Dans le premier livre des Rois, au chapitre 19, se trouve une des plus sérieuses mises en garde contre les erreurs du sens personnel et de la pitié égotiste; ce texte nous apprend qu'Élie, après avoir anéanti au Carmel les faux prophètes de Baal, reçut de Jézabel un message empreint de haine, qui semblait mettre sa vie en péril.
Ce prophète inspiré, qui par sa compréhension de Dieu avait détruit l'idolâtrie largement répandue en Israël et mis fin à une terrible sécheresse, se déroba et rendit presque les armes lorsqu'une reine sans scrupule parla de se venger. Il « partit pour sauver sa vie, » nous dit la Bible, et « fit dans le désert une journée de chemin; puis il alla s'asseoir sous un genêt, et il demanda la mort... car, » ajouta-t-il, « je ne vaux pas mieux que mes pères. »
Le découragement du prophète est dépeint de la façon la plus frappante. La journée de chemin, le désert, le genêt, la prière où se marque son envie de mourir, le peu de cas qu'il fait de lui-même — chacun de ces détails rend le tableau plus pathétique et plus poignant.
Quel contraste avec le prophète d'Israël, l'homme de Dieu, debout sur la montagne lorsque le feu de l'Éternel descendit et consuma le sacrifice! Élie ce jour-là était vraiment un homme de Dieu, ayant la maîtrise, manifestant la sagesse et la force spirituelles. Pour lui le nombre des faux prophètes n'avait aucune importance, qu'il y en eût un seul ou quatre cent cinquante. Tous les faux concepts de Dieu et de l'homme disparurent devant la majesté visible de l'Éternel.
Pourquoi, demandera-t-on, ce même prophète en vint-il à faire une journée de chemin dans le désert, à être presque anéanti par la pitié égotiste et le dénigrement de soi-même, lorsqu'il était couché sous un genêt? Un passage de Miscellaneous Writings, par Mary Baker Eddy, pourrait servir de réponse à cette question. Notre Leader écrit (pp. 280, 281): « Quelquefois les portes du magnétisme animal s'ouvrent toutes grandes à l'instant même où vous allez recueillir le fruit de vos labeurs et avec une ambition louable, entonner des chants de triomphe. »
Voilà qui ressemble beaucoup à la situation dans laquelle se trouvait Élie. Le magnétisme animal s'était introduit dans la pensée du prophète, pour lui suggérer un raisonnement de ce genre: « J'ai remporté une grande victoire sur l'idolâtrie. Pourquoi faut-il que je sois immédiatement attaqué par une reine perverse? » La destruction des faux prophètes avait peut-être été considérée par lui comme un triomphe personnel, tandis que tout pouvoir appartient à Dieu, au Législateur divin. D'autre part, il est possible que le prophète pensait pouvoir se détendre et relâcher ses efforts après avoir détruit l'idolâtrie sur la montagne de Carmel.
Quelle que fût l'erreur du prophète, une chose est certaine: il n'eut pas soin de réaliser l'inséparable union de l'homme et de Dieu, ni le calme, la paix dont s'accompagne toujours la présence divine. Faisant une journée de chemin dans le désert, il s'assit sous un arbre et pria Dieu de le faire mourir — Dieu qui est la Vie! Cette pitié égotiste, ce dénigrement de soi-même étaient sans doute absurdes; mais ne nous sommes-nous pas tous quelquefois apitoyés sur nous-mêmes? N'avons-nous pas cédé au mesmérisme du sens personnel agissant par les insidieuses suggestions du magnétisme animal? Il est arrivé qu'un Scientiste Chrétien aux prises avec un problème dise à une autre personne: « Pourquoi suis-je dans cet état? Pourquoi ce problème se présente-t-il? J'ai prouvé le pouvoir de Dieu par des guérisons instantanées; j'ai aidé mon prochain à trouver en Science Chrétienne le Christ guérisseur. Je remplis fidèlement ma tâche. Pourquoi faut-il que j'aie un problème? »
Si l'un de nos lecteurs raisonne ainsi, qu'il prenne sa Bible, l'ouvre au chapitre 19 de I Rois, et scrute les instructions données par Dieu à Élie, qui s'était endormi sous un genêt. Le texte dit: « Un ange le toucha. » Une intuition spirituelle entra dans sa conscience et le réveilla, le fit sortir de l'apathie ou de la pitié égotiste. Ce message angélique lui commanda de se lever et de manger. Ouvrant les yeux, le prophète vit un gâteau et une cruche d'eau; il mangea, il but, puis « il se recoucha. »
Une seconde fois le messager angélique lui dit: « Lève-toi, mange! » Élie devait se nourrir spirituellement, manger le pain de Vie, boire de l'eau vive, et retrouver ainsi la compréhension qu'il avait oubliée lorsqu'il s'était endormi sous un genêt, au désert. Grâce à l'obéissance il eut la victoire. Sa compréhension spirituelle s'étant fortifiée, il poursuivit son voyage et « avec la force que lui donna ce repas, il marcha pendant quarante jours et quarante nuits, jusqu'au mont Horeb, la montagne de Dieu. »
N'est-ce pas l'exemple d'Élie qu'il nous faut suivre si jamais nous semblons être victimes du sens personnel, oubliant ainsi l'harmonie céleste? Un ange est toujours proche pour nous éveiller de la torpeur, du rêve adamique où prévaut le sens personnel qui maintes fois voudrait nous conduire dans le désert de l'innocence persécutée.
Ayons soin d'obéir à l'ange qui nous ordonne de nous lever et de manger. Nous avons nos livres de texte, la Bible et Science et Santé avec la Clef des Écritures, par Mrs. Eddy. Ces ouvrages contiennent le pain de la Vérité et l'eau de la Vie. Ils révèlent le Christ, la Vérité qui nous soutient, qui nous éclaire, qui ressuscitera notre compréhension et dissipera nos craintes. Pas à pas le disciple est conduit sur la route menant des sens à l'Ame, de la crainte à la confiance, de la maladie à la santé. Même si nous logeons dans la caverne de la corporéité, au commandement de Dieu nous pourrons nous tenir sur la montagne; quand le vent sera déchaîné, quand viendra le tremblement de terre puis le feu, nous aurons l'assurance que l'Éternel n'est point dans ces choses-là, mais dans le « murmure doux et subtil. » Cette voix douce se fait entendre lorsqu'on fait taire le sens personnel. Il faut reconnaître la nature du magnétisme animal: c'est une illusion prétendant avoir de l'autorité, mais qui n'a vraiment aucune puissance.
Si nous sommes prêts à manier le magnétisme animal, le sens personnel, la pitié égotiste, pour écouter la voix de Dieu, nous quitterons bientôt le désert, et comme Élie, nous récolterons les fruits du service fidèle, du dévouement envers Dieu et l'humanité. L'Éternel fit voir au prophète que sept mille hommes n'avaient point fléchi les genoux devant Baal. En outre Il lui envoya Élisée, sur lequel devait tomber plus tard le manteau de la prophétie. Cet événement eut lieu lorsque Élie fut monté sur les hauteurs de l'illumination spirituelle où le transportèrent « un char de feu et des chevaux de feu » (II Rois 2:11) — symboles des intuitions spirituelles élevant jusque dans le royaume des cieux la conscience éclairée, ici même et dès maintenant.