D'aucuns croient peut-être que si Paul avait vécu en l'an de notre Seigneur 1918, il n'écrirait pas avec la même conviction que nous avons "en toute chose, tout ce qui est nécessaire." Du point de vue humain il paraîtrait que non seulement il y a un manque très évident de tous les conforts et de toutes les commodités de la vie, dû actuellement à l'étrange situation dans laquelle le monde se trouve, mais encore que beaucoup des choses qui ont été considérées comme absolument nécessaires risquent d'arriver au point où elles disparaîtront complètement. Cependant si Paul était aujourd'hui sur la terre, nous n'avons pas lieu de penser, à en juger d'après notre connaissance de l'intrépide guerrier Chrétien, qu'il eût modifié le moins du monde son énoncé, car celui qui écrivit cette merveilleuse lettre à l'église de Corinthe avait déjà prouvé en passant par le naufrage, en endurant les coups, en étant lapidé, en endurant la faim, la soif, le froid et la nudité, que la suffisance à laquelle il fit allusion et qui lui permit d'endurer toutes ces choses était cette abondance spirituelle d'idées vraies qui constitue l'être réel de l'homme.
La difficulté consiste aujourd'hui, comme au temps de Paul, en ceci: qu'un monde endormi au sujet de la réalité spirituelle persiste à qualifier à tort l'homme, d'être matériel, ayant des besoins matériels auxquels seule la matière peut subvenir. Il s'ensuit de ces fausses prémisses que, lorsque les choses matérielles viennent à manquer, la provision des hommes cesse en même temps; et c'est bien là la croyance actuelle du monde. On en entend tellement parler de tous les côtés que même ceux qui étudient la Science Chrétienne se sentent parfois influencés à tel point par cette atmosphère mentale surchargée, qu'ils acceptent cette fausse conclusion, et en souffrent les conséquences pénibles. L'homme est purement spirituel, et il s'ensuit tout naturellement qu'il vit par et dans l'Esprit, non par et dans la matière.
Mais on se demandera peut-être comment cet enseignement peut s'appliquer pratiquement à un problème actuel? Si par exemple notre provision de charbon venait à manquer, la compréhension de la vraie identité de l'homme en tant qu'enfant de Dieu, subviendrait-elle au besoin et mettrait-elle une provision de charbon dans notre cave? Oui, certainement, et c'est ce qui arrive bien souvent, grâce à l'opération de la même loi que Jésus comprenait et utilisait il y a deux mille ans. Il arriva qu'à ce moment-là ce fut la nourriture qui vint à manquer, non les combustibles, mais c'était bien le vieil argument, la croyance à l'insuffisance. Le sens matériel ne voyait que cinq pains et deux petits poissons pour nourrir une multitude; et tant que le sens matériel avait la croyance à un homme matériel, ayant des besoins matériels, dépendant d'une provision matérielle, la situation était manifestement désespérée. Cependant, il y avait là quelqu'un de mieux renseigné. Aucun argument mensonger ne pouvait vivre longtemps en la présence de Jésus, le Christ. Il savait que l'homme est le reflet de l'Esprit, soutenu et maintenu uniquement par ces idées spirituelles qui constituent pour ainsi dire sa "provision"; et ces idées, pouvaient-elles diminuer ou venir à manquer? Personne ayant la moindre connaissance de la métaphysique divine ne se demandera jamais pourquoi, après que la multitude eut mangé, "on emporta douze paniers, pleins des morceaux qui restaient." Si l'on croit à la vérité de ce récit qui a été rapporté par tous les quatre des écrivains de l'évangile, pourquoi trouverait-on étrange que l'application de la même compréhension qui nourrit les cinq mille hommes sans compter les femmes et les enfants, il y a vingt siècles, fournisse aujourd'hui aussi la chaleur et le réconfort.
La loi de Dieu ne disparaît pas avec le passage des siècles. S'imagine-t-on que son opération certaine et majestueuse puisse être affectée de quelque façon que ce soit, simplement par le fait que le sens humain du besoin s'appelle "charbon" au lieu de "pains et poissons"? Par le fait, Dieu, l'Esprit, ne connaît pas la matière. Ce que l'entendement mortel appelle respectivement charbon, poisson ou pain, n'est que le nom spécifique dont il a qualifié la forme particulière de la matière dont il croit avoir besoin. Il appelle ensuite cette forme de la matière la "provision" et son sens de provision dépend de ce qu'il ait ou non une suffisance de cette chose.
Et la Science Chrétienne, que répond-elle à tout cela? Mrs. Eddy énonce fort clairement la vérité concernant la provision lorsqu'elle dit à la page 307 de "Miscellaneous Writings": "Dieu vous donne Ses idées spirituelles, et, en retour, elles vous donnent la provision quotidienne." Comment? En réveillant dans la conscience humaine la réalisation que l'homme, fait à l'image de l'Esprit, possède, en vertu de la réflexion, toute l'intelligence nécessaire pour le mettre à même de savoir quoi faire, où aller, et quoi dire pour trouver tout ce qu'il lui faut pour remplir les besoins du moment. En d'autres termes, ces idées spirituelles l'arment de courage, de confiance, de savoir se tirer d'embarras, de bon jugement, d'initiative, d'intuition, et de raisonnement juste; et à leur tour, ces choses lui donnent sa provision journalière.
