Lyle Young a connu la Science Chrétienne à la faculté. Il poursuivait des études de musique à l'université de Ball State, à Muncie, dans l'Indiana (U.S.A.), quand il a assisté pour la premiére fois aux réunions hebdomadaires de l'organisation de la Science Chrétienne présente sur le campus. Après avoir obtenu son diplôme, il est retourné au Canada, son pays natal, et il a fréquenté une église filiale de la Science Chrétienne à Ottawa.
M. Young a étudié le français et la culture française à Québec pendant un an puis, l'année suivante, les relations internationales et l'histoire de l'Amérique Latine, à Buenos Aires (Argentine), avant de préparer un master en sciences politiques à l'université de Saskatchewan (Canada). Durant l'année universitaire 1984-1985, il a été stagiaire au Parlement canadien. Il a rencontré des hauts fonctionnaires de l'Administration, des politiques, des diplomates à Londres, à Belfast, à Bonn, à Bruxelles et à Washington. Selon ses propres termes, ces expériences l'ont convaincu « que tous les changements survenant sur la scène mondiale reflètent la pensée ». « Je suis arrivé à la conclusion qu'un praticien de la Science Chrétienne travaille toujours au niveau mental, là où ont lieu les vrais changements, poursuit-il. J'ai alors pensé que c'est en tant que praticien que je pouvais être plus utile. »
C'est pourquoi il a interrompu ses études de troisième cycle en 1987, pour s'établir comme praticien de la Science Chrétienne à plein temps. Quatre ans plus tard, il est devenu professeur de Science Chrétienne. Il a servi L'Église Mère en tant que représentant du Comité de Publication pour l'Ontario et représentant national pour le Canada, et aussi comme son Premier Lecteur. Membre du Conseil des conférences, il donne des conférences sur la Science Chrétienne en français, en anglais, en espagnol et en portugais, dans le monde entier.
« J'ai d'abord voulu être musicien, puis diplomate, puis finalement praticien de la Science Chrétienne », m'a expliqué M. Lyle lors de notre récent entretien, à Boston. Tout au long de son parcours, il a gardé cette même ouverture d'esprit qui le pousse à mettre en pratique l'enseignement de la Science Chrétienne en priant pour quelque chose de plus grand que lui: le monde!
Vous étudiez tous les jours la Bible et Science et santé avec la Clef des Écritures de Mary Baker Eddy, et vous avez fondé votre vie et votre ministère de guérison sur les enseignements de ces deux livers qui, conjointement, donnent une image complète de la réalité. Mais je sais que vous lisez beaucoup d'autres livres.
J'aime lire pour être mieux informé des progrès et des conflits dans le monde, et pour contribuer à résoudre les problèmes de la planète. Par exemple, en ce moment, je lis l'Histoire du people juif au XXe siècle, de Simon Epstein.
Vous lisez en français?
Oui. J'aimerais contribuer à la résolution des problèmes au Proche-Orient, et ce livre me semble très utile. L'auteur parle de l'Allemagne de 1922 et des quelque 70 000 membres de l'Association centrale des citoyens allemands de confession juive qui défendait les droits des Juifs au sein de la société allemande, à l'époque où le ministre allemand des Affaires étrangères, également Juif, fut assassiné. Le peuple manifesta en masse dans tout le pays en signe de protestation. Il y eut des manifestations dans plusieurs grandes villes allemandes. Près d'un million de personnes participèrent à la manifestation qui eut lieu à Berlin. Ce qui n'empêcha pas les nazis, onze ans plus tard, d'arriver au pouvoir. L'année 1938 marqua le début de l'holocauste, le génocide de millions de Juifs planifié par l'État. Ces événements historiques me semblent particulièrement instructifs car ils montrent à quel point il est important de travailler activement à vaincre le mal. En 1922, plus d'un million d'Allemands manifestaient publiquement leur soutien en faveur de la pleine participation des Juifs à la société allemande, et pourtant, assez vite, la situation se dégrada complètement.
L'Histoire nous rappelle en effet combien le mal peut être agressif et s'intensifier rapidement, d'où l'importance de s'y opposer métaphysiquement.
En étant proactif ! Il ne faut pas simplement réagir au mal, mais affirmer activement dans ses pensées ce qui est vrai, puis traduire cela en actes: Dieu, le bien, a tout pouvoir; par conséquent, si puissant que semble être le mal, il n'a pas plus de pouvoir que ce qu'on lui attribue.
