Nous vivons à l'heure actuelle une époque de transition. Le maintien de l'autorité et de la discipline est apparemment en régression; l'écroulement de l'ordre établi résulte souvent en une impression de vacuité, et comme l'auto-discipline n'a pas remplacé la discipline imposée, il semble parfois qu'il n'y ait pas de discipline du tout. La liberté, qui est en réalité le droit de faire ce qu'il faut plutôt que ce que l'on veut, est détournée pour devenir licence. La disparition d'une grande partie de la pratique religieuse conventionnelle n'a pas nécessairement poussé les hommes à vivre davantage ces paroles de Christ Jésus: « Le royaume de Dieu est au milieu de vous. » Luc 17:21. Il en résulte que les hommes semblent surtout obéir à leur propre ego, avec tout le déséquilibre que cela implique dans le rapport entre privilège et devoir, droits et responsabilités, prendre et donner.
Des éléments négatifs viennent aussi trop souvent occuper la place restée libre. L'anarchie politique et industrielle échappe à tout contrôle; certains petits groupes étendent leur domination de plus en plus; la haine, l'envie, la méfiance et la cupidité semblent prédominer et l'idéalisme cède devant l'opportunisme.
Assurément, dira-t-on, il s'agit là de généralités. Aujourd'hui, comme autrefois, on relève certains éléments de compassion, de sollicitude et d'idéalisme dans la structure de la société. Mais derrière les crises politiques, sociales et économiques que nous rencontrons de nos jours, n'y a-t-il pas un malaise moral plus grave ?
En termes succincts, Mary Baker Eddy décrit exactement ce qui se passe quand les anciens repères disparaissent et que les nouveaux ne sont pas encore trouvés: « Les mortels doivent émerger de cette notion de la vie matérielle comme étant tout en tout. Ils doivent briser leurs coquilles à l'aide de la Science Chrétienne, et avoir des vues plus étendues et plus élevées. Mais la pensée, détachée d'une base matérielle mais non encore instruite par la Science, peut être grisée de liberté et être ainsi en contradiction avec elle-même. » Science et Santé, p. 552. Il faut donc se poser deux questions. Tout d'abord, comment libérer la pensée du point de vue matériel sans que s'écroulent la loi et l'ordre moraux ? Et ensuite, quelle puissance, en ce qui semble être une époque de crise, pourrait arriver à endiguer le crime ?
Pour répondre à la première question, il faut déterminer la nature véritable du bouleversement actuel. Au départ, il faut savoir que rien n'a réellement lieu que le déroulement de l'Entendement. L'initiative et l'impulsion à la base de tout changement valable ne peuvent provenir que d'une seule source, l'Entendement, et l'Entendement se reflète dans l'homme et l'univers. Il n'existe pas deux univers, l'un spirituel et l'autre matériel. Ce qui apparaît au sens humain en tant qu'univers matériel n'est qu'une mauvaise représentation de la réalité spirituelle. Or, si on présume que les bouleversements de la société sont simplement dus au fait que des mortels se débarrassent de chaînes qu'ils croient leur avoir été imposées par d'autres mortels et si l'on pense que ce processus a été uniquement engagé par des efforts humains, alors l'expérience qui s'ensuit sera sujette aux imperfections des activités purement humaines, telles que dualisme, limitations, résistance et dégradation. Il est impossible de résoudre les problèmes de l'entendement humain avec les matériaux de cet entendement.
Par contre, si nous comprenons que ce qui apparaît, même faiblement perçu, est une réalité spirituelle, fondamentale, qui efface les malentendus à son-propre sujet, alors nous amènerons dans notre vie certaines qualités de l'Esprit telles que la pureté, l'intégrité et la puissance irrésistible du bien. Dans le premier cas, le bouleversement mortel d'une condition mortelle peut sembler créer un vide. Dans le second, la disparition d'un faux concept concernant un fait éternel ne peut produire un vide, mais peut seulement révéler plus clairement ce qui est déjà là. Le premier point de vue tend à détruire pour pouvoir remplacer; le second à élucider ce qui existe.
