A un ami:
Vous m’avez demandé comment je prie. Il n’y a pas très longtemps, j’ai eu l’occasion de réfléchir à la première phrase du chapitre sur la prière dansScience et Santé avec la Clef des Écritures [de Mary Baker Eddy, Découvreur et Fondateur de la Science Chrétienne]. Cette phrase souligne plusieurs aspects de la prière de guérison: « une foi absolue dans le fait que tout est possible à Dieu — une compréhension spirituelle de Dieu, un amour détaché de soi-même. » C’est à ce dernier élément que je pense en particulier aujourd'hui.
Il évoque à mon sens un amour dans lequel n’existe aucun concept erroné d’un moi distinct de Dieu, l’Esprit, capable d’agir de façon indépendante et d’être une cause par lui-même. Il implique un amour pour lequel toute identité véritable est inséparable de l’unique Dieu, l’Esprit, dont elle est l’image et la ressemblance spirituelles. Si, grâce à la prière, j’abandonne une idée fausse du moi, je peux laisser briller davantage la lumière divine. Comme l’a dit Christ Jésus (Matth. 10:39): « Celui qui conservera sa vie la perdra, et celui qui perdra sa vie à cause de moi la retrouvera. » Lorsque nous cessons d’entretenir l’idée que nous vivons en dehors de Dieu, notre expérience de l’amour de Dieu ne se trouve pas gênée par une mauvaise façon de voir et elle peut progresser plus librement. Nous sommes alors plus à même d’aimer les autres comme Dieu aime. Nous sommes moins susceptibles de les classer dans des catégories différentes, par religions, nationalités, races, classes sociales, ennemis, amis, et ainsi de suite.
Tout cela vous semble-t-il bien théorique ? C’est au contraire très pratique et je vais vous en donner un exemple.
Il y a bien des années, au plus fort de la guerre froide, j’ai dû faire un voyage en Europe de l’autre côté du rideau de fer. A la frontière, un garde est monté dans l’autocar pour vérifier les papiers d’identité. Quand mon tour est arrivé, il s’est arrêté et m’a donné l’ordre de descendre. De nombreuses personnes avaient disparu de cette manière pendant cette période. Le premier choc passé, mes pensées se sont tournées vers Dieu avec une ardeur presque désespérée. Tout d’abord, un faux concept d’identité a fondu dans cette prière fervente. Je n’ai pas bougé, restant assis à ma place malgré l’ordre qui m’était donné. Je n’avais pas l’impression qu’on s’adressait à moi. Dans le car régnait un silence glacial, chargé de crainte. Puis, j’ai senti comme si l’amour de Dieu pénétrait soudain. Je ne pouvais m’empêcher de sourire. J’étais à même d’exprimer cet amour envers l’homme qui se trouvait devant moi. Je ne voyais pas une personne dure, inflexible, susceptible de mettre ma vie en danger, mais l’homme que Dieu avait créé, entièrement bon. C’était un amour détaché de soi-même, un amour qui nous libérait l’un et l’autre d’un faux sens d’identité. C’était « l’amour de l’Amour » dont parle Mary Baker Eddy (Science et Santé,p. 319). Tel que je le voyais, dans son identité spirituelle la plus profonde, cet homme n’était pas une personne mauvaise, qui avait des soupçons et qui se trompait, c’était l’homme créé par Dieu, le reflet divin, inséparable de son Père. Nous n’avons échangé aucune parole. Soudain, il est descendu de l’autocar, pour y revenir quelques minutes plus tard me dire avec un grand sourire que je pouvais poursuivre mon voyage.
Depuis lors, je me suis efforcé de prier avec cet amour détaché de moi-même. Je ne prétend pas toujours y parvenir, mais je sens maintenant davantage que cet amour est nécessaire pour guérir par la prière.