Arrêtons-nous un moment sur ce point. Comment un chrétien métaphysicien peut-il neutraliser le mal de manière proactive ?
Commençons par reconnaître que nos pensées façonnent nos actes. Puis faisons preuve d'une grande humilité, parce que c'est indispensable pour entendre les pensées qui émanent de Dieu. Le calme, la priorité donnée à l'écoute de Dieu, l'étude de la Bible et de Science et Santé, voilà quelles sont, à mes yeux, les conditions nécessaires pour arriver à un bon résultat. C'est ce qui permet à tout un chacun de dominer le pouvoir apparent du mal. À mes yeux, l'étude de la Bible et des écrits de Mary Baker Eddy ne s'arrête pas au contenu. Cette étude est aussi une discipline grâce à laquelle on fait taire sa propre volonté pour communier véritablement avec Dieu. En effet, pour entendre régulièrement les pensées de Dieu, on doit sans cesse aligner sa volonté sur la volonté divine.
Quand on parle de Dieu, certains pensent tout de suite à Jésus, alors que d'autres ont aussitôt à l'esprit une entité plus abstraite, plus mystérieuse. Comment définiriez-vous Dieu ?
C'est le bien pur et le bien infini. Ce concept de Dieu est merveilleusement bien exprimé dans la Première Épître de Jean: « La nouvelle que nous avons apprise de lui, et que nous vous annonçons, c'est que Dieu est lumière, et qu'il n'y a point en lui de ténèbres. » (I Jean 1:5)
Quand vous dites que Dieu est le bien pur et infini ou, métaphoriquement, qu'Il est lumière, vous ne parlez donc pas d'une entité inerte, d'un Être lointain et inactif ?
Non. Je pense à Dieu comme à l'unique Être parfait, le seul Être; pour employer des termes bibliques, c'est le grand « Je suis celui qui suis » (Exode 3:14). Dieu est l'Amour infini, chaleureux, tendre et dynamique.
Mary Baker Eddy énonce six autres synonymes de Dieu, en plus de l'Amour. Par example, l'Esprit. La Bible nous apprend que Dieu et l'Esprit sont synonymes, dans des versets comme celui-ci: « Jésus, revêtu de la puissance de l'Esprit, retourna en Galilée. » (Luc 4:14) La puissance de l'Esprit permit à Jésus d'accomplir des guérisons. Il y puisa son pouvoir sur les circonstances matérielles. Mary Baker Eddy a également compris que Dieu est notre Esprit divin. C'est l'Esprit divin qui nous insuffle de l'enthousiasme! L'enthousiasme vient du grec en theos, Dieu en nous, un avec Dieu, inspiré par Dieu. C'est donc l'Esprit divin qui nous insuffle de l'amour et de l'enthousiasme pour exprimer le bien pur et infini dont vous parlez, et cet enthousiasme neutralise le mal.
Mais une question demeure: Comment le fait de mener une vie portée par l'enthousiasme de l'Esprit peut-il avoir une influence sur le monde, au point de rompre les liens hypnotiques d'un cauchemar comme celui qui exerça son emprise sur l'Allemagne ?
Je crois qu'il faut beaucoup prier et vivre conformément à ces prières. Pour moi, prier signifie se tourner vers Dieu et l'accueillir concrètement dans mes pensées et dans ma vie. C'est un désir profond d'être meilleur, davantage désintéressé, un désir fervent d'être plus pur dans chacune de mes pensées. Mary Baker Eddy explique comment prier dans Science et Santé: « Dans le tranquille sanctuaire des aspirations ferventes, nous devons nier le péché et affirmer la totalité de Dieu. » (p.15) Cette citation est tirée du chapitre « La prière ». C'est vraiment ce qu'il faut faire. On lit dans la Bible que si Dieu gardait le souvenir du péché, nul ne pourrait vivre: « Si tu gardais le souvenir des iniquités, Éternel, Seigneur, qui pourrait subsister ? » (Psaume 130:3) Ainsi, prier signifie nier un sens pécheur des choses et rechercher la perfection de Dieu, Sa grâce, qui embrasse le monde entier.