Par exemple, il fut un moment où le monde dépendait en grande partie d'huile ou de chandelles pour son éclairage. Selon la croyance des gens de cette génération, la provision de cette lumière dépendait de la provision d'huile ou de suif et lui était bien exactement proportionnée. Si quelqu'un avait pronostiqué que le jour viendrait peut-être où la provision de ces choses ne suffirait aucunement à remplir les besoins de quelques millions d'hommes et de femmes, on l'eût certainement fui et qualifié d'alarmiste et de précurseur du mal. Au bout de quelque temps, cependant, les exigences du monde s'accrurent à tel point qu'on découvrit le moyen de tirer du charbon le gaz à éclairage, et de le distribuer par des conduits pour pourvoir au besoin des villes. Une autre découverte qui contribua aussi à remplir le besoin humain, fut celle dont il fut fait mention il y a si longtemps dans le livre de Job en ces paroles: "Du rocher jaillissaient pour moi des ruisseaux d'huile." Aux temps modernes cette huile a été connue sous le nom, soit de pétrole, soit de kérosène.
Il est donc évident que la provision de matières à éclairage, loin de diminuer va augmentant énormément. Cependant l'entendement mortel se mit aussi à prédire l'épuisement, tant du charbon que de l'huile; mais cette crainte ne se réalisa pas, vu que l'électricité vint remplacer le gaz et les autres choses dont les gens dépendaient pour s'éclairer. Nul ne saurait prédire actuellement ce qui viendra après la lumière électrique, mais jusqu'ici tout changement a certainement été un pas en avant. Il est éternellement vrai, qu'en dépit de tous ces changements s'opérant dans la croyance humaine, "Dieu est lumière et qu'il n'y a point en lui de ténèbres." Jean avait déjà aperçu quelque peu ceci lorsque, dans sa révélation de la réalité céleste appelée "la ville sainte" il écrivit prophétiquement: "Et ils n'auront besoin ni de la lumière d'une lampe, ni de la lumière du soleil, parce que le Seigneur Dieu les éclairera."
Ainsi nous voyons que la suffisance n'est pas une quantité déterminée de quelque chose en particulier; c'est l'expression de l'intelligence et nous devrions, en tant que Scientistes Chrétiens, nous secouer du miasme des croyances stupéfiantes au moyen desquelles l'entendement mortel s'efforcerait de nous asphyxier avec un gaz nuisible quelconque, et nous devrions rejeter ces suggestions constantes d'insuffisance et de manque. Si quelque chose dont nous avons toujours joui tire à sa fin, cela implique simplement que quelque chose de meilleur est là pour le remplacer. Soyons debout et agissons. Si Agar n'avait pas gaspillé tant de temps à pleurer dans le désert pensant qu'elle et son enfant allaient tous deux mourir de soif, elle eût trouvé le puits d'eau bien plus tôt. Il existe toujours un "puits d'eau" pour nous tous; car le Père ne nous laisse pas sans consolation. Mrs. Eddy dit: "La Science révèle la possibilité d'accomplir tout bien, et incite les mortels à travailler pour découvrir ce que Dieu a déjà fait" (Science et Santé, p. 260). Tout ce dont nous avons besoin est déjà là, a toujours été là, et le sera toujours; donc commençons dès aujourd'hui à le découvrir.
Ce qui s'appelle "l'invention" n'est que la découverte de ce qui a toujours été ici à notre portée, et lorsque ce conflit mondial actuel aura pris fin, nous trouverons peut-être qu'il s'est produit tant de choses en fait de remplaçants, d'inventions, ou de découvertes, que nous ne voudrions pas, si même cela fût possible, retourner à des positions dépassées et surannées. Qui consentirait à mettre de côté sa lumière électrique pour la remplacer par une chandelle? Cela étant ainsi, veillons et prions de crainte que nous ne "demandions mal" en ce qui concerne notre provision journalière. Qui sait si notre foi en Dieu n'est pas la seule chose qui se fasse rare? Tâchons de détourner complètement nos regards du témoignage des sens. Lorsque, à ce moment difficile, nous nous tournons vers le sage Père de tous "qui nous fournit toutes choses en abondance de jour en jour," soyons d'abord sûrs que notre horizon mental n'est pas obscurci par une cave vide de charbon et un coffre vide de farine. Il nous importe bien plus de veiller à ce que les choses suivantes ne disparaissent pas: la foi, la patience, la charité, le pardon, le courage, la persévérance, le désintéressement, et la vision qui voit "à travers les torts du présent, le Droit éternel."
Veillons à ce qu'il y ait toujours dans notre demeure mentale une suffisance de cette provision spirituelle; car dans la conscience ou elle subsiste habituellement, le sens de besoin s'appelant une cave vide de charbon, ou un coffre vide de farine, ne sauraient subsister longtemps. Dans cette conscience la suggestion du manque ne trouvera aucun espace à remplir, elle ne trouvera ni pensée qui lui réponde, ni lèvres pour parler en sa faveur, ni personne qui l'écoute. Elle vient nous demander de lui donner une existence, mais si nous refusons de lui accorder soit vie, soit substance, il ne lui reste qu'à disparaître tranquillement dans le domaine du néant, d'où elle est sortie. Pourquoi quelqu'un écouterait-il ses arguments mensongers quand il peut écouter la voix de la Vérité disant tendrement comme le dit le père de jadis: "Mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce que j'ai est à toi."
    