Les deux livres que l'on connaît à présent sous les noms d'Esdras et de Néhémie, dans les diverses versions françaises comme aussi dans la version anglaise dite du roi Jacques, ne faisaient originalement qu'un seul et même volume, datant probablement de 350 av. J.-C. ou même plus tard. Il se pourrait que l'auteur du premier et second Livre des Chroniques, souvent dénommé « le Chroniqueur », ait contribué à la révision de ces deux ouvrages.
Esdras et Néhémie, combinés avec les Livres des Chroniques, présentent l'histoire complète d'Israël et de ses traditions. Selon les experts, le mobile du Chroniqueur ne serait pas tant de présenter un récit précis et détaillé d'histoire humaine, que de mettre en valeur l'importance de la continuité démontrée par le peuple hébreu en matière de religion et de culte monothéiques.
Alors qu'il est possible qu'Esdras et Néhémie aient collaboré jusqu'à un certain point (voir Néh. 8), le milieu dont ils étaient issus et l'éducation qu'ils avaient respectivement reçue semblent différer considérablement. Esdras, essentiellement, était un prêtre dont on retint le nom pour la première partie importante de l'ouvrage; tandis que Néhémie était un laïque, faisant probablement partie de la tribu de Juda. Le peu que l'on sache sur Esdras lui-même nous est parvenu grâce aux écrits imputés à lui-même ou à Néhémie.
Issu d'une famille de grands-prêtres, Esdras est qualifié de « scribe versé dans la loi de Moïse, donnée par l'Éternel, le Dieu d'Israël » (Esdras 7:6). Il est fort possible que les mémoires ou le journal qu'il tenait aient été à la base de la partie du livre qui lui est attribuée, puisque, aussi bien, Esdras 7:27, 28, puis 8:1–32 et tout le chapitre 9 sont écrits à la première personne. D'autres passages le mentionnent à la troisième personne, constituant peut-être ainsi une variante ou un résumé du récit rapporté par le prêtre dans ses propres notes.
Tel qu'il se présente aujourd'hui, le livre d'Esdras est en trois parties. Il y a d'abord le récit du retour à Jérusalem, après leur exil en Babylone, de Scheschbatsar, « prince de Juda » (1:8) avec ses collaborateurs. Ensuite, le début des travaux — sous Zorobabel, que l'on identifie parfois à Scheschbatsar — de manière à se conformer à la proclamation de Cyrus, roi de Perse, quant à la reconstruction du temple des Juifs à Jérusalem. Cette deuxième partie du livre semble couvrir une période allant de 538 à 515 av. J.-C. Enfin, la troisième section importante de cet ouvrage, chapitres 7 à 10, relate le retour d'Esdras à Jérusalem et les réformes qu'il institue.
Le quatrième chapitre d'Esdras relate la rébellion continuelle des « ennemis de Juda et de Benjamin » (verset 1) ainsi que leur opposition au programme de reconstruction pour lequel Aggée et Zacharie unissaient leurs efforts. L'appel de ces adversaires (voir versets 7–16) en faveur d'une enquête destinée à vérifier le bien-fondé de l'ordre royal, est suivi de la confirmation du décret original édicté par Cyrus (voir 5:13) sur la nécessité de reconstruire le temple. Darius et Artaxerxès reconduisent ce décret si bien que l'entreprise se poursuit avec succès (voir 6:14).
De toute évidence, parmi les Juifs en exil à Babylone, on considère Esdras comme une des personnalités importantes; le septième chapitre montre en effet Artaxerxès (versets 11–26) remettant une lettre à Esdras, leader des Juifs en exil, lui intimant de se rendre en Palestine en compagnie de tous ces exilés désireux de rentrer chez eux, porteurs de cadeaux de grande valeur. Le chapitre suivant dépeint (8:21, 22) la probité d'Esdras et indique la foi que met en Dieu le prophète: Il protégera leur voyage et leurs trésors au cours de ce périple dont le but est de « glorifier ainsi la maison de l'Éternel à Jérusalem » (7:27).
Étant arrivé à Jérusalem, et après avoir remis les fonds destinés aux prêtres et s'être acquitté des formalités civiles à accomplir, Esdras se voit informé d'une coutume qui s'est largement propagée, savoir, les mariages ayant lieu entre les Juifs et les « peuples de ces pays » (9:1, 2) en violation du commandement que l'on relève dans le Livre du Deutéronome, chapitre 7, versets 3 et 4. Et c'est à Esdras, le scribe, qu'incombe la pénible tâche de dénoncer pareils contractés avec des idolâtres, et de contraindre les enfants d'Israël à les rompre (voir Esdras, chap. 9 et 10).
Le livre de Néhémie poursuit le récit de l'histoire qui se déroule dans premier et deuxième Livre des Chroniques et dans Esdras.
Néhémie parle de Jérusalem comme de la cité de ses pères (2:5). Il devint échanson d'Artaxerxès, roi de Perse, situation d'une grande importance parce qu'elle le mettait en contact direct avec le monarque en son palais de Suse. Son frère Hanani, récemment arrivé de Jérusalem, lui ayant fait part des problèmes assaillant cette ville — les enfants d'Israël s'y trouvaient « au comble du malheur et de l'opprobre » (1:3) — Néhémie est profondément troublé, et, après une période de jeûne et de prière, il implore l'aide de son auguste maître.
Le roi, impressionné par les instantes demandes de son échanson, lui accorde l'autorisation de se rendre à Jérusalem et de prendre la direction des travaux à entreprendre pour rebâtir la ville. L'ayant apparemment nommé gouverneur de Juda, il lui donne l'assurance qu'il pourra disposer de tout ce qui s'avérera nécessaire en vue de bâtir et de reconstruire (voir Néh. 2:8).
Dès son arrivée à Jérusalem en 445 av. J.-C., Néhémie trouve l'ample confirmation des conditions déplorables qu'Hanani, son frère, et ses compagnons lui avaient signalées. Dans l'espace de trois jours, il se livre personnellement à une inspection de l'état des choses; il fait cela sous le couvert de la nuit, secrètement, accompagné seulement de quelques hommes de confiance. Et il trouve en effet les murailles en ruines et les portes consumées par le feu (voir 2:11–16).
A peine Néhémie a-t-il rejoint la capitale qu'il apprend de quelle nature sont les principaux problèmes qu'il va affronter: le doute, la haine et la jalousie. Sanballat le Horonite (un Samaritain), Tobija l'Ammonite et d'autres qui s'étaient depuis longtemps opposés aux efforts de la communauté juive et les avaient tournés en dérision, avaient été dûment informés de l'arrivée de Néhémie et s'en trouvaient extrêmement ennuyés (voir versets 9 et 10).
Pleinement conscient de l'opposition à laquelle lui-même et ses compatriotes ont à présent à faire face, Néhémie se met bravement et énergiquement au travail, déclarant: « Le Dieu des cieux nous donnera le succès. Nous, ses serviteurs, nous nous lèverons et nous bâtirons » (verset 20). Et il en fut bien ainsi, car « le peuple prit à cœur ce travail » (4:6) et, de fait, il travailla, pratiquement nuit et jour. Remarquablement en bon ordre et avec diligence, ils poursuivent la reconstruction des murailles (voir chap. 3), veillant l'arme à la main de manière à résister à toute attaque des Samaritains ou de quelque autre ennemi (voir 4:17, 18). Et finalement la muraille de Jérusalem est terminée, dans le temps incroyablement court de 52 jours (voir 6:15) — monument vivant et durable, célébrant le leadership, le courage et la persévérance de Néhémie face à la moquerie, la sournoiserie et aux attaques ouvertes de ses ennemis. L'un d'entre eux, Tobija, selon les propres paroles de Néhémie « envoyait des lettres pour m'effrayer » (verset 19), mais la crainte n'aurait su le décourager, car comme il le relate au sujet même de ses ennemis, ils « reconnurent que l'œuvre s'était accomplie par la volonté de notre Dieu » (verset 16).
Au chapitre 7, après que Néhémie a désigné son frère Hanani et le fidèle Hanania en qualité de chefs de Jérusalem (voir verset 2), on voit apparaître un registre rempli des noms des exilés revenus de captivité.
Les chapitres 8, 9 et 10 dépeignent Esdras lisant la Loi devant tout le peuple assemblé qui en approuve. Qu'ils soient ainsi dûment à leur place ou non, alors que l'œuvre de Néhémie atteint son apogée, ces chapitres contiennent un message d'importance. Ils représentent la confirmation du fait que la Bible est bien le livre du peuple, le début du judaïsme moderne et le rétablissement de la Loi hébraïque.
Ayant fait un séjour ou une visite à la cour du roi de Perse, Néhémie s'en retourne à Jérusalem. Le chapitre 13 relate les nombreuses réformes qu'il jugea nécessaire d'instituer afin de soutenir la cause de son temple bien-aimé.
Et ce leader patriote et intelligent met un point final à son livre avec ces paroles caractéristiques: « Souviens-toi favorablement de moi, ô mon Dieu ! »
