L'importante lettre que nous connaissons sous le nom de Première épître aux Corinthiens donne la description la plus complète du culte chrétien qui soit parvenue jusqu'à nous par le Nouveau Testament. Elle fut écrite probablement au printemps de 55 de l'ère chrétienne. Elle nous fait entrevoir les premiers chrétiens sous un jour vivant, prenant leurs repas en commun, prophétisant et parlant en diverses langues. Elle effleure la condition des femmes de la congrégation corinthienne et traite des problèmes pressants de la moralité et du mariage — tout cela en fonction d'une préoccupation majeure: l'engagement à l'égard du Christ et de l'amour chrétien.
L'apôtre commence sa lettre par les salutations et les actions de grâces habituelles, puis il aborde le problème immédiat en ces termes: « Je vous exhorte, frères, par le nom de notre Seigneur Jésus-Christ..., à ne point avoir de divisions parmi vous » (1:10). Au lieu de former un groupe cohérent, certains disciples prétendaient qu'ils étaient « de Paul », certains « d'Apollos » ou « de Céphas » (Pierre) et d'autres « de Christ ». Paul réprouve ces disputes. « Christ est-il divisé ? Paul a-t-il été crucifié pour vous, ou est-ce au nom de Paul que vous avez été baptisés ? » (v. 12, 13).
Dans son introduction, il avait loué l'excellence de leurs propos et de leur connaissance. Il les engage maintenant à ne pas laisser la sagesse humaine remplacer le message de la croix. Dans la suite de sa lettre, Paul développe ce thème, opposant la sagesse tant vantée du monde aux suprêmes mais simples révélations de l'Esprit.
Pour lui, les dissensions des Corinthiens au sujet de la doctrine révèlent un manque de maturité spirituelle. Il montre clairement combien l'arrogance mondaine et la richesse des Corinthiens contrastent avec les privations humiliantes que lui et les autres apôtres ont dû subir pour la cause du Christ.
Quant à la moralité, les Corinthiens n'avaient-ils pas été lavés, sanctifiés, réformés, en devenant chrétiens ? A la lumière de la nouvelle voie adoptée, leurs anciennes voies ne peuvent en aucune manière être approuvées. « Glorifiez donc Dieu dans votre corps et dans votre esprit, qui appartiennent à Dieu » (6:20).
Ce fut peut-être à ce stade de la lettre que des messagers arrivèrent de Corinthe, avec la réponse longtemps attendue à sa missive originale (voir 16:17), car Paul aborde un nouveau sujet: «Pour ce qui concerne les choses dont vous m'avez écrit » (7:1). Ils avaient demandé si les chrétiens avaient tort de se marier; à quoi il avait répondu que c'était certainement une chose permise, voire recommandable lorsqu'elle s'avérait nécessaire pour maintenir la moralité, bien qu'il ajoutât: « Je voudrais que tous les hommes fussent comme moi; mais chacun tient de Dieu un don particulier » (7:7). Il traite ensuite plusieurs points concernant le mariage et le divorce — le tout dans la perspective de l'avènement imminent du Christ. « Car la figure de ce monde passe » (v. 31).
Un autre problème épineux pour la communauté chrétienne primitive concernait les aliments qui avaient été offerts aux idoles. Toute viande mise en vente aurait presque certainement été présentée aux dieux dans quelque temple. Les chrétiens devraient-ils s'abstenir entièrement de manger de la viande ?
Quelques-uns des Corinthiens, du moins, étaient certains d'avoir la réponse: il n'y avait pas de mal à manger des aliments offerts à des dieux qui n'existaient pas. Mais Paul pensait à la communauté chrétienne. Quels seraient les effets d'une liberté complète laissée à chacun ? Comment cela influerait-il sur la conscience d'un membre faible, peut-être converti récemment, tourmenté à la pensée qu'en mangeant de tels aliments il participait une fois de plus à un rite païen ? En tant qu'apôtre, explique Paul, lui-même aurait pu se sentir libre de faire beaucoup de choses, mais il renonça volontairement à sa liberté au service du Christ. « Soit donc que vous mangiez, soit que vous buviez, soit que vous fassiez quelque autre chose, faites tout pour la gloire de Dieu » (10:31).
