Parmi ceux qui étudient la Bible, beaucoup ne semblent guère se douter qu'on trouve dans les saintes Écritures un ordre dont on pourrait dire que c'est le onzième commandement — l'ordre d'être reconnaissant. Semblable au motif plein de charme qui paraît et reparaît dans une symphonie, l'appel adressé au cœur humain pour l'inviter à entretenir et à refléter la gratitude revient maintes fois dans les livres sacrés.
Ayant été délivrés de la servitude subie en Égypte, les enfants d'Israël furent sans cesse mis en garde contre le péché de l'ingratitude. « Garde-toi d'oublier l'Éternel, ton Dieu,... » disait Moïse, « de peur qu'après avoir mangé et t'être rassasié,... après avoir vu..., augmenter... tous tes biens,— ton cœur ne vienne à s'enorgueillir... Garde-toi donc de dire en ton cœur: C'est ma force et la vigueur de mon bras qui m'ont procuré ces biens! Souviens-toi de l'Éternel, ton Dieu. » Puis il ajoute, comme avertissement adressé aux hommes qui oublient Dieu, source de tous les biens; à ceux qui ne reconnaissent pas avec obéissance et gratitude la délivrance divine: « Certainement, vous périrez! » Le cœur ingrat se prive de la joie qu'apporte la compréhension de la vie réelle.
A diverses reprises, Israël obtint de grandes délivrances; malheureusement dans bien des cas le peuple négligea l'ordre d'être reconnaissant et tomba par la suite dans une servitude plus cruelle encore. Lorsque Josaphat et son armée furent menacés par des envahisseurs qui les surpassaient de beaucoup en nombre, une catastrophe semblait inévitable; mais le roi établit des chantres qui devaient marcher à la tête de l'armée pour chanter des louanges. En présence de ces actions de grâces, l'erreur se détruisit ellemême. Et l'on trouve ensuite dans la Bible ce passage significatif: « Puis tous les hommes... reprirent joyeusement le chemin de Jérusalem; car l'Éternel les avait remplis de joie en les délivrant de leurs ennemis. » Cette narration illustre d'une manière frappante les heureux résultats de l'obéissance à l'ordre d'être reconnaissant.
Ailleurs le Psalmiste David nous offre l'admirable tableau d'un cœur pénétré de reconnaissance. Le fils d'Isaï n'était pas toujours dans une situation favorable; mais que de fois, alors qu'il était aux prises avec un problème difficile, il priait Dieu et bénissait Son saint nom! Nous en avons un exemple au psaume cinquante et un, que le roi écrivit lorsqu'après s'être livré au péché, il se réveilla spirituellement; ce psaume remarquable exprime un profond repentir et la gratitude touchant l'éternelle miséricorde de Dieu. On voit que David connaissait un remède assuré contre l'affliction, le péché, la défaite, la haine. C'était l'obéissance aux ordres de Dieu; et le Psalmiste avait de telles preuves que la gratitude inspirée par la loi divine produit des résultats certains, qu'il invitait tous les hommes à louer Dieu et à Lui rendre grâces sans se lasser. David prouva véritablement qu'il est bon « de célébrer l'Éternel. »
Et dans la vie du maître Chrétien, quel exemple de reconnaissance continuelle touchant le pouvoir et la présence du Père! Avant de nourrir la foule avec quelques pains et quelques poissons, et de donner ainsi une preuve inouïe concernant les capacités dont l'homme dispose pour rompre les limitations, Jésus leva les yeux au ciel — détourna ses regards du témoignage sensoriel étroit, entravant — et rendit grâces. Qu'est-ce qui suscitait cette reconnaissance? Ce n'était certes pas le tableau qui se présentait à lui, la foule à jeun et les provisions insuffisantes. N'était-ce pas au contraire la réalisation de ce fait: puisque l'Amour divin est toujours présent, le manque d'un bien quelconque est simplement inadmissible? Si le Maître n'avait pas reconnu avec joie l'abondance de l'Amour, comme il le fit en rendant grâces, aurait-il pu donner cette preuve glorieuse?
