Un nourrisson qui joue tout près d'un serpent venimeux; un petit enfant qui conduit des bêtes sauvages en même temps que des animaux domestiques — ne serait-ce pas de quoi surprendre au plus haut degré le spectateur ordinaire? Tel est néanmoins le tableau prophétique que nous trace Ésaïe touchant les jours où la compréhension de la Vérité sera devenue universelle. Mais quel pouvoir empêchera la morsure du serpent et maîtrisera les crocs et les griffes des animaux? Il faut autre chose que les armes ou la force purement physique pour accomplir la vision prophétique de temps où toutes les créatures animées vivront dans une harmonie parfaite.
Il est évident que les créatures seraient inoffensives si elles n'étaient pas influencées par des instincts charnels ou bestiaux. Le venin du serpent, la férocité du lion, prennent leur source dans l'entendement charnel — dans des impulsions telles que la force de volonté et l'animalité. A la base de l'acte d'un mortel qui frappe ou tue son prochain se trouvent des forces mentales hypothétiques, la crainte, l'instinct de la conservation et leurs effets: haine, envie, colère. La nature mentale de l'animalité incite à l'action qui empoisonne ou dévore. Dans The People's Idea of God (p. 10), Mary Baker Eddy déclare: « La pensée est l'essence d'un acte; c'est l'élément le plus fort de l'action. » Ainsi la véritable sécurité consiste non point à combattre ou à tuer les mortels et les animaux, mais à dissoudre l'essence désignée sous le nom d'animalité: le monde, la chair et le démon.
C'est par conséquent dans le domaine mental que nous affronterons d'une manière efficace et fondamentale les prétendues forces de l'entendement charnel. Pour vaincre la nature animale, il s'agit moins de lutter contre ses phénomènes que d'employer des moyens spirituels. Peut-on douter que la nature divine soit suprême et domine l'animalité? En face de la compréhension spirituelle, la force brutale ignorante est bien peu de chose! La sagesse, la bonté, la sainteté sont-elles à la merci d'une volonté aveugle, impétueuse? Non! L'essence du pur Entendement, la spiritualité qui vivifie la pensée, peuvent à coup sûr éteindre tous les éléments sensuels de la nature charnelle. La sincérité, la tendresse, la force morale, sont parmi les essences mentales de la Science divine; c'est l'idée innocente qui conduit avec douceur l'entendement réceptif plus haut que les éléments inférieurs de la nature humaine.
Comme il est naturel que l'essence rédemptrice de l'Amour maîtrise les mauvaises pensées et les empêche de s'exprimer par des actes! En prophétisant la venue de l'idée-Christ sur laquelle devait reposer l'esprit de sagesse ou d'intelligence et dont la justice et la fidélité devaient être la ceinture, Ésaïe déclarait: « Il frappera la terre du sceptre de sa parole et, du souffle de ses lèvres, il fera périr le méchant. » Certes l'inspiration divine, l'essence de la Vérité, atteignant la conscience humaine par la spiritualisation de la pensée, neutralise les éléments charnels qui voudraient anéantir tout ce qui est pur et saint. Dans Unity of Good (p. 39), notre Leader écrit: « La convoitise de la chair et l'orgueil de la vie physique doivent s'anéantir dans l'essence divine,— cet Amour omnipotent qui détruit la haine, cette Vie qui ne connaît point la mort. »
Le monde n'a guère compris la pensée spirituelle, essence du pouvoir et de l'action. Au fait, les forces spirituelles telles que l'humilité et la douceur ont été tenues pour transcendantales, inefficaces. Présenter l'autre joue à celui qui vous frappe, donner sa vie pour son prochain, voilà ce que les humains ont envisagé comme une attitude passive et trop soumise. Pourtant c'est l'essence suprême de l'Amour qui démontre la protection et la délivrance par le christianisme scientifique.
Lorsqu'avec les éléments vindicatifs de la nature humaine, Pierre qui voulait défendre son Maître frappa un serviteur et lui emporta l'oreille droite, n'était-ce pas la puissante essence de l'humilité et de l'abnégation qui permit au Christ Jésus de guérir cet homme? Les éléments agressifs de la vie physique cèdent à l'influence adoucissante de la nature divine. Le ressentiment, l'obstination, l'opiniâtreté se fondent; les crocs et les griffes de l'animalité lâchent prise; l'essence mentale qui blesse ou répand son poison se dissout. Certes, lorsque l'essence de l'Esprit touche la mentalité humaine, ce contact curatif neutralise l'erreur d'une manière spécifique et dynamique. Le penser spirituellement animé constitue en soi un argument qui n'a pas besoin de paroles: c'est la nature même de l'Amour détruisant l'erreur. Les choses de l'Esprit sont humbles et douces; bien qu'elles confondent les sages, elles sont douées de force et de puissance. Le disciple qui doit affronter les instincts animaux de l'entendement charnel n'a pas lieu de craindre pourvu qu'il absorbe l'essence de la piété.
