L'histoire de l'humanité est habituellement représentée comme le récit d'une lutte longue et pénible contre la nature, par laquelle des générations de mortels se sont, à travers les âges et par lentes étapes, adaptés à leur milieu matériel pour en retour le modifier à leur propre avantage.
Nous lisons cependant comment, après s'être protégé contre la faim et la soif, contre les changements extrêmes du temps, contre les bêtes sauvages et les tribus hostiles, l'homme mortel se mit à rendre son existence plus confortable et plus variée; comment au cours des siècles il fit des découvertes remarquables dans les transports, les communications, l'agriculture, le commerce et l'industrie. On nous montre comment il s'est mis, plus tardivement, à extirper ce qu'il croit être les causes de la famine et de la maladie. Encore plus récemment, il a démontré un contrôle nouveau sur la nature par de nombreux succès technologiques. Néanmoins, le monde est encore affligé de temps à autre par des désastres, sécheresses et tremblements de terre, supposés échapper largement au contrôle humain. Pour une grande partie de l'humanité, l'existence passe encore pour un combat prolongé contre la nature qui doit se terminer seulement par la mort, considérée elle-même comme un phénomène naturel.
Indépendamment de ce combat involontaire et apparemment inévitable contre leur milieu, les hommes ont, de tout temps et particulièrement dans les époques récentes et plus civilisées, recherché à plaisir des aventures et des exploits qui représentent autant de défis à la nature sauvage. De plus, on prétend parfois que ces exemples encourageants montrent vers quelle sorte d'activités inoffensives et utiles il convient de diriger l'instinct remuant et combatif de l'humanité. Si la pratique de la guerre, dit-on souvent, doit être bannie de l'expérience humaine, il faudra trouver quelque activité paisible correspondante, ou quelque équivalent moral; et la plupart soutiendront qu'au stade présent de la pensée humaine, une telle compensation doit nécessairement inclure un élément d'effort physique et de lutte consciente.
Il y a sans doute quelque chose d'attrayant dans cette notion de lutte contre la nature. En effet, il est difficile de concevoir aucun progrès sans quelque effort pour l'atteindre. Néanmoins, quand on l'examine à la lumière de la Science Chrétienne, on voit qu'elle repose sur de fausses hypothèses, car la notion d'un combat entre l'humanité et la nature implique leur désaccord: la nature est hostile aux aspirations et aux efforts de l'humanité, ou neutre dans le meilleur des cas. Elle implique aussi que l'homme est moins que le reflet de Dieu; il lui faut quelque chose qu'il ne possède pas déjà; par conséquent il est incomplet, imparfait, un peu inharmonieux; il est en outre animé par une volonté personnelle faillible, qui peut se heurter aux autres volontés. Elle implique aussi nécessairement que l'homme comme la nature sont, du moins en partie, matériels. De telles suggestions sont incompatibles avec le vrai caractère de Dieu, de l'homme et de l'univers.
La Science Chrétienne nous apprend qu'en réalité rien n'existe que Dieu et ce qui L'exprime; Dieu est Esprit, Entendement, Amour; par conséquent l'homme et l'univers sont spirituels, intelligents, affectueux. Les philosophes stoïciens d'autrefois, comme les modernes panthéistes, croyaient que Dieu et la nature sont un, mais pour eux, la substance divine était matérielle. Tel n'est pas l'enseignement de la Science Chrétienne. Comme l'affirme Mary Baker Eddy, qui l'a découverte et fondée: « Dans un sens Dieu est identique à la nature, mais cette nature est spirituelle et ne s'exprime pas dans la matière » (Science et Santé avec la Clef des Écritures, p. 119). Dans la Science, nous le voyons donc, l'homme et la nature sont également spirituels, également des manifestations de l'unique Entendement qui possède toute intelligence, tout amour, toute puissance. Il serait absurde de supposer que les idées de cet Entendement puissent se blesser les unes les autres, se heurter de quelque manière ou se trouver en désaccord. Au contraire, puisqu'ils sont les deux des expressions actives de l'Amour omnipotent, ils ne peuvent que coopérer. Cette pensée donne une signification nouvelle et pratique à une affirmation comme celle de Job (5:23): « Car tu auras fait alliance avec les pierres des champs, et les animaux sauvages seront en paix avec toi. » En effet, dans la réalité de l'être, toute lutte est exclue par le fait que seuls existent l'Amour et ses manifestations.
Comment donc la notion d'une lutte avec la nature matérielle s'est-elle si profondément enracinée dans la conscience humaine? C'est que les sens matériels ont donné une fausse image de l'homme et de l'univers et qu'elle les représente tous deux comme matériels, imparfaits et totalement dissemblables à Dieu, l'Esprit. Mrs. Eddy l'explique ainsi dans Science et Santé (p. 118): « Les définitions de la loi matérielle, telles que les donnent les sciences naturelles, représentent un royaume nécessairement divisé contre lui-même, parce que ces définitions dépeignent la loi comme étant physique, non spirituelle. Par conséquent elles contredisent les décrets divins et violent la loi de l'Amour, dans laquelle la nature et Dieu ne font qu'un et l'ordre naturel du ciel descend sur la terre. »
Il n'est pas nécessaire, cependant, d'accepter l'image erronée. Les Scientistes Chrétiens savent par expérience que, dans la mesure où ils la rejettent et gardent dans la conscience l'idée véritable de l'homme et de la nature entièrement spirituels, la croyance humaine de lutte et de limitation cède au fait scientifique de l'harmonie et de la domination. Christ Jésus le démontra lorsqu'en chassant l'illusion d'éléments déchaînés sur la mer de Galilée, il fit apparaître au sens humain le calme de la réalité spirituelle.
En réalisant les faits spirituels de domination et d'harmonie et en les utilisant dans la pratique, nous nous apercevons que l'élimination des conflits ne signifie pas la fin des inventions et des améliorations, ni même d'une vie féconde et joyeuse. Cela marque seulement la fin de tout ce qui semble entraver de justes activités par l'incertitude et la souffrance, qui sont des expressions de la matérialité. La spiritualisation de la pensée libère de ces servitudes le concept de progrès, de sorte que l'idée véritable en apparaît clairement.
Ainsi, en pensant juste, les hommes peuvent atteindre et atteignent le but qui consiste, selon l'expression habituelle, à contrôler la nature ou à modifier le milieu humain. Lorsque nos pensées changent, notre milieu change, car, comme nous l'apprend la Science Chrétienne, nous vivons dans un monde de pensées — un monde qui au sens erroné incarne la pensée matérielle et mortelle, mais qui en réalité se compose des idées parfaites et immortelles de l'Entendement qui est l'Amour. Mrs. Eddy écrit (Miscellaneous Writings, p. 331): « Parmi les feuilles mortes des religions d'autrefois, au-dessus de la couche gelée des credo et des dogmes, la force divine de l'Entendement, remplissant tout l'espace, possédant tout pouvoir, élève la terre. Dans une solitude sacrée, la Science divine transforme la nature en pensée et la pensée en choses. Ce Principe suprême et potentiel règne dans le royaume du réel, étant “Dieu avec nous”, le Je suis. Lorsque les mortels se réveillent de ce rêve de la sensation matérielle, ils comprennent ce Dieu adorable qui inclut tout ainsi que tous les hiéroglyphes terrestres de l'Amour. » Un tel réveil, une telle compréhension, un tel déroulement de la réalité doit fournir tous les éléments d'un progrès et d'un achèvement véritables, et mettre en lumière la domination de l'homme sur toute la terre.