La meilleure façon de décrire cet homme consisterait à dire qu’il se savait aimé.
Il émanait en effet de ce professeur et praticien, qui était l’ami de beaucoup, une telle aura que vous aviez toujours l’impression que c’était lui qui se sentait béni quand vous veniez lui demander de l’aide. Il n’avait guère besoin de faire ressortir combien il était bon ou combien vous devriez l’être. Quelques minutes passées avec lui dans le hall de l’église, et vous saviez qu’il vous appréciait, même s’il ne s’agissait que d’un court échange de vues sur la couleur de sa cravate, votre tenue ou la beauté du cantique que nous venions de chanter.
Il est remarquable de rencontrer quelqu’un si sûr de lui-même qu’il ne demandait jamais l’approbation des autres. Il ne passait jamais d’un extrême à l’autre. Jamais je ne l’ai vu être troublé par les problèmes qui se posaient à l’église, et il parvenait toujours à énoncer clairement une idée qui permettait de donner une nouvelle direction à un débat qui s’enlisait. Sa vie de couple illustrait le conseil qu’il donnait aux jeunes jeunes mariés: « Dans un mariage, ce n’est pas 50/50. Chaque partenaire doit s’y donner à 100%. » L’attachement profond que sa femme avait pour lui confirmait la constance de son amour. Le simple fait de me remémorer avec tendresse son existence après son décès récent m’apporte la paix et l’assurance d’avoir reçu quelque chose de magnifique.
Comment puis-je vivre en me sachant apprécié?
En repensant à l’exemple qu’il m’a donné, je me suis posé les questions suivantes: Comment puis-je vivre en me sachant appréciée? Comment perdre cette habitude de penser que nous avons besoin d’être aimés davantage? Et si nous apprenions à faire le bien simplement pour la joie de le faire au lieu d’attendre que quelqu’un le remarque? Qu’en serait-il si nous étions sûrs de ce que nous avons à donner au point de ne pas avoir besoin que quelqu’un nous dise combien nous avons de valeur? Trouver les arguments nécessaires pour satisfaire un cœur humain équivaut à combattre les moulins à vent de Don Quichotte.
Donner avec désintéressement est un acte puissant: cela nous force à reconnaître ce qui nous a été donné.
Je repense à un verset biblique. Ce sont des paroles prononcées par Jésus: « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement. » (Matth. 10:8) C’est ainsi, entre autres, que Jésus bénit ses disciples avant de les envoyer prêcher la parole dans le monde. Il a fallu sans doute que ces premiers disciples se remémorent ce que Jésus leur avait donné aussi souvent que les disciples d’aujourd’hui. Qu’est-ce qui nous permet de donner gratuitement?
L’apôtre Paul, qui se convertit aux christianisme bien après le départ de Jésus, décrit ce don ainsi: « Et tout cela vient de Dieu, qui nous a réconciliés avec lui par Christ, et qui nous a donné le ministère de la réconciliation... en n’imputant point aux hommes leurs offenses, et il a mis en nous la parole de la réconciliation. » (II Cor. 5:18, 19) Voici l’essence des seignements de Jésus: Quelles que soient les nombreuses fautes que nous ayons commises, que nos péchés nous paraissent tenaces, épouvantables ou flagrants, ils ne nous ont jamais été « imputés », ils n’ont jamais été gravés dans notre nature, ils n’ont jamais eu le pouvoir d’altérer le lien Créateur/création, autrement dit ce que Dieu connaît de nous depuis le début.
Le christianisme nous dit que l’innocence de notre être est réelle, si réelle qu’elle justifie un engagement de notre part. Face à toutes les raisons qui nous sont données chaque jour de nous sentir coupables, bêtes, peu dignes d’intérêt et inutiles, Dieu nous entoure de Son amour avec tant de constance que cet amour assure une fondation spirituelle à notre intégrité.
C’est là une source de soulagement, parce que cela veut dire que nous ne sommes pas toujours en train d’essayer de rattraper un retard. Il ne nous est pas demandé de démontrer notre valeur à travers nos réalisations. Il ne nous est pas demandé de prouver que nous avons pris la bonne décision. Il nous est demandé d’admettre la réalité de l’amour dont Dieu nous entoure de façon à pouvoir en parler à nos semblables qui sont aussi enfants de Dieu. C’est dans ce but que nous sommes dotés de talents et qu’il nous est offert des occasions de rencontrer des gens. Non pas dans le but de faire nos preuves, mais dans le but de glorifier l’ampleur de l’Amour divin qui nous aime.
La plupart d’entre nous connaissent la joie d’avoir donné aux autres. Or, même cet engagement peut être contaminé par l’égoïsme si nous le prenons pour trouver notre valeur. C’est cette faiblesse qui est à l’origine de notre déception lorsque nos efforts pour aider les autres ne produisent pas les résultats escomptés. L’amour désintéressé, tourné vers les autres, n’est pas un succédané du manque de confiance en soi. Donner avec désintéressement est un acte puissant: cela nous force à reconnaître ce qui nous a été donné.
Remercier Dieu de nous aimer
Mary Baker Eddy, réformatrice religieuse infatigable pendant plus de quarante ans, pouvait écrire en connaissance de cause: « Pour assurer une longue suite d’années calmes et uniformes, au milieu des ténèbres uniformes de l’orage, des nuages et de la tempête, il faut recourir à la force qui vient d’en haut – il faut boire à longs traits à la fontaine de l’Amour divin. » (Écrits divers, p. ix) Si nous demeurons vigilants face à un sentiment de découragement, nos prières pour nousmêmes peuvent être remplies de louanges pour tout le bien qui se manifeste dans notre existence, tandis que nous remercions Dieu de nous aimer.
A certains moments, il est plus facile qu’à d’autres de reconnaître ce qu’on nous a donné. Cependant, il nous est promis que notre fortune, chaque jour, sera estimée par rapport aux bienfaits que nous accorderons, dans le contexte de l’affection que Dieu nous porte. Cela fait de nous des gens qui donnons avec assurance et joie, sans que nos efforts nous épuisent. Au contraire, nous sommes revigorés lorsque nous prenons conscience du fait que l’amour de Dieu brille à travers nous.
C’est sans doute honorer de la manière la plus grande et la plus humble la place que Dieu tient dans notre vie que d’admettre qu’Il nous a suffisamment aimés pour combler notre coeur et nous rendre utiles aux autres. La vie de l’ami dont je parlais au début illustrait constamment la conviction qu’il avait d’être aimé de Dieu.
