Depuis tout un temps un souffle de révolution religieuse balaie les campus universitaires de par le monde. Il représente un sentiment de désillusion quant à la religion organisée. Tandis que dans chaque localité on ressent de plus en plus le choc que provoque cette réaction contre le culte ritualiste et « la philosophie en pantoufles », il est important de remarquer que l'on trouve en même temps, derrière le bouleversement et l'effondrement si regrettés des valeurs morales, derrière la violence et les conflits civils et raciaux, l'urgente recherche d'une conviction.
Comment les églises filiales et les organisations universitaires de la Science Chrétienne peuvent-elles être réellement mieux adaptées et orientées vers l'action en vue d'affronter les crises de cette décennie ? Que trouve-t-on derrière l'effort qu'accomplit individuellement chaque Scientiste Chrétien cherchant à découvrir des convictions toutes fraîches ?
La même réponse s'applique aux deux questions. C'est le besoin fondamental de servir. Ni les doctrines ni l'idéologie ne sauraient entraver l'idée de vrai service. Aujourd'hui, plus que jamais auparavant, chaque église est placée devant la nécessité de libérer de son caractère abstrait l'amour du prochain, et de le traduire en un amour envers l'individu qui s'exprimera en lui rendant véritablement service.
Et quelle idée nous faisons-nous du service ? Il se peut qu'elle ait un rapport étroit avec notre vie au foyer, avec le travail de comité d'église, avec certains plans salutaires mis sur pied par quelque entreprise, ou même avec quelque activité d'assistance sociale basée sur l'effort individuel. Les raisons de pareils efforts sont louables; mais si nous nous contentons de substituer notre activité à une conviction réellement spirituelle tandis qu'elle devrait en découler, alors, à l'instar de Marthe, nous aurons placé l'efficience humaine avant le Christ sur notre échelle des valeurs. Comme Marie, il eût fallu que nous recherchions d'abord la force et la douceur de l'idée-Christ. Pour que l'engagement soit valable, il faut que la conviction le précède.
« Je suis au milieu de vous comme celui qui sert. » Luc 22:27; Ces paroles de Jésus que rapporte Luc nous font songer aux deux commandements dont il se servit pour résumer tout le décalogue mosaïque. Jésus dit en effet: « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, et de toute ta pensée. C'est le premier et le plus grand commandement. Et voici le second, qui lui est semblable: Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Matth. 22:37–39;
Ces deux commandements figurent au cœur de l'évangile de Jésus. A mesure que, dans notre existence, nous mettons ces commandements au premier plan, nous ressentons la fraîcheur éternelle du Christ et son influence curative.
Nous pourrions remarquer l'ordre dans lequel ces deux commandements sont donnés. Cet ordre n'a rien d'arbitraire. Notre Maître n'a pas placé en tête le deuxième commandement. Ainsi que beaucoup d'entre nous en sont conscients, un des aspects de la révolution actuelle de la pensée porte sur la mise en valeur de l'humanisme en guise d'alternative de l'orthodoxie chrétienne. Cela s'est traduit en majeure partie par un désir assurément sincère de mettre le second commandement de Jésus en pratique, mais sans toutefois faire grande attention au premier. On a qualifié d'archaïque l'intérêt que l'on peut porter à la Divinité. Pourtant, peut-on aimer son prochain sans savoir à peu près ce que c'est qu'aimer Dieu — que L'aimer de tout son cœur, de toute son âme et de toute sa pensée ? Sommes-nous à même d'aimer, sans nous rapprocher tout d'abord de la source même de l'amour ?
Si nous ne découvrons pas par nous-mêmes la portée du premier commandement que nous donna le Maître, nous ne saurions réellement obéir à son second commandement qui, même d'après les normes humanistes, fournit la mesure de tout véritable service. Il est essentiel de comprendre cet ordre de priorité.
Servir, au sens le plus élevé du terme, c'est partager. Mais, puis-je partager avec autrui ce qui ne m'appartient pas véritablement, c'est-à-dire ce que je n'ai pas véritablement compris ? Parce que la compréhension est spirituelle par essence, elle constitue un éveil à la vérité spirituelle. Avant que nous n'en ayons pris conscience, la vérité existait. C'est dans le mouvement des idées spirituelles que l'on doit trouver le Christ, la Vérité — la seule action véritable qui soit — et jamais dans le simple labeur, dans la simple activité physiques. Et il nous faut ressentir et vivre activement ce qui nous est révélé en tant qu'idée spirituelle.
Ce qui, pour la plupart d'entre nous, fait inévitablement suite à la découverte de quelque chose de merveilleux et de nouveau, c'est le désir de le partager avec autrui. Nous avons tous un jour été l'enfant qui découvre quelque chose pour la première fois. Tout à coup, nous étant éloignés de nos parents ou de nos amis, nous avons découvert cette chose — c'était peut-être une pierre dont les veines de quartz étincelaient à la lumière, ou bien la mer que nous apercevions pour la première fois, ou encore un lézard qui se chauffait au soleil. Quelle émerveillement, et quelle émotion ! Comme l'éclair, nous avons couru en criant: « Papa, Papa, viens voir ce que j'ai trouvé ! »
L'émerveillement, la joie, la fraîcheur, l'innocence, ainsi que d'autres qualités spirituelles, voilà ce qui caractérise la compréhension. Et il faut que la compréhension se communique, parce que la Vérité est inséparable de sa propre dissémination par le truchement de ses idées. C'est alors que le véritable partage devient le véritable service.
