« A ton avis, Charlotte, le vrai bonheur, c'est quoi ? »
C'est en ces termes que j'interrogeais un jour à brûle-pourpoint une amie, une Canadienne en mini-jupe.
« C'est d'être mariée », répondit-elle comme l'éclair. (Elle ne l'est pas.)
« Mais, répliqui-je, il y a bien des mariages qui sont d'horribles histoires sans amour. »
« Alors, décida-t-elle après quelque réflexion, je crois bien que le bonheur c'est l'amour, qu'on soit marié ou non. »
Le bonheur est une drôle de chose. Quand vous l'avez, vous vous en apercevez à peine; mais quand vous ne l'avez pas, vous êtes tout malheureux et vous ne savez pas pourquoi. Vous pouvez assister à une soirée où absolument rien ne manque, et pourtant vous ennuyer. Vous pouvez décrocher la timbale lors d'une épreuve de natation et pourtant sentir que c'était là seulement un succès de peu de poids. En revanche vous pourriez faire quelque chose qui ne vaut même pas la peine d'être mentionné, comme par exemple d'aider la vieille dame d'à côté à changer ses meubles de place, même si vous n'avez pas le temps; ou bien peut-être retrouvez-vous votre meilleur camarade qui vient de passer un examen et qui a un air profondément dégoûté et alors vous faites un gros effort, vous vous coupez en quatre pour lui remonter un peu le moral: et tout à coup vous ressentez cet amour qui touche au plus profond de l'être, qui fait fondre toute la dureté de l'entendement mortel, cet amour qui donne le sentiment que tout vaut la peine ainsi que la satisfaction qui résultent de l'effort que nous faisons pour venir en aide à notre frère. Et vous retirez de cet amour une mesure de satisfaction totale, car il reflète les qualités de générosité, de sollicitude et de protection qui émanent de l'Amour divin. Le bonheur naît de savoir que l'on fait ce que l'on devrait faire, et c'est aimer que nous devrions faire sans cesse.
S'il y a quelque chose que les jeunes sont à même de déceler, c'est bien un amour insincère. Quelque chose leur dit que l'amour doit être honnête, spontané. Parfois, ils préféreraient passer pour tout à fait mal élevés plutôt que d'afficher une certaine affection envers quelqu'un qu'ils n'aiment pas réellement. Désirer ainsi être honnête en matière d'affection est une bonne chose. Personne ne désire réellement jouer la comédie.
Parce qu'il comprend que Dieu est Amour, et parce qu'il sait que l'homme est la ressemblance de Dieu, le Scientiste Chrétien est conscient de devoir aborder l'ensemble de l'existence et tous ceux qui la partagent, dans une disposition d'esprit pleine de véritable amour. Il désire aimer tout le monde impartialement parce qu'il sait que l'amour véritable ne tolère aucun favoritisme et ne prend pas position en matière de conflits de personnalités.
L'univers réel, aux yeux du Scientiste Chrétien, est créé par l'Amour infini, et toutes les relations qui s'inscrivent dans cet univers sont marquées par l'amour. Le Scientiste Chrétien a l'ardent désir de vivre cette réalité maintenant même « sur la terre comme au ciel ». Matth. 6:10; L'amour n'est pas autant quelque chose qu'il attend, que quelque chose qu'il se sent obligé de donner. Puisque l'homme que Dieu a créé est doué d'une immense capacité d'amour, nous n'avons nul besoin de retarder davantage le jour où nous nous mettrons à exprimer l'Amour divin de plus en plus, commençant ainsi à ressentir une satisfaction, un bonheur plus grands. Chacun peut, dès à présent, faire l'expérience de cette réalisation de soi-même, parce que chacun peut dès à présent refléter l'Amour divin.
Ce que dans notre monde chacun recherche, c'est l'amour véritable, un amour d'une grande portée, d'une grâce naturelle, et qui soit sage et doux. Sans lui, ni bouddhiste ni chrétien, ni « hippie » ni directeur général n'atteindra jamais le sentiment de sa plénitude. Toutefois la réponse ne consiste pas à se mettre en quête de quelqu'un qui va vous aimer. Il faut dire oui à l'Amour divin, ouvrir et remplir sa conscience à la source divine. Si on sent que l'on manque d'amour, c'est seulement parce qu'on ignore que l'Amour est toujours présent, s'exprimant totalement et sans cesse par l'homme.
