Aux temps anciens, l'homme qui sut se vaincre lui-même et fut appelé Israël, un soldat de Dieu, déclara: “Le sceptre ne s'éloignera point de Juda, ni le bâton du commandement d'entre ses pieds, jusqu'à ce que vienne le Schilo, et que les peuples se soumettent à lui.”
De nos jours, quand on voit les hommes se réunir en assemblées petites et grandes, en comités, en congrégations ainsi qu'en cohues tumultueuses, on cherche à découvrir la raison de tous ces rapprochements. Que présagent-ils? Avons-nous affaire à un effort organisé de subversion ou assistons-nous aux débuts d'une coopération plus équitable, symptôme d'une plus grande fraternité parmi les hommes? La victoire récente du Principe sur les forces destructrices du mal manifeste une tendance à l'harmonisation et à l'unification des peuples dans une cause commune de justice contre toute iniquité. La rupture de vieilles chaînes de servitude, de lois d'oppression dures comme l'airain, place plus d'un homme dans une situation inattendue: impossible de savoir où se tourner ni en qui se confier. La volonté ou la passion entraînent le genre humain avec d'autant plus de force qu'il ressent davantage sa confusion ou son ignorance. La tentative faite pour organiser et, en quelque sorte, codifier la pensée, met à nu les éléments réactionnaires et faux. D'autre part, il est certain que l'ordre se fait sentir dans le monde par l'organisation, quand celle-ci signifie fraternité et harmonie.
Dans le douzième chapitre de St. Luc, nous lisons ces paroles: “Cependant, le peuple s'étant assemblé par milliers, au point que les gens s'écrasaient les uns les autres, il se mit tout d'abord à dire à ses disciples: Gardez-vous du levain des pharisiens, qui est l'hypocrisie.” A mesure qu'une organisation grandit, les opinions et les volontés purement personnelles cherchent à jouer un rôle prédominant. Dans “La vie de Mary Baker Eddy” de Sibyl Wilbur, un chapitre intitulé “Conflit de personnalités,” montre les conséquences néfastes qu'entraînent des opinions, des volontés et des ambitions divergentes et désordonnées qui s'écrasent littéralement les unes les autres, aboutissant à une concurrence qui, à son tour, provoquerait inconsidérément toutes les catastrophes si, ne parvenant pas à avoir sa base dans le Principe, elle ne travaillait à sa propre ruine.
Le mal a appris à croire en la puissance de l'organisation; pourtant il ne se rend pas compte que la solidité de cette dernière ne dépend pas du nombre mais de l'intention. L'organisation n'est que le symbole et l'agent. Elle est nécessaire dans le monde aujourd'hui pour prouver aux sceptiques que le bien connaît le succès et qu'une foule humaine, soumise à la révélation de la Vérité, peut progresser avec un parfait ensemble, unie pour l'avancement du bien universel et impersonnel, malgré que la guérison de tous les êtres ne modifie en aucune façon la somme totale du bien dans l'univers véritable, car rien ne saurait être ajouté ou enlevé à la Vérité. Pour la pensée qui s'est éveillée, le voile ne fait que s'écarter davantage, en sorte que la présence éternelle de la Vérité se fait sentir plus ouvertement.
L'organisation spirituelle est le type de l'unité de l'homme et de Dieu, et, comme seul le semblable peut être uni au semblable, les êtres dont les aspirations sont pareilles peuvent demeurer ensemble en permanence. L'unité spirituelle n'est pas obtenue par l'union de l'homme avec l'homme, mais de l'homme avec Dieu, et, de ce fait, de l'homme avec l'homme, unis dans leur intérêt commun pour Dieu. Plus nous nous rapprocherons de la compréhension du Christ, plus nous nous rapprocherons de notre frère. Dans une organisation fausse, l'individualité véritable est perdue, tandis que dans une organisation normale, fondée sur l'unité spirituelle, elle ressort pleinement, car rien ne saurait être vraiment individuel qui ne porte pas l'empreinte et l'image de Dieu.
Toute agglomération humaine renferme une grande diversité de types. On vient à la Science Chrétienne par des voies fort différentes et l'éducation spirituelle ne laisse pas seule à désirer. A mesure que la croissance s'affirme, les opinions humaines sont délaissées, car Mrs. Eddy le dit: “Les opinions des hommes ne sauraient se substituer à la révélation de Dieu” (Miscellaneous Writings, p. 92). Pour chacun, le développement résulte d'une perception et d'une démonstration individuelles de l'idée-Christ. La pensée affranchie de la croyance que la vie et l'intelligence sont dans la