Daniel avait passé toute une nuit dans la fosse aux lions sans être atteint; et il expliqua son immunité en déclarant que les anges avaient fermé la gueule des lions, parce que lui-même était innocent et n'avait commis aucun mal. L'essence angélique — la pensée spirituelle due aux prières renouvelées trois fois par jour — fut beaucoup plus forte que les éléments d'animalité et de haine auxquels il devait faire face. Comme le cœur de Daniel ne contenait aucun ressentiment et que l'erreur n'y réveillait aucun écho, le prophète n'était nullement en rapport avec les forces destructives de l'animalité. Il ne chercha point à se justifier vis-à-vis du roi, à démasquer les actions iniques de ses persécuteurs; il s'abstint également de déférer ses ennemis à la justice humaine. Pour lui, il s'agissait sans doute non pas tant d'affronter les lions sans être atteint, que de démontrer le pouvoir de Dieu. Aussi la pensée angélique, essence de la piété, ferma-t-elle la gueule des lions; en outre, la déloyauté, l'envie et la jalousie de ceux qui avaient tramé la perte de Daniel furent réduites à l'impuissance. Les cruels instincts de ses ennemis s'apparentaient à l'animalité rapace des lions. Rien d'étonnant donc si ces hommes, loin de pouvoir maîtriser les fauves, devinrent leur proie dès qu'ils furent jetés dans la fosse. Ce qui protégea merveilleusement Daniel contre les machinations perverses de ses ennemis, c'était non pas les armes ou la force physique, mais l'essence puissante de la justice et de l'innocence.
Les conditions actuelles du monde semblent indiquer que figurativement, des bêtes sauvages ont été lâchées dans le domaine mental. Les éléments inférieurs de la nature humaine font rage dans la vie sociale, politique et nationale. L'ambition effrénée, l'improbité, la perfidie, les habitudes et les appétits dégradants, l'usage du tabac, de l'alcool, des narcotiques — toutes ces choses, comme des loups ravisseurs, attaquent la moralité et les idéals de la race humaine. S'il était possible, ces croyances animales insidieuses empoisonneraient le caractère, lui enlèveraient sa beauté et sa douceur, anéantiraient les nobles desseins et détruiraient les normes de la moralité. Cependant aucune de ces séductions dégradantes n'appartient à la vraie nature de l'homme ou de la femme; ce sont les inoculations du sensualisme, du mercantilisme et du magnétisme qui voudraient corrompre les nobles tendances de l'humanité.
Comment l'innocent jeune homme peut-il se protéger au seuil d'un monde où règne le matérialisme? Malgré sa pureté native, l'adolescent est parfois trop crédule. S'il se laisse infecter par l'esprit du monde, il s'expose à être la victime des tentations. Accepter au sujet de certaines tendances mauvaises la suggestion que « chacun le fait, » indique une mentalité malléable qui ne se rend pas compte des pièges subtils et des mensonges du serpent.
Elle est bien opportune cette exhortation de notre Leader concernant au moins l'une des faiblesses charnelles qui s'étalent aujourd'hui (Miscellaneous Writings, p. 240): « S'ils [les enfants] voient leur père la cigarette à la bouche — suggérez-leur que l'habitude de fumer n'est pas recommandable, et qu'une vilaine larve est la seule créature qui mâche naturellement du tabac. De même dites-leur posément que la fumerie fait perdre la tête, ou tout au moins enlève au corps quelque chose de doux et de naturel,— savoir le parfum de la propreté. » Même s'il n'accueille pas toujours avec joie les préceptes moraux, l'adolescent dont la pensée est exempte des croyances fixes qui entravent parfois ses aînés se montre naturellement sensible à la pure essence de l'Amour et à la simplicité de la Vérité. Au fait, si l'essence divine touche déjà sa conscience, l'aspic ou les animaux sauvages de la pensée mortelle pourront se présenter à lui sans nuire à la pureté de son caractère.
Ce qui est sans doute bien nécessaire aujourd'hui, c'est l'assimilation plus complète de la nature divine; mais comment y parviendrons-nous? Dans le tendre effleurement de l'Amour que nous apporte la communion avec Dieu, n'absorbons-nous pas les éléments mêmes de la spiritualité? En faisant taire les sens matériels, en méditant avec consécration les choses de la vie spirituelle, nous pensons plus loin que la conscience corporelle; alors la nature de l'Amour se communique à nous, la bonté et la sainteté entrent à flots; et nous recevons les idées spirituelles, les éléments du divin caractère qui purifient, sanctifient, délivrent et guérissent.
