L'expérience racontée ci-dessous m'ayant été très précieuse j'en fais part au champ dans l'espoir qu'elle le sera également à quelqu'un d'autre. J'ai quitté l'Allemagne pour venir dans ce pays il y a bien des années, et, dès le début de la guerre, je dus faire bien attention à ma manière de penser, surtout étant donné qu'à ce moment-là je me trouvais dans une famille allemande. Pour commencer cela ne me fut pas difficile; des passages des écrits de Mrs. Eddy me venaient à point pour clarifier mes pensées bouleversées. Depuis quelque temps je m'étais abonnée à The Christian Science Monitor et je le lisais avec plaisir, mais je m'aperçus bientôt que l'attitude du Monitor n'était pas ce que j'aurais appelé neutre. Cependant, l'expérience m'avait apprise à bien réfléchir avant de former des opinions, et ma loyauté envers les fidèles travailleurs à Boston m'imposait le devoir de ne pas les critiquer, cependant je dois avouer que j'évitai soigneusement de lire certains articles croyant pouvoir ainsi me préserver de la confusion.
Cet état de choses dura pendant des mois, il dura en effet, jusqu'au moment où ce pays déclara la guerre;—alors un soir j'ouvris le Monitor et là je vis les paroles de Mrs. Eddy tirées de son livre (Poems, p. 11):
Grande Bretagne courageuse, Amérique bénie!
Unissez votre plan de bataille.
J'en fus ahurie pendant quelques secondes. La première pensée qui me vint fut celle-ci: Dois-je renoncer au Monitor afin de préserver ma tranquillité d'esprit? Mais, ainsi que nous le dit notre Guide à la page 353 de Miscellany: "L'objet du Monitor est de ne nuire à personne, mais de bénir toute l'humanité." Je vis qu'il y avait dans ma pensée quelque chose de très erroné, et là, debout,—je ne saurais dire pour combien de temps,—je luttai pour gagner ma liberté. Ce fut comme si un véritable feu croisé s'était déchaîné en moi, mais peu à peu les pensées suivantes me vinrent clairement: Qu'est-ce qui m'a amenée dans ce pays? Il est évident que c'est le désir ardent de quelque chose que mon vieux pays ne pouvait m'offrir, et je me suis bien rendue compte depuis lors qu'il en est ainsi. Je suis venue de mon propre gré, j'ai trouvé ici ce que je désirais,—un home, des amis; je jouis de la protection de ce gouvernement. J'aime ce pays, et bien que je sois retournée plusieurs fois en Allemagne, je n'ai pas éprouvé le désir d'y rester, et plus que toute autre chose, j'ai trouvé ici mon Dieu, ma vraie demeure! Ces raisonnements m'établirent sur une base solide, et j'affrontai ensuite les pensées agressives, les suggestions qui prétendaient me dominer en raison de ma nationalité allemande. Alors la section 6 intitulée "Vigilance à l'égard du devoir" de l'Article VIII du Church Manual vint à mon aide; elle me rappela que mon premier devoir est envers Dieu. Cette pensée me délivra du mesmérisme, et ma pensée céda à l'influence divine.
Instantanément la lumière se fit dans mes sens troublés. Je vis que l'Amour divin m'avait guidée en m'amenant à ce pays où je suis libre de suivre la direction du Principe et d'être plus utile à ma mère qui est en Allemagne que je n'aurais pu l'être en restant auprès d'elle. Je vis ensuite quel était mon devoir envers notre Guide et envers toute l'humanité. Le Monitor avait adhéré loyalement à la pensée de notre Guide bien-aimée, et par ses articles il avait montré le chemin à ceux qui avaient consenti à ce qu'il leur ouvre les yeux, leur apprenant à distinguer entre ce qui est bon et ce qui est mauvais, et marchant lui-même en tête. La bataille était gagnée. Le véritable idéal spirituel—qui se range, coûte que coûte, du côté du bien—m'avait été révélé. Je me vis en tant qu'enfant de Dieu, l'objet de Sa tendre solicitude.
La semaine suivante la Leçon-Sermon commença avec la citation Biblique tirée du livre des Nombres où Moïse posa la question suivante aux enfants d'Israël: "Vos frères iront-ils à la guerre, tandis que vous, vous demeurerez ici?" La réponse me montra que les États-Unis avaient eu raison de participer à la guerre. Après avoir gagné pour moi personnellement cette tranquillité d'esprit, je me demandai comment en faire part à d'autres, étant donné qu'un sentiment hostile s'était répandu dans la ville que j'habitai à la suite de paroles lancées par des parleurs imprudents; alors la pensée me vint de raconter cette expérience à la réunion du mercredi soir; c'est ce que je fis, et la récompense fut grande. Nous lisons dans l'évangile de Marc que les disciples de Jésus vinrent le trouver et lui dirent: "Voici, ta mère et tes frères sont là dehors, qui te cherchent. Mais il répondit: Qui est ma mère, et qui sont mes frères? Et, jetant les yeux sur ceux qui étaient assis tout autour de lui, il dit: Voilà ma mère et mes frères! Quiconque fait la volonté de Dieu, celui-là est mon frère et ma sœur et ma mère." Je regardai autour de moi dans notre petite salle de réunion, je vis ceux auxquels l'Amour divin m'avait unie par des liens, plus solides que des liens de famille, et je sentis la paix qui surpasse toute intelligence. Depuis lors The Christian Science Monitor est devenu mon moniteur, bien qu'il ne le soit pas pour moi seule, et je l'accueille plus cordialement et l'apprécie plus que jamais auparavant. Il me prouve que nous ne pouvons démontrer que ce que nous comprenons.
    