Comparons Les Avantages et les inconvénients. Dans l'une des paraboles de Jésus, un père partagea son bien entre ses deux fils. Le plus jeune, surnommé depuis l'enfant prodigue, prit sa part d'héritage et « partit pour un pays éloigné, où il dissipa son bien en vivant dans la débauche ». Pour finir, n'ayant plus un sou, avili et mort de faim, il se repentit; lorsqu'il revint chez son père, celui-ci l'accueillit joyeusement, comme un fils.
D'après les détails succints que fournit le récit, son frère aîné était resté avec leur père. La Bible dit qu'il « était dans les champs » quand l'enfant prodigue revint chez son père, ce qui indique qu'il était en train de travailler. La Bible ne fait pourtant aucune allusion aux mobiles qui l'incitaient à travailler ni à son attitude devant le travail. Il n'est cependant nulle part contredit lorsqu'il dit à son père: « Voici, il y a tant d'années que je te sers, sans avoir jamais transgressé tes ordres. »
Alors, lequel des deux fils a eu la meilleure part ? L'enfant prodigue s'est payé du bon temps (jusqu'à ce qu'il n'ait plus d'argent), a acquis une grande expérience de la vie (même si cela lui a causé de grandes souffrances), et est retourné chez lui où un accueil extraordinaire l'attendait puisqu'il y a eu des réjouissances en son honneur. En dépit de son dur labeur et de son obéissance sans faille, le fils aîné est apparemment passé à côté du « bon temps » et n'a acquis aucune expérience du monde. Et, pour couronner le tout, non seulement on ne fait pas la fête en son honneur, mais personne ne songe même à l'inviter à celle de son frère. C'est à son retour des champs qu'il découvre les festivités. Il est facile de le comprendre lorsqu'il se plaint auprès de son père.
A la fin du récit, les deux fils occupent la même place, ils sont tous deux l'objet de la sollicitude sécurisante de leur père. D'un point de vue superficiel, il peut sembler que le fils prodigue ait eu la vie « la plus remplie ». Faut-il en conclure qu'il est plus avantageux de pécher, puis de se repentir, que de résister à la tentation dès le début ? Le choix délibéré de faire l'expérience du mal nous donne-t-il quelque chose qui nous sera refusé si nous nous efforçons régulièrement d'obéir à la loi de Dieu ? Assurément, le fait de sombrer dans le péché, puis de le repousser, peut rendre, et a rendu, certains plus compatissants et plus indulgents. Certaines personnes ont gagné en crédibilité et en compréhension, ce qui leur a permis d'aider les autres à cesser ou à éviter de mal agir. Mais un détour par le péché est-il indispensable, voire souhaitable, pour être mieux à même d'aider autrui ?
La tentation de pécher essaie toujours de nous faire croire qu'enfreindre la loi de Dieu permet d'acquérir quelque chose de désirable, d'utile ou même de nécessaire. Par exemple, en se laissant aller à boire en société, on s'attirera, dit-on, des sympathies, on remplira mieux ses obligations sociales et professionnelles, on sera plus drôle dans les réceptions et même, et c'est un argument que l'auteur de cet article a parfois entendu outre-mer, on comprendra mieux une culture étrangère. (On a évoqué cette plaisanterie dans laquelle un serveur de restaurant demande un jour à un client quelle sorte de salade il désire. « Une salade russe, répond celui-ci, je souhaite mieux pouvoir comprendre les Russes. ») Et après tout, si des problèmes surgissent effectivement et que nous nous repentions ensuite, la parabole de l'enfant prodigue ne promet-elle pas que le Père nous accueillera toujours chaleureusement à notre retour ?
Il est tentant d'observer le monde qui nous entoure pour conclure que le pécheur n'encourt aucune peine réelle — du moins le pécheur « modéré » — et que nous ne sommes pas davantage récompensés pour ne point pécher. Mais nous oublions alors que la loi de Dieu n'a pas pour but de nous empêcher de nous amuser, mais de nous protéger. Les plaisirs coupables impliquent un concept erroné de l'homme considéré comme physique, dépendant de la matière et de moyens matériels qui seraient la source du bien. Mais ce concept matériel du bien prétend également avec insistance que le bien est limité, divisible et épuisable. D'où l'argument inévitable que nous pouvons manquer de ce qui est bon: être privé de travail, de foyer, d'amis, d'amour, de joie et d'argent. Le mode de vie matériel dans lequel nous nous complaisons risque de s'effondrer autour de nous à cause d'un accident, d'un revers économique, d'un crime, d'amis déloyaux ou de nos limites et négligences personnelles. L'argument opposé est également préjudiciable: nous pouvons avoir trop de biens matériels et ainsi détruire notre environnement, notre foyer, notre existence et notre santé en nous adonnant de façon excessive à la satisfaction de désirs égoïstes.