De plus, quand la matérialité et l'orgueil de la vie physique, quand les tendances mondaines et les appétits sont broyés par des épreuves purificatrices, nous nous tournons vers Dieu pour nous assimiler la nature de l'Amour. Lorsqu'il a l'impression d'être absolument faible et seul, l'entendement humain trouve plus facile d'abandonner son propre instinct de conservation pour s'appuyer sur la protection spirituelle. Alors dans sa simplicité native, la pensée commence à vibrer au contact de tout ce qui est pur et bon. Si la conscience est pénétrée de l'amour du Christ, les pensées, les paroles et les actes exhalent la vertu angélique et protectrice du caractère divin. Dans le cabinet de la prière, dans la fosse aux lions, le gouffre du danger, plutôt que dans des situations conférant un pouvoir terrestre ou la satisfaction des désirs humains, nous échangeons les éléments animaux de la nature humaine contre l'essence spirituelle de la Science divine.
Lorsqu'il doit affronter les éléments volontaires ou agressifs de l'entendement charnel, le Scientiste Chrétien s'efforce d'en neutraliser l'influence par les qualités de la nature divine. Il apprend que pour manier scientifiquement le magnétisme animal, il s'agit non pas de traiter des personnes ou des situations, mais de conquérir ce qui dans sa propre conscience croit à l'erreur ou y répond. S'il s'aperçoit que la colère ou le ressentiment s'eveillent, il cherche à les dissoudre en spiritualisant sa pensée; il ne se préoccupe pas des personnes qui ont suscité ces réactions. Peut-on traiter le magnétisme animal d'une manière plus spécifique et plus directe que celle-ci: en dissoudre sans combat l'essence mauvaise avant que l'intention maligne qui pousse à mentir, à commettre un meurtre, ait pu se traduire par des actes?
Dans Science et Santé (p. 234), Mrs. Eddy déclare au sujet de Jésus: « Il attachait beaucoup d'importance à cette action de l'entendement humain, qui est invisible aux sens. » Il importe donc vitalement de pénétrer la pensée mortelle jusque dans ses recoins et de veiller à ce que ce soit la pureté, l'amour, la sagesse, la compréhension, qui constituent l'essence de notre mentalité. Pour neutraliser le magnétisme de la crainte et des croyances agressives de l'entendement charnel, la simple assertion ou déclaration que le mal n'existe pas ne saurait suffire: le Scientiste Chrétien doit atteindre à la spiritualité. Lorsqu'il renonce à lui-même pour s'attacher à Dieu, la bonté anime ses pensées; or la pensée, qui est « l'élément le plus fort de l'action, » lui permet de maîtriser toutes les circonstances; dès lors sa joie et sa liberté sont inattaquables. Ainsi sa vie même — la vertu spirituelle de sa conscience — manie d'une façon parfaite le magnétisme animal. La pensée que pénètre l'amour spirituel est invulnérable au matérialisme; c'est la loi de l'Esprit qui révoque les lois hypothétiques de l'animalité. Les passions, les appétits, l'impureté— aucun de ces éléments ne peut résister à la vraie nature de l'homme, à l'essence de la sainteté qui met fin au mal.
Doucement la Science divine fait pénétrer dans la conscience humaine le souffle de la divinité, l'inspiration de la nature du Christ, qui sauve le monde et prouve l'irréalité des croyances agressives ou perverses prétendant diriger les mortels et les animaux. A mesure que le penser universel s'imprégnera de cette spiritualité qui est l'essence de l'amour fraternel, un monde nouveau paraîtra pour la compréhension humaine, une vie nouvelle sera ressentie. Aucun mortel n'est plongé dans l'erreur à tel point que sa pensée ne puisse être transformée par la réflexion individuelle de la nature divine; même si elle rampe dans l'abjection de l'animalité, elle est capable d'en sortir pour arriver jusqu'aux plus hautes cimes du pur Entendement. Grâce à l'essence du penser spirituel, le disciple peut quitter la conscience corporelle pour parvenir à l'être scientifique qui ne comporte ni animalité, ni pensée charnelle — rien de nuisible ou de destructif.
Là, dans cette conscience spirituelle qui surpasse de beaucoup toutes les croyances charnelles, les peuples poseront non seulement leurs armes, mais leur nature raciale ou guerroyante; et l'on démontrera les éléments primordiaux de ce qui constitue véritablement l'homme, s'harmonisant avec toute la création. Dejà s'efface la marque de la bête, et la jeune idée de la Science divine conduit toutes les nations dans le royaume du Christ, où l'Amour omniprésent règne sur tous.