Vous voyez-vous capable d'aimer d'un même amour les personnes les plus proches, celles que vous respectez le plus dans votre entourage, aussi bien que quelque ennemi que vous pourriez avoir ? Pourtant, c'est faisable, si vous entretenez un sens plus divin de l'amour. Aimer, c'est voir chacun en tant que l'idée parfaite de Dieu. Parfois, les Scientistes Chrétiens ont du mal à prouver cela, surtout devant quelqu'un pour qui ils n'ont jamais eu la moindre admiration. Mais avec un sens plus exact de l'amour, nous apprendrons tous à aimer, et sans hésitation, même ceux qui complotent contre nous.
L'amour spirituel est chaleureux et irrésistible. Dans la conscience de celui qui pourrait sembler humainement être la personne la plus antipathique, l'amour découvre, exalte et chérit l'étincelle divine. L'Amour divin n'est jamais anxieux de se procurer un gain; il a pour mission de donner sans compter, et sans exclure qui que ce soit. L'homme, en présence de l'Amour, vit perpétuellement dans un état de parfaite plénitude.
On peut percevoir et ressentir, dans l'existence humaine, l'amour de l'Amour. Il surmonte toutes les barrières que dressent l'orgueil et l'arrogance et emplit la conscience humaine de bienveillance et d'estime chrétienne. Cet amour n'est pas quelque chose à propos de quoi nous pouvons nous permettre de demeurer simplement dans l'abstrait. « La divinité du Christ fut rendue manifeste dans l'humanité de Jésus », Science et Santé, p. 25 ; écrit Mrs. Eddy. La divinité ne se tient nullement à l'écart, elle est toute tendresse et proximité.
Un sens pleinement satisfaisant de l'amour ne provient jamais en fait du mariage; mais on peut l'y apporter. Quand l'amour spirituel s'est établi au cœur de deux êtres qui s'aiment et se chérissent, amour qui constitue des liens permanents protégés par la loi morale, alors cette relation peut être une source d'enrichissement et de satisfaction, cependant que la croissance spirituelle l'élève et la purifie. Sans le sens plus divin de l'amour, sans les qualités spirituelles qui permettent de bénir, de conférer un caractère de noblesse et de vitalité à pareils liens, bien des jeunes ont découvert qu'un amour mutuel ne suffit pas à apporter le bonheur.
Quand un jeune homme et une jeune fille ont un sens profond de l'amour du bien résidant en chacun d'eux, quand ils veulent s'unir de manière à protéger et à voir s'accroître cette manifestation du bien, alors, leurs premières sorties à deux, leurs fiançailles, leur mariage, tout cela constitue un début plein de promesses. Leur mariage, reflet de l'Amour divin, bénéficiera d'une atmosphère de générosité, d'ampleur où chacun aura la place de croître spirituellement, de laisser le plan de Dieu pour chacun d'eux se dérouler sans rencontrer de résistance. Après des années de vie de famille dans l'intimité, l'amour aura préservé le respect qu'ils ont l'un pour l'autre; le pardon, et la foi en la valeur essentielle du compagnon de cœur auront invalidé le soidisant truisme: « La familiarité engendre le mépris. » Et si des problèmes venaient à surgir, on verrait que cet amour qui reflète le divin n'est marqué d'aucune amertume, et qu'il n'est nullement disposé à abandonner facilement en déclarant: « Je crois que ce mariage ne marchera jamais. » Selon le plan divin, tous les enfants de Dieu entretiennent entre eux des rapports harmonieux. En foi de quoi, il ne faut pas essayer de se dérober à ce problème de mésentente, quelle qu'en soit la nature, mais y faire face et le résoudre.