Plus je lis Science et santé, plus je considère le chapitre « La prière » comme le point de départ pour comprendre les autres chapitres. Dans le chapitre « Pratique de la Science Chrétienne », Mary Baker Eddy explique de façon très spécifique comment traiter la crainte et guérir la maladie. Mais dans les 17 pages de « La prière », qui est le tout premier chapitre du livre, elle mentionne 23 fois le mot « désir » et ses dérivés. J'y vois la confirmation que la prière est un désir ardent et fervent d'être meilleur, de mieux faire, et de correspondre à ce que Dieu connaît de nous. Dans ce même chapitre, l'auteur parle de la sincérité, exhortant les lecteurs à se défaire de l'hypocrisie. Elle insiste sur l'importance d'avoir un cœur sincère, un cœur qui désire ardemment faire le bien. C'est pourquoi, même si aborde un grand nombre de points particuliers dans les chapitres « Pratique de la Science Chrétienne » ou « L'enseignement de la Science Chrétienne », la prière me ramène à ces 17 premières pages dans lesquelles elle dit notamment: « Ce dont nous avons le plus besoin, c'est de la prière du désir fervent de croître en grâce, prière exprimée par la patience, l'humilité, l'amour et les bonnes oeuvres. » (p.4)
Je crois que Mary Baker Eddy pensait que cette sorte de prière était indispensable pour nous révéler ce qui nécessite rédemption et guérison dans la conscience humaine, et nous permettre ainsi d'aider les autres et le monde en général à procéder à cet ajustement salutaire. La ferveur et la sincérité, la nature semblable à celle d'un enfant dont il est question dans le Sermon sur la montagne (la volonté d'être « comme un petit enfant », Marc 10:15), sont donc des qualités qui ont une influence très concrète sur le monde.
Dans l'une de mes conférences (« Vous pouvez changer le monde grâce à la prière »), je compare le monde à une gigantesque fresque murale à laquelle tout le monde contribue, non pas avec de la peinture, mais avec ses pensées.
Une peinture mentale.
Exactement, une peinture mentale. Par exemple, que pense-t-on de l'Afghanistan ? On pourrait répondre: « C'est une situation dans l'impasse. Des gens de tribus différentes et aux opinions religieuses diverses se combattent depuis des siècles, et à présent des armées étrangères s'en mêlent. Il n'y aura jamais de paix. » Quelles que soient nos pensées, elles contribuent à la fresque murale de l'ensemble du monde.
Si je comprends bien, lorsque nous entretenons des pensées de désolation, de désespoir, de colère ou de haine, nous ajoutons des couleurs mentales négatives à cette fresque murale mondiale.
Tout à fait. Mais si nous partons des pensées de Dieu, l'Entendement divin (autre synonyme de Dieu), si nous entretenons des pensées de paix et de fraternité, de bien et d'attente du bien, et si notre vie est conforme à ces pensées, alors notre contribution à cette grande fresque murale a une véritable influence en faveur du bien.
Nos prières sont efficaces dans la mesure où nous les vivons. Supposons que nous priions pour voir l'Afghanistan progresser vers la sécurité et l'unité; nos prières seront efficaces si nous exprimons nous-mêmes cette fraternité, cet amour. Ou bien supposons que nous priions pour les dirigeants de notre pays lorsqu'ils ont des décisions majeures à prendre. Nous désirons qu'ils expriment la sagesse, l'intelligence, le courage, l'écoute et pourquoi pas, l'amour. Nos prières seront efficaces dans la mesure où nous exprimons ce courage, cette intelligence, cette hon et cette intégrité nous-mêmes. Je suis convaincu que si l'espérance et l'engagement profonds de Nelson Mandela au service de la cause d'une Afrique du Sud complètement libérée du racisme ont porté leurs fruits, c'est parce que cet homme n'a cessé d'être fidèle à cette espérance et n'a cessé de vivre constamment cet engagement.
Un tableau me vient soudain à l'esprit, celui du peintre pointilliste Georges Seurat. Il construisait ses toiles en juxtaposant des points colorés. Tout en vous écoutant, je suis en train de me représenter des millions de points minuscules. Chacun de nous contribue, instant après instant, à cette fresque mentale pointilliste qui représente la planète Terre.