Les femmes devaient-elles porter un voile à l'église ? Telle était la question suivante. La brève réponse de Paul peut sembler purement traditionnelle. Il insiste sur le maintien de cette coutume, que les femmes chrétiennes avaient héritée des juifs, et qui était un symbole de modestie. Il cite même, à l'appui, le chapitre deux de la Genèse — faisant remarquer que Dieu avait créé la femme en second lieu, donc inférieure à l'homme. Il change toutefois rapidement de sujet, pour aborder la situation chrétienne de l'homme et de la femme, non séparés l'un de l'autre « dans le Seigneur » (11:11).
C'était la coutume des églises primitives de tenir de temps en temps une agape, ou « repas de l'amour » auquel les disciples se retrouvaient pour être en communion. Au lieu de continuer à faire de ce repas une réunion fraternelle, les Corinthiens l'avaient laissé devenir un prétexte à la rivalité et à la gloutonnerie. Ici, Paul cite en exemple cet autre repas pris en commun, le repas du Seigneur, célébration chrétienne originale, et il donne une description solennelle et impressionnante de sa signification sacrée. La célébration du souper du Seigneur ne visait pas à satisfaire la faim, mais à se remémorer la vie de Christ Jésus.
Chaque membre de la communauté chrétienne, poursuit Paul, a sa part personnelle de « dons spirituels » (12:1). Un membre se signalera par sa sagesse, un autre par sa connaissance, un autre par sa foi, un autre par sa capacité de guérir. L'un se distinguera comme prophète ou sera capable de discerner ce qu'est la prophétie véritable, un autre encore parlera diverses langues ou les interprétera. Tous ces dons viennent du seul Esprit; de même que les parties du corps, chaque membre a son propre travail important à accomplir pour tous. « Aspirez aux dons les meilleurs. Et je vais encore vous montrer une voie par excellence » (12:31). (Par la suite, Paul expliquera que la prophétie intelligible est beaucoup plus utile à l'église en général que de « parler en langues » sans les interpréter.) Commence ensuite son essai mémorable sur l'amour, qui pourrait être plus justement décrit comme un poème — le chapitre treize de la Première épître aux Corinthiens.
La traduction « charité » familière aux lecteurs de la Bible anglaise, version King James, était en usage courant au dix-septième siècle; mais la traduction littérale du mot grec agape, « amour », a été adoptée par la plupart des traducteurs modernes. Dans ce seul mot « amour » Paul trouva une réponse aux problèmes de ses lecteurs. Quel meilleur antidote l'apôtre aurait-il pu offrir pour contrecarrer les dissensions, les jalousies et l'orgueil inclus dans la sagesse humaine des Corinthiens ? Tous les divers dons qui avaient occasionné une rivalité des plus déplacées parmi les convertis de Paul habitant Corinthe semblaient de peu d'importance, examinés à la lumière pénétrante de l'amour. Celui-ci brillerait pour toujours, alors que tous ces dons seraient tombés dans l'oubli.
Paul a maintenant presque terminé sa lettre, mais il y a encore un point à éclaircir pour ses lecteurs: il s'agit de la résurrection des morts. Ce qu'il dit ici au sujet de la propre résurrection de Jésus est le premier et le plus important des témoignages que nous ayons. Il cite ceux qui avaient vu le Maître après cet événement; il se considère du nombre, à cause de sa conversion. Quelques-uns de ses lecteurs avaient douté de la possibilité de la résurrection; aussi, il explique clairement que Jésus n'était pas seulement ressuscité des morts lui-même, mais qu'il avait montré la voie à d'autres, étant devenu « les prémices de ceux qui sont morts » (15:20). Lorsque le mortel revêtira finalement l'immortalité, s'accomplira la prophétie (v. 54): « La mort a été engloutie dans la victoire. »
Le chapitre final de cette épître, comme celui des autres, concerne surtout les salutations et les questions pratiques. Paul demande aux Corinthiens (comme il l'avait demandé aux Galates) de venir en aide à ceux de Jérusalem qui sont dans le besoin. Il compte bientôt se rendre à Corinthe et passer peut-être l'hiver avec les disciples. Après diverses instructions et exhortations, il termine cette importante lettre par ces douces paroles: « Mon amour est avec vous tous en Jésus-Christ. »