L'homme, notre moi réel, est l'idée de l'Amour et il n'a nul besoin de leçons sur l'amour. L'homme aime, parce que l'amour constitue sa nature et sa raison d'être. L'amour n'est rien de moindre que le cœur, le centre de la Vie. L'homme n'a pas à lutter pour l'amour et le bonheur qu'il apporte. Il goûte éternellement un amour du genre le plus satisfaisant et le plus inspirant qui soit. Il n'a pas un sens incomplet de l'amour — un amour qui soit par exemple tout force mais qui ne soit pas douceur. L'Amour divin a de multiples facettes: il est tendre, perspicace et dynamique. Seul l'Amour, dans sa profondeur et son étendue infinies, est à même de souder ensemble, sans cruauté d'aucune sorte et sans conflit, les éléments qui forment notre univers.
Pour l'être qui ne se sent pas aimé mais mis à l'écart, le manque d'affection peut constituer, dans l'existence humaine, la pire des souffrances. Mais personne ne peut se trouver exclu de l'Amour toujours prêt à donner, de l'Amour, tendre berger, qui nous guide. Nous pouvons tous, au moyen de la prière, nous rapprocher du vrai sens de Dieu en tant qu'Amour; jusqu'à ce que nous puissions, comme David, déclarer avec sincérité: « L'Éternel est mon berger: je ne manquerai de rien. » ps. 23:1; Lorsque vous vous appuyez sur l'Amour en tant que votre Principe divin, alors toutes les qualités de l'Amour telles que « le bonheur et la grâce [vous] accompagneront tous les jours de [votre] vie, et [voushabiterez] dans la maison de l'Éternel jusqu'à la fin de [vos] jours ». C'est-à-dire qu'à chaque instant vous serez conscient de la présence de tout l'amour dont vous pourriez avoir besoin, indépendamment de la présence ou de l'absence de ceux qui vous plaisent. Et ne vous attendez pas à vous sentir seul.
De nos jours, on entend beaucoup parler de manque d'affection, d'incapacité d'atteindre aux aspirations les plus élevées de l'individu; et on ne peut s'empêcher de se demander si ce n'est pas là un cas d'hystérie collective, à l'échelle nationale. C'est à croire qu'il y a peu de gens qui sont conscients du fait que seul l'Amour divin peut fournir la réponse à ce qui, dans l'ensemble, paraît être un problème par trop humain. Bien des gens, pour découvrir ce qu'est l'amour, s'en rapportent à des manuels traitant du mariage ou du sexe. En fait, pour une jeune fille, la mise en jeu de ses sentiments les plus profonds risque de lui causer des problèmes troublants; et pour un jeune homme, cela pourrait très bien le rendre inapte aux aspirations d'un mariage stable. Ce serait là prendre un risque les éloignant du chemin où se trouvent cette maîtrise de soi et cette spiritualité susceptibles d'apporter à leurs futurs enfants une santé meilleure, une intelligence plus vive. Ce serait aussi renoncer au sens de protection que l'on ressent en vivant les lois morales et spirituelles édictées par le Principe; de plus, on court le risque de nuire à l'être que l'on prétend aimer.
Les conseils que Mrs. Eddy donne à propos du mariage apportent une aide qui permet de choisir comme il faut un conjoint, et d'établir solidement les liens pleinement heureux du mariage. Ceux qui suivent ses conseils, qui désirent faire ce qu'il faut en vue d'exprimer un sens plus divin de l'amour, ne manqueront pas d'en récolter les bons résultats inévitables. Il n'est nullement nécessaire de vivre avec un sentiment de profonde insatisfaction si l'on consent à étudier et à mettre en pratique les enseignements du chapitre sur le Mariage que l'on trouve dans Science et Santé. Bien sûr ces conseils n'auront pas la moindre portée si l'on n'est pas disposé à explorer les possibilités pratiques qu'offre l'Amour divin. Il faut se montrer désireux d'abandonner un concept erroné de soi-même, de son conjoint; désireux de battre en brèche, quand cela s'impose, les croyances qui étayent le sentiment chronique d'insuccès.