On peut aussi concevoir cette image à une moindre échelle, comme le cadre familial, par exemple. De quelle façon est-ce que je pense à ma famille ? Est-ce que je me dis: « Ma sœur et mon frère ne cessent de se disputer, et probablement il en sera toujours ainsi ? » Eh bien, si je l'accepte, cette pensée représente ma contribution à la famille. Qu'est-ce qu'une famille ? Une communauté composée des pensées que chacun de ses membres entretient au sujet des autres membres. Je pourrais plutôt penser et affirmer en priant que chaque membre de ma famille est un enfant de Dieu qui aime la paix.
Et obtenir ainsi un merveilleux tableau familial.
Oui. Et on peut ainsi avoir un tableau de son travail, un autre de sa ville... Tout sur cette terre est un ensemble composite de la façon dont pensent les gens. Grâce à la priére, à l'humilité et à la sincérité qui nous ouvrent aux idées de Dieu, tout le monde peut contribuer à améliorer la fresque murale.
Je sais que vous mettez en pratique vos paroles, car avant même d'être praticien de la Science Chrétienne à plein temps, vous lisiez le Christian Science Monitor et consacriez de nombreuses heures, chaque semaine, à cette œuvre picturale spirituelle dont vous parliez.
J'étais fortement persuadé que la prière est un outil à la disposition des chrétiens comme de tous ceux qui croient en Dieu. Je pensais donc que pour être vraiment chrétien, il me fallait utiliser l'outil du chrétien, la prière, pour changer le monde et en faire un endroit où il fait bon vivre. Mais la prière n'est pas d'un côté et l'action concrète de l'autre. La prière est une ouverture radicale sur le bien, aux idées pratiques émanant de Dieu. C'est pourquoi des gens prient parfois sans même le savoir: par exemple, Wangari Maathai, le prix Nobel de la paix 2004. Cette Kényane a été distinguée essentiellement pour son action sur l'environnement. Elle a pris des mesures écologiques fondées sur l'amour et le respect d'autrui. Les gens ne voient pas forcément le rapport avec la prière traditionnelle. Mais, je le répète, la prière est le désir de faire le bien, comme on peut le lire dans chapitre « La prière ». C'est le désir d'être désintéressé, de bénir les autres.
Comme le montre l'exemple de Wangari Maathai, la prière peut commencer par ce désir et aboutir à de bonnes actions. À quels signes avez-vous vu que vos prières étaient efficaces ?
Ce n'est pas toujours facile d'évaluer l'influence de la pensée individuelle à l'échelle mondiale, mais si l'on prie tous les jours pour la famille humaine de façon simple: « Cher Père-Mère, aide-moi à voir mes frères et sœurs davantage comme les enfants de Dieu », alors je pense que cela change tout – en bien ! Je vais vous donner deux exemples.
Pendant un moment, j'ai fait partie d'une équipe de surveillance dans mon quartier. La police nous avait communiqué les statistiques des crimes et délits concernant les cambriolages de maisons, les vols de voitures et les vols dans les voitures commis dans la région. J'avais prié pour mon quartier et c'est pourquoi j'avais décidé de m'associer à cette action. Nous avons donc distingué trois catégories d'infraction spécifiques que nous souhaitions voir diminuer dans le quartier. J'ai prié spécifiquement dans ce sens, en affirmant que les habitants étaient en sécurité et souhaitaient faire le bien dans leur quartier. Dans deux des catégories, les infractions ont diminué de façon tout à fait significative.
Je vous donne un deuxième exemple: En 1986, juste à la fin de mon stage au Parlement canadien, le parti vainqueur aux élections a fait campagne pour que l'on organise un vote libre [sans consignes de vote] concernant la peine de mort. La peine capitale n'avait pas été appliquée au Canada depuis les années 60. Mais le nouveau parti politique au pouvoir a promis d'organiser un vote libre sur la question. Ayant travaillé au parlement et connaissant les sondages, je savais que les députés étaient farouchement en faveur de l'application de la peine de mort. Tandis que la date du vote approchait, j'ai prié pour nier tout ce qui s'opposait à la vie dans mon propre vécu. Avec la plus grande force, j'ai affirmé que la Vie même est infinie, qu'elle ne peut jamais avoir de fin.
Vous voulez dire la Vie en tant que synonyme de Dieu – le quatrième synonyme que nous évoquons ?