Mrs. Eddy fournit à l'humanité la norme de tout véritable service chrétien lorsqu'elle écrit à Première Église du Christ, Scientiste, New York: « En tant qu'élément actif d'un ensemble prodigieux, la bonté identifie l'homme avec le bien universel. Ainsi Chaque membre de cette église peut s'élever au-dessus de la question si souvent posée: Que suis-je ? jusqu'à la réponse scientifique: Je suis à même de communiquer la vérité, la santé et le bonheur; c'est là le roc de mon salut et ma raison de vivre. » The First Church of Christ, Scientist, and Miscellany, p. 165;
Tous les chrétiens sont conscients de la grandeur du service que Jésus a rendu à l'humanité. Il n'était rien moins qu'un ermite. Bien sûr, seul il se rendit dans le désert, et solitaire il grimpa au sommet des montagnes. Mais après chaque grande expérience de communion avec Dieu, le Maître ne se retirait pas en quelque asile souterrain. Il revenait auprès de ses disciples et du peuple. Il revenait pour partager l'ardeur de cette vision qu'il conservait vivante; il revenait pour servir, pour passer à l'action, communiquant « la vie, la santé et le bonheur ». Et c'était là assurément le roc de son salut et de celui de tous les hommes. Il est clair que pour Christ Jésus, servir c'était partager, et un tel partage constituait la totalité de son enseignement et de son ministère de guérison.
Par ailleurs, si le désir de partager, de communiquer activement, ne résulte point de ce que nous avions senti être la révélation de quelque vérité spirituelle, alors nous devons mettre en doute la validité de cette révélation. Comme nous venons de le voir, c'est grâce à notre éveil aux idées spirituelles que le Christ nous est révélé. Les idées spirituelles apportent la guérison. Et elles l'apportent, lorsqu'on les reconnaît vraiment soit suite aux directives que nous aura données un praticien, soit suite aux recherches sincères auxquelles nous nous serons livrés nous-mêmes dans la Bible et dans les écrits de Mrs. Eddy. Les idées spirituelles guérissent lorsqu'on les reconnaît vraiment, qu'on les aime profondément et qu'on les partage avec autrui de tout cœur. Lorsque notre engagement moral découle de notre conviction, nous servons véritablement notre prochain. C'est un véritable service, parce qu'il consiste d'idées ayant leur source en l'Amour divin.
Chaque individu a la capacité innée de sentir profondément ce que Dieu lui communique. Bien entendu, cela ne s'arrête pas là. La révélation et la conviction engagent le Scientiste Chrétien vis-à-vis de Dieu; servir et partager l'engagent vis-à-vis de la localité et du monde. Encore une fois, nous retrouvons ici le premier et le second commandement de Jésus, et dans cet ordre. Si, comme nous l'avons vu, notre concept du service ne devait nullement s'appuyer sur la conviction spirituelle, notre service s'avérerait alors, de toute évidence, infructueux. Dans notre travail à l'église ou au foyer, dans les affaires, dans les taudis des faubourgs, à l'université ou sur le champ de bataille — partout où la conviction atteste notre loyauté à l'égard du premier commandement de notre Maître — là même Dieu bénit et protège notre service ou notre engagement.
Voilà donc comment le Scientiste Chrétien est orienté vers l'action, sans être pour autant un simple activiste. Mrs. Eddy écrit: « La tendresse, la Vérité et l'Amour inspirent ceux dont la pensée est spiritualisée. Toute la vie de Christ Jésus, ses paroles et ses actes démontrèrent l'Amour Si nous ne manifestons pas cette même inspiration et le pouvoir de guérir et de sauver qu'elle confère, nous n'offrons aucune preuve d'être des Scientistes Chrétiens. L'énergie qui sauve les pécheurs et guérit les malades est divine: et l'Amour en est le Principe. Le christianisme scientifique met en œuvre la règle de l'amour spirituel; il rend l'homme actif, il l'incite à être invariablement bon, car l'ego, ou le moi, va auprès du Père, en sorte que l'homme est semblable à Dieu. » Message to The Mother Church for 1902, p. 8.
« Je suis au milieu de vous comme celui qui sert. » Le service dont parlait Jésus concernait d'abord Dieu, la Vérité. Le service qu'il rendait à l'humanité émanait de l'immensité d'un tel amour. Notre amour envers l'homme — s'il est réel — est animé directement par notre amour pour Dieu. Et ceux qui croisent aujourd'hui même notre chemin devraient ressentir la présence du Christ en nos cœurs.
Il faut, en tant que chrétiens, que nous soyons convaincus de la congruité et de la force de l'évangile de Jésus en ce qui concerne chaque individu, dans chaque localité. Il faut, en tant que Scientistes Chrétiens, que nous donnions les preuves accompagnant une telle conviction. La force et la congruité de l'évangile de Jésus possèdent maintenant même — grâce à la révélation de Mrs. Eddy — une efficacité curative dont peut se prévaloir chaque individu, dans chaque localité du monde entier. Ce n'est que dans la mesure où le Scientiste Chrétien agit dans sa localité « comme celui qui sert », qu'on le reconnaîtra peu à peu comme orienté vers l'action, selon l'acception la plus juste de cette locution.