« L'Amour divin a toujours répondu à tout besoin humain et y répondra toujours », écrit Mary Baker Eddy dans le livre d'étude de la Science Chrétienne, Science et Santé. Accepter la notion, propre au monde matériel, que le péché soit susceptible de procurer ce qu'on désire ou ce dont on a besoin, c'est nier automatiquement que tous les bienfaits véritables viennent de Dieu. Nier une vérité, quelle qu'elle soit, c'est s'en refuser l'accès. Nier que tout bienfait réel vienne de Dieu nous rend aveugles à la présence constante du bien spirituel (comportant le bonheur, la santé, la raison d'être, l'amour), et nous laisse à la merci des aléas d'un concept matériel, limité, du bien. En inversant ce raisonnement, en reconnaissant que l'homme, l'image parfaite de l'Esprit parfait, reflète en permanence l'abondance de l'Esprit qui nous comble, nous comprenons que nous n'avons en réalité jamais été séparés de Dieu ni de Son amour pour nous. Nous découvrons, dans l'existence actuelle, que c'est Dieu qui dispense tout bienfait à chacune de Ses idées.
« Tout prétendu plaisir dans le péché entraînera plus que son équivalent de douleur, jusqu'à ce que la croyance à la vie matérielle et au péché soit détruite », déclare Science et Santé. Nous pouvons apprendre par nous-mêmes l'aberration et le caractère nuisible des plaisirs coupables, mais, pour être bien plus vite utiles à la société — tout en nous épargnant des épreuves amères et inutiles — commençons dès maintenant à prouver la fausseté d'une définition matérielle du bien en démontrant l'omniprésence du bien divin.
Il n'est pas nécessaire de faire l'expérience du mal pour acquérir la connaissance, la compassion et la compréhension requises pour guérir. Au contraire, la guérison survient quand nous chassons de notre pensée la croyance erronée que l'homme est matériel, malade et pécheur, pour comprendre que notre véritable identité, telle que Dieu l'a créée, est spirituelle et que nous sommes les enfants aimés et obéissants de l'Amour divin.
La Bible nous dit que Christ Jésus « a été tenté comme nous en toutes choses, sans commettre de péché ». Ce ne fut donc pas pour avoir lui-même péché qu'il put comprendre le besoin de la femme au passé coupable que la contrition poussa à laver les pieds du Maître, mais, au contraire, ce fut son impeccabilité, son refus de céder à la tentation d'accepter une intelligence, un pouvoir ou une attraction en dehors de Dieu, qui lui permit de percevoir le repentir de cette femme et son désir sincère de bien se conduire. Voyant au-delà de l'évidence matérielle de l'asservissement au péché, il discerna la spiritualité et l'amour véritables qu'elle exprimait, amour qui reflétait son identité immaculée d'enfant de Dieu obéissante. C'est ainsi que le Maître put lui assurer qu'elle était guérie de ses péchés.
Il nous faut également penser à contrôler nos mobiles dans notre lutte pour être bons et faire le bien. Celui qui s'efforce sincèrement et constamment d'obéir à Dieu ne choisira jamais le mal qui rend sourd au murmure doux et léger de la Vérité. Et s'il trébuche quelque peu, il ne perdra pas pour toujours le bien auquel il est déjà parvenu. Au contraire, les faux pas, une fois corrigés, l'affermiront, le réjouiront, l'aideront à mieux discerner le chemin qui mène à la sainteté, et le rendront plus efficace.
S'efforcer d'obéir à la loi de Dieu malgré les pressions sociales et, peut-être, nos propres tentations semble parfois une lutte formidable. A l'instar du fils aîné de la parabole de Jésus, nous avons le sentiment de nous épuiser à travailler pendant des heures dans un champ brûlé par le soleil, tandis que tous les autres semblent bien s'amuser. Cela en vaut-il la peine ? Certainement ! A son fils obéissant qui se plaint, le père répond avec tendresse: « Mon enfant... tu es toujours avec moi, et tout ce que j'ai est à toi. »
Nous lisons dans la Bible: « L'amour de Dieu consiste à garder ses commandements. Et ses commandements ne sont pas pénibles, parce que tout ce qui est né de Dieu triomphe du monde. » En travaillant sincèrement pour comprendre la réalité de l'amour de Dieu et pour obéir à la loi divine, nous nous voyons exprimer de plus en plus le bien divin, bien qui procure la joie et le bonheur véritables, voire l'amusement.
L'enfant prodigue emprunta un chemin difficile pour découvrir que le seul bonheur et le seul bien permanents étaient déjà dans la maison de son père. Il apprit, au cours d'une rude épreuve, que les promesses du péché sont des mensonges. Forts de cet exemple, nous n'avons pas besoin de nous égarer et de retrouver le chemin par la souffrance. Restons dans la maison de notre Père à travailler pour mieux percevoir les bienfaits qu'Il nous dispense chaque jour. Comprenons toujours mieux qu'il est possible de se libérer des restrictions du sens matériel, parce que nous sommes sans conteste les fils et les filles spirituels et impeccables de Dieu.