Oui, exactement, la Vie en tant que synonyme de Dieu. Comme Dieu est infini, rien ne peut s'opposer à la Vie. J'ai prié dans ce sens, sachant que Dieu gouvernait les députés qui allaient voter. Bien sûr, je savais que d'autres personnes priaient aussi. Finalement, à la surprise de la plupart des politologues, le retour de la peine de mort a été rejeté. J'ai eu le sentiment qu'il s'agissait là d'un exemple très précis de l'influence de la prière.
J'aimerais vous donner encore un exemple lié à la vie dans mon pays. L'histoire du Canada, c'est aussi celle de deux groupes linguistiques qui s'efforcent depuis longtemps de s'entendre. Ils y parviennent la plupart du temps ! Les relations entre les francophones et les anglophones ont marqué l'histoire du Canada, de la même façon que les relations entre les Afro-Américains et les Américains originaires d'Europe ont marqué l'histoire des États-Unis. Nous avons eu deux référendums au Canada sur la question de savoir si la Province du Québec devait ou non se séparer du reste du Canada: l'un en 1980 et l'autre en 1995. En priant à ce sujet en 1995, j'ai été amené à réfléchir à la façon dont je me définissais moi-même. Étais-je issu d'une région particulière ? Si mon pays natal venait à perdre un tiers de son territoire, airais-je l'impression de changer ? Le Canada s'étend de la Colombie britannique, à l'ouest, à Terre-Neuve, à l'est, et remonte au nord jusqu'au territoire de Nunavut et l'océan Arctique. Je me suis demandé si certains éléments propres à ce territoire me définissaient. J'ai continué de prier, sachant que ce qui définit chacun de nous, au Canada comme dans le monde entier, ce n'est ni l'histoire, ni la culture, ni la composition ethnique, ni la langue natale. Aucun de ces facteurs ne définit ce que nous sommes en tant qu'enfants de Dieu. Chacun de nous est défini par l'unité qu'il forme avec Dieu. C'est l'Âme, autre synonyme de Dieu, qui façonne ce que nous sommes et définit notre individualité.
Vous n'avez pas pesé le pour et le contre quant au résultat idéal du vote?
J'ai naturellement des opinions politiques, mais j'ai senti qu'il fallait aller plus en profondeur. Je voulais parvenir à un sentiment de sécurité qui ne soit lié ni à l'histoire ni à la géographie, mais vienne uniquement de Dieu.
Et quel a été le résultat ?
Satisfaisant, semble-t-il. Le Canada a conservé son intégrité territoriale et nous n'avons pas eu d'autre référendum depuis 1995. Or, comme il s'agit là d'une question politique, les points de vue divergent, naturellement. Mais je pense que le sentiment de paix que j'ai acquis a contribué, et contribue toujours, à des relations francoanglaises plus harmonieuses.
Je me demande comment vous traitez la dimension politique dans cette sorte de prière, parce que certains pourraient se sentir en droit de penser: « Je suis pour la peine de mort », ou « Je suis pour la séparation ».
Prier ne signifie pas demander à Dieu: « Je souhaite tel résultat, mon Dieu, fais que cela se produise. » C'est la raison pour laquelle j'ai fait très attention à ne pas dévier vers ce genre d'approche dans les exemples que j'ai donnés. La prière est à l'opposé même de cette attitude mentale. Elle implique de renoncer à ses opinions et à ses certitudes humaines, de renoncer à sa volonté humaine limitée, pour s'en remettre à Dieu. Prier, c'est s'en remettre à l'Amour divin, pour soi-même et les autres.
En un sens, prier revient à affirmer que l'Entendement immortel gouverne le monde humain sous tous ses aspects. C'est affirmer, au nom de la fresque murale que constitue la société, que seule la sagesse, seule la réponse la plus élevée à telle situation, peuvent inspirer les conclusions et les actes des personnes concernées.
Absolument. Jésus, dans le jardin de Gethsémané, nous montre comment prier quand il dit: « Toutefois, que ma volonté ne se fasse pas, mais la tienne. » (Luc 22:42) Il a eu confiance dans le fait que la volonté de Dieu est toujours harmonieuse et qu'elle ne laisse rien ni personne de côté.
