualités s'exprimer davantage chez les gouvernants et les gouvernés. Impossible ? Pas selon la Bible: « Mettez-moi de la sorte à l'épreuve, dit l'Éternel des armées. Et vous verrez si je n'ouvre pas pour vous les écluses des cieux » ^{Malachie 3: 10.} !