On dirait que l'existence matérielle a été conçue avec malveillance et de propos délibéré afin de bloquer la route du bonheur individuel en y élevant des barrières à l'amour, à chaque tournant: « Je ne trouve personne à aimer dans cette horrible vieille ville; je serais bien étonné d'y jamais trouver quelqu'un qui puisse m'aimer; ceux que j'aime, d'habitude ne m'aiment pas; et ceux qui m'aiment, d'habitude je ne les aime pas le moins du monde. »
C'est là ce que marmonne l'entendement mortel égocentrique, sans imagination et sans amour, cet ignare de la plus belle eau dans le domaine de « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». C'est là aussi un des stratagèmes diaboliques que l'entendement mortel utilise afin de s'assurer que vous n'aimerez jamais personne en dehors de vous-même, puisque l'égoïste ne parviendra jamais à s'accomplir. Pour parachever le tout, ce même entendement suggère qu'un jour quelqu'un viendra que vous pourrez aimer et qu'alors votre vie atteindra à sa plénitude. Bien entendu ce quelqu'un ne se présente jamais à moins que chaque jour votre pensée ne s'élève avec amour vers tous ceux qui croisent votre route, vous permettant ainsi de reconnaître ce quelqu'un, que ce soit lui ou elle, lorsqu'il paraîtra, et lui permettant aussi de vous reconnaître. Ce sont ceux qui aiment qui attirent le mieux les cœurs aimants.
Mais si les qualités attrayantes de l'amour semblent vous manquer, que faut-il faire pour les posséder ? Suffira-t-il de serrer les dents et de faire un gros effort ? Le Scientiste Chrétien apprend de bonne heure que l'on ne peut pas fabriquer l'amour dont on aime quelqu'un; on peut seulement le refléter. Après tout, l'Amour divin ne constitue-t-il pas la racine, la cause première de tout être réel y compris le vôtre; la substance et la condition de toute existence réelle y compris la vôtre; n'est-il pas le créateur et la motivation de toute pensée, de tout sentiment réels y compris les vôtres ? L'Amour est le Tout inéluctable et omni-actif, et l'homme n'a rien d'autre à faire que d'être l'effet de l'Amour, la conséquence de l'Amour et l'expression authentique de l'Amour manifestant ainsi sa propre chaleur, sa propre harmonie. C'est là, concernant votre être véritable, le fait imprescriptible — vous concernant tel que vous êtes et demeurerez de toute éternité. Et qui donc alors mieux que vous aurait la capacité innée d'exprimer l'amour ?
Au lieu de remettre à plus tard l'expérience de cette énorme satisfaction qui découle de la véritable affection, chacun peut commencer par aimer ceux qui justement se trouvent dans son entourage à l'heure actuelle. Il peut commencer par ceux qui l'agacent, ceux qui lui témoignent de l'hostilité ou qui au contraire le laissent froid, et ce, en détachant mentalement de l'individu les caractéristiques odieuses de l'entendement charnel, bien résolu à ne voir que l'homme que Dieu a créé. Il peut exprimer une réelle affection spirituelle envers des libéraux par exemple (s'il est conservateur), envers les nègres et les orientaux (s'il se fait qu'il est de race blanche), les méridionaux (s'il est du nord), et inversement. Et la Science Chrétienne peut l'aider à aimer tous ceux qui semblent avoir le plus besoin de son amour.
La Bible nous dit: « Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique. » Jean 3:16. Christ Jésus vint sur terre pour aimer l'humanité et il accomplit de façon hors pair l'œuvre de sa vie. En toutes circonstances, il aimait les humains exactement de la manière dont ils avaient alors besoin d'être aimés, et cet amour transformait leur existence. A grands cris, le monde demande à recevoir davantage de cet amour et rien n'apportera à vous et moi un plus grand bonheur que d'aimer le monde de la plus pure affection dont nous soyons capables.
Par exemple l'étudiant aux mobiles désintéressés qui sert comme volontaire dans le Peace Corps, enseignant à quelque fermier du Nigéria comment obtenir de meilleures récoltes, est certainement en train d'en apprendre davantage sur l'amour et d'atteindre un sens plus profond du bonheur que ne le fait son homologue courant une aventure amoureuse avec quelque jeune fille dont il se soucie véritablement fort peu.
Le second s'attendre à ce qu'un jour le mariage lui apporte un sens d'amour et de plénitude; mais sans un sens plus profond de l'amour il pourrait bien ne jamais y parvenir. Tandis que le premier apportera au mariage, à tous ses rapports avec les autres et à tout ce qu'il entreprendra, le sens d'amour et de plénitude qu'il a déjà.