Nous parlons ici de la volonté de l'Amour qui est déterminée et embrasse tout, de la volonté de la justice divine, de celle du Principe divin, sixième synonyme de Dieu. Nous parlons de cette volonté qui est compassion, progrès, compréhension et soutien divins, volonté qui élève, inspire et bénit la société et les individus qui la composent. Si nous maintenons ce point de vue à l'esprit, comment ne pas accepter que cette volonté soit aux commandes de la journée?
Exactement. L'un des points qui me touche le plus dans le christianisme, c'est qu'il s'intéresse non seulement au salut individuel, mais à celui du monde entier. On ne peut donc se contenter de travailler uniquement pour soi. Nous sommes appelés à apporter la rédemption au monde. C'est cet appel que je vois exprimé dans le Nouveau Testament: « Allez par tout le monde, et prêchez la bonne nouvelle à toute la création. » (Marc 16:15) Le Nouveau Testament ne nous demande pas de chercher en nous l'harmonie ou le ciel, puis d'en rester là. L'Ancien comme le Nouveau Testament insistent sur le fait que, sur la planète, chacun est redevable envers les autres.
Cela me fait penser au bon Samaritain, dans la parabole dont Jésus se sert pour illustrer cet appel à aider son prochain (voir Luc 10:30-37). Jésus enseigne que l'esprit-Christ signifie aider les autres et pas seulement s'aider soi-même. Il ne suffit pas de s'élever spirituellement si les autres sont déprimés, car nous sommes tous frères et sœurs. Et bien entendu, Jésus a donné l'exemple en ce sens. Il agissait en harmonie avec la Vérité, septième synonyme de Dieu, et par conséquent synonyme de l'Amour. Jésus venait en aide aux gens et les guérissait partout où il allait. Si nous voulons être appelés disciples de Jésus, nous devons donc faire comme lui, à moins d'être insincères.
Vous avez tout à fait raison. L'esprit du bon Samaritain est au cœur de nos propos et au cœur même de la Science Chrétienne. La Science Chrétienne inspire une bonne volonté sans limites à l'égard d'autrui, et plutôt que de s'arrêter là, elle aide les gens à faire le bien sur cette base, par des moyens efficaces inspirés par la prière. J'aime savoir que la Science Chrétienne est la loi de Dieu, la loi de l'Amour, écrite « au-dedans » de nous, comme le dit le prophète Jérémie (31:33). Cette loi divine est universelle. Elle est donc écrite au-dedans de chaque personne; elle est écrite en chacun de nous, que l'on demeure au Cameroun, au Chili, en Inde ou au Pakistan (tous des pays où j'ai donné des conférences); elle est écrite au-dedans de chaque habitant de la planète – prête à être révélée à tout moment.
Le désir d'aimer, d'être désintéressé, de penser aux autres avant soi-même, et même la compréhension métaphysique exacte que nous donne la Science Chrétienne, tout cela est inhérent à chacun de nous, de même que les rayures sont inhérentes au pelage du tigre. L'homme est « la représentation complète de l'Entendement », lit-on dans Science et Santé (p. 591). Eh bien, en tant que bon Samaritain, il m'appartient de voir en moi et dans les autres la représentation complète de l'Entendement. Trop souvent le christianisme a voulu persuader les gens de faire ceci ou cela. Or le christianisme me demande plutôt de faire preuve de discipline et d'humilité afin de voir le divin en mon frère ou la bonté en ma sœur, en mon prochain, même si telle personne semble en être dépourvue en apparence. En tant que chrétien, j'ai l'obligation de voir tout individu à la lumière de cette Science de l'être universelle, et ainsi d'apporter la guérison.
Martin Luther King prêchait l'amour et le vivait. Dans son discours de réception du Prix Nobel de la paix, en 1964, il a inclus cette citation de l'historien anglais Arnold Toynbee: « L'amour est la force suprême qui fait le choix salutaire de la vie et du bien plutôt que le choix infernal de la mort et du mal. C'est pourquoi le choix tout en haut de notre liste doit être celui de l'espoir que l'amour aura le dernier mot. »
C'est très beau ! Grâce à la prière, nous pouvons affirmer avec force, ferveur et confiance, que l'Amour a bel et bien le dernier mot. Nous pouvons faire honneur à cette prière par notre comportement. En fait, c'est à l'Amour divin, Dieu, qu'appartient le seul mot qui soit: le premier et le dernier mot.