Dans d'autres circonstances très remarquables, Jésus exprima sa gratitude avant même que la guérison se manifestât: c'était au sépulcre de Lazare. La suggestion mesmérique du chagrin se montrait de toutes parts. Marie elle-même y avait cédé, bien que sa pensée fût généralement spirituelle. Pourtant celle qui assise aux pieds de Jésus, avait accueilli les vérités de l'être immortel, devait en savoir assez pour maintenir sa pensée plus haut que l'argument du chagrin et de la désolation. Mais non; Marie pleurait, elle aussi. Quoi d'étonnant si le grand Maître « frémit en son esprit » lorsqu'il s'aperçut que l'entendement humain voulait exclure la vérité en s'attachant aux données des sens, à ce témoignage obscur et sans espoir? Quoi d'étonnant si lui-même pleura en constatant que ses amis ne découvraient pas l'erreur dont ils subissaient le joug? Le tableau qui se présentait au Métaphysicien par excellence impliquait une phase de mesmérisme qui ne pouvait être dissipée que si l'on soutenait radicalement les faits de l'être; et le Christ Jésus, sûr de sa filialité divine, fit dignement une chose extraordinaire. Laissons parler ici l'Évangile de Jean: « Alors Jésus leva les yeux au ciel et dit: Père, je te rends grâces de ce que tu m'as exaucé! Je savais bien que tu m'exauces toujours. » En présence de ce qui semblait être la mort, entouré de ceux qui en acceptaient la lugubre sentence, luttant peut-être lui-même contre ce mesmérisme, le Nazaréen puissant en œuvres obéit à l'ordre d'être reconnaissant; avec un hymne d'actions de grâces, il écarta l'image du « dernier ennemi. » La conviction de la vie immortelle dont jouit l'homme créé par Dieu; l'inébranlable compréhension du fait que le témoignage inharmonieux des sens est une hallucination — il fallait cela pour inspirer ces paroles du Sauveur: « Père, je te rends grâces. » Ainsi le Christ Jésus montra pour toujours au genre humain le remède prompt, puissant et réel qui permet de vaincre le chagrin, la maladie, le péché, l'inharmonie sous toutes ses formes. Ce remède consiste à obéir aux ordres que voici: être reconnaissant; marcher avec le divin Principe, l'Amour; vivre en communion avec les faits harmonieux de l'Ame à tel point que si l'on rencontre les tristes arguments du sens mortel, on sente jaillir spontanément dans la conscience les actions de grâces — on remercie Dieu parce que l'inharmonie est irréelle, inexistante, ne peut se produire, et parce que seul le ciel ou l'harmonie est proche.
Dans les églises Scientistes Chrétiennes, tous les mercredis soirs, ainsi qu'au culte annuel des Actions de grâces, les membres de l'assemblée peuvent exprimer leur gratitude concernant les bienfaits de la vérité rédemptrice; mais ceux qui étudient la Science Chrétienne se souviennent-ils toujours que le Manuel de l'Église nous prescrit d'être chaque jour reconnaissants? Mrs. Eddy écrit en effet: « La gratitude et l'amour doivent habiter le cœur chaque jour de toutes les années » (Manuel, Art. XVII, Sect. 2). Elle place ainsi devant le pèlerin lassé le phare de la joie. Se laisser conduire par cette radieuse lumière, c'est retrouver promptement la voie droite et resserrée qui monte toujours vers le ciel.
Dans une certaine famille de Scientistes Chrétiens, les enfants, instruits par leur mère, consacrent chaque matin quelques minutes à l'expression de leur reconnaissance pour tel ou tel bienfait. Ils font cela lorsqu'ils se réunissent pour déjeuner; et peut-on concevoir une plus belle préparation mentale en vue des expériences de la journée? Car il importe que selon les termes d'un cantique bien connu, nos « pensées qui s'éveillent » soient « éclairées par Tes louanges. » Avec quelle reconnaissance les Scientistes Chrétiens devraient penser à l'exemple que leur a donné leur bien-aimée Leader dans sa vie d'amour et de gratitude! Jamais elle ne cessa de remercier le Père concernant la glorieuse vérité qui lui avait été révélée. Lorsque la haine et l'opposition faisaient rage, à l'instar de David elle se répandait en actions de grâces; elle écrivait des hymnes célébrant la bonté ou la protection divines, et cette obéissance à la loi de gratitude lui permettait de trouver au-dessus des brumes le soleil de la Vérité. Il fallait qu'elle eût prouvé cette loi pour donner dans The First Church of Christ, Scientist, and Miscellany (p. 164) cette admirable définition de la vraie reconnaissance: « Qu'est-ce que la gratitude sinon une camera obscura puissante, une chose concentrant la lumière là où l'amour, le souvenir, tout ce qui se trouve dans le cœur humain est présent pour manifester la lumière? »