Quand la scène humaine présente des scissions, des factions, l'anarchie et la désintégration, nous ne devrions pas tender d'y porter remède sur le même niveau. Accepter une pluralité effrénée et puis viser à concilier les éléments disparates est une tâche qui ne saurait aboutir. Tout fondre en une seule unité est impossible. Si la prémisse est la « pluralité », alors c'est une erreur, et la conclusion est nécessairement fausse. C'est seulement lorsque nous comprenons l'unité de l'être que nous pouvons faire disparaître la croyance à la pluralité au point que les « ils » et les « elles » se comprennent au lieu de passer à côté les uns des autres. La réalité spirituelle fait toujours diminuer la croyance qu'il y a une alternative matérielle jusqu'à ce que l'anormal du point de vue humain cède à ce qui est désirable et normal. La vérité, c'est que le Un infini ne se méprend pas sur lui-même, il ne s'envie pas, ne se résiste pas à lui-même et il ne se soupçonne pas. Donc ces éléments ne se trouvent ni dans l'Entendement ni dans sa manifestation, l'homme.
Quant à savoir quelle puissance pourra mettre un frein au crime et aux abus, on peut trouver une réponse dans la prophétie biblique sur Juda: « Le sceptre ne s'éloignera point de Juda, ni le bâton souverain d'entre ses pieds, jusqu'à ce que vienne le Schilo, et que les peuples lui obéissent. » Gen. 49:10. Mary Baker Eddy écrit: « Le courage moral est “le lion de la tribu de Juda”, le roi du royaume mental. » Science et Santé, p. 514. Les qualités morales devront régner jusqu'à ce que, métaphoriquement, le lion habite avec l'Agneau: jusqu'à ce que le spirituel englobe totalement le moral.
Tout au long de la Bible, le courage moral est mis en exergue et l'effet qu'il produit est souvent visible dans l'expérience des hommes et des femmes. La seule valeur d' « un homme pauvre et sage » Eccl. 9:15. fut suffisante pour sauver une ville; la force morale, par opposition à la force physique, permit à David de vaincre Goliath. Aujourd'hui, comme autrefois, nous avons vu des individus et des nations, armés de sagesse et de valeur morale, résister fermement à des forces physiques formidables.
Mais à l'époque actuelle, il faut faire plus que demeurer auprès du souverain du royaume mental. Le courage moral est assurément déjà supérieur à la force physique, mais parce qu'il s'exerce encore dans le domaine de la mentalité humaine, il reste sur un plan où il y aura toujours lutte, adversaires et facteurs de hasard. La venue de Schilo, le Christ, élève l'existence jusqu'au royaume spirituel où il n'existe qu'une réalité, une loi, un royaume. Le spirituel, quant à lui, englobe le moral, de même que le plus grand inclut le plus petit. Quand le fait spirituel occupe totalement la conscience, on ne combat plus pour la vérité contre l'erreur, mais on demeure conscient de la totalité de la Vérité. Le sens moral le plus élevé l'emporte tandis que le fait spirituel transforme le tableau, transformation d'ailleurs inévitable, car ce qui est réellement toujours à l'œuvre, c'est le spirituel, en dépit de la croyance qu'il se passe quelque chose à un niveau matériellement mental.
Nul vide, nul affaiblissement de la base ne peut se produire lorsque l'existence s'élève au-dessus du domaine de l'antagonisme jusqu'au royaume où le bien indivisible constitue le véritable droit de l'homme. Le spirituel maintient ce qui est moralement nécessaire jusqu'à ce que rien d'autre que le spirituel ne demeure dans la conscience. Ces paroles de Mary Baker Eddy montrent qu'elle espérait sûrement quelque chose de plus haut que le sceptre du lion: « Satan n'est enchaîné que pour une saison, comme l'a prédit le Révélateur et, plus tempérés que le sceptre, l'amour et la bonne volonté envers les hommes sont aujourd'hui et à jamais intrônisés. » The First Church of Christ, Scientist, and Miscellany, p. 201. Bien que « la pensée, détachée d'une base matérielle mais non encore instruite par la Science » puisse s'ennivrer de liberté, la pensée totalement instruite par la Science ne peut jamais être arrachée de sa fondation spirituelle. S'efforcer d'ébranler des fondations matérielles sans avoir la compréhension que la seule base, la seule puissance, est spirituelle peut résulter en une situation bien précaire. Comprendre que tout provient de l'Entendement, en dépit des croyances contraires, permet au plus grand dans la conscience d'inclure le moindre, tout en n'abandonnant jamais un instant le seul fondement qui existe réellement. Persister dans cette voie est la tâche de l'étudiant de la Science Chrétienne. Il s'ensuivra que l'abandon de tout ce qui est étranger au royaume de Dieu s'accompagnera non de conflits mais de paix.