Quand l'auteur de cet article avait douze ou treize ans, il débuta comme apprenti imprimeur sous la surveillance de son père, contremaître au franc-parler particulièrement exigeant envers lui. Il n'oubliera jamais ce conseil que son père lui donna un jour: « Fils, dit-il, ne te mêle jamais de ce que fait à tes côtés ton compagnon; assure-toi que ce que tu fais est juste et que tu t'y appliques sans relâche. » Au cours des ans, l'auteur en a vu la valeur inestimable à plus d'une reprise.
Combien de fois nous sommes tentés, dans notre vie journalière, de juger les actions d'un camarade de travail ! Si nous pensons qu'il n'en fait pas autant qu'il devrait, sommes-nous enclins à le critiquer et peut-être à réduire, par propre justification, notre rendement ?
L'auteur se trouvait une fois aux côtés d'un ouvrier de quelques années plus âgé que lui. Considérant la production journalière de son collègue, l'auteur se disait qu'elle était bien faible et la sienne bien plus considérable. Il admit cette pensée quelque temps sans la corriger et peu de mois après, ayant terminé son travail quotidien, il s'aperçut que sa production journalière avait été très faible. Il nota que son collègue avait été très affairé. Le conseil paternel mentionné au début de cet article lui revint vivement à l'esprit.
Alors, à la lumière de la Science Chrétienne, il vit l'erreur pour ce qu'elle était: non une personne, mais une prétention d'apathie, de paresse, d'indifférence, de fatigue, etc., prétendant s'attacher à lui ou à son collègue. Depuis lors, il a promptement manié le faux concept de son prochain, et de lui-même, en le remplaçant par la vérité, à savoir que l'idée de Dieu est toujours active, alerte, compétente, et qu'elle collabore. Et, puisqu'elles sont le don de Dieu, ces qualités ne caractérisent pas seulement un ou deux individus, mais sont vraies en réalité de chacun.
Avec quelle sagesse Christ Jésus conseilla Pierre inquiet du destin d'un autre apôtre: « Si je veux qu'il demeure jusqu'à ce que je vienne, que t'importe? Toi, suis-moi » (Jean 21:22). Nous devrions appliquer ce conseil à nous-mêmes chaque fois que nous sommes inquiets de ce qui ne nous concerne pas vraiment.
Qu'est-ce qui nous représente, en effet, notre compagnon de travail comme malade ou en bonne santé, riche ou pauvre, paresseux ou industrieux, compétent ou incompétent ? N'est-ce pas le modèle que nous conservons dans la pensée à son sujet ?
Mrs. Eddy écrit dans Science et Santé (p. 248): « Le sculpteur tourne ses regards du marbre vers son modèle afin de perfectionner sa conception. Nous sommes tous des sculpteurs, et travaillons à des formes diverses, modelant et ciselant la pensée. Quel modèle l'entendement mortel a-t-il devant lui ? Estce l'imperfection, la joie, la peine, le péché, la souffrance ? Avez-vous accepté le modèle mortel ? Le reproduisez-vous ? Alors vous êtes hantés dans votre travail par des sculpteurs vicieux et des formes hideuses. N'entendez-vous pas de tous les côtés parler du modèle imparfait ? » Elle ajoute plus loin: « Il nous faut former des modèles parfaits dans la pensée et les contempler constamment, autrement nous ne les reproduirons jamais dans des vies sublimes et nobles. »
Acceptons donc le vrai modèle, le modèle spirituel et parfait, en pensant à notre prochain et à nous-mêmes. La Science Chrétienne enseigne que l'homme est la réflexion de l'Entendement; il est toujours intelligent, obéissant et infatigable. Il reflète la pureté, l'harmonie, la joie de l'Ame, la véracité et l'intégrité du Principe, la sagesse et la vigilance de l'Entendement, la vigueur et l'éternité de la Vie, le dévouement désintéressé et la tendresse de l'Amour, l'activité et l'intrépidité de la Vérité, la présence et la force de l'Esprit.
Quelle est donc la responsabilité du travailleur à l'égard de son semblable ? N'est-ce pas, à la lumière de la Science Chrétienne, de maintenir constamment dans la pensée le modèle parfait de son prochain et de lui-même ? N'est-ce pas sa responsabilité de démontrer l'activité véritable en exécutant son travail au mieux de ses capacités ? Ne doit-il pas agir ainsi sans relâche ? Sa journée achevée, il ferait bien de se demander: « M'engageraisje moi-même comme employé, si j'avais à payer les salaires ? »
L'employeur de même a l'obligation entière et permanente de refléter les qualités de Dieu dans ses rapports avec ses employés, car sa compréhension l'aidera à apporter le bonheur non seulement à ses subordonnés, mais indirectement à familles.
Le travailleur doit aussi réaliser que les qualités chrétiennes qu'il s'efforce d'exprimer dérivent de Dieu et sont inépuisables, et que de lui-même il n'accomplit rien sans Dieu. Que ces paroles de notre livre d'étude, Science et Santé (p. 387), sont réconfortantes et vraies: « Qui osera dire que l'Entendement réel peut être surmené ? Lorsque nous touchons aux limites de l'endurance mentale, nous en concluons que le travail intellectuel a été poussé assez loin; mais quand nous réalisons que l'Entendement immortel est toujours actif, que les énergies spirituelles ne peuvent jamais s'user, et que la soi-disant loi matérielle ne peut empiéter sur les pouvoirs et les ressources que Dieu a donnés, nous pouvons nous reposer dans la Vérité, fortifiés par l'assurance de l'immortalité, le contraire de la mortalité. »
Accomplissons donc notre devoir envers notre travail et voyons chaque jour notre collègue, non comme un mortel, mais plutôt comme l'image et la ressemblance spirituelle de Dieu, l'homme qu'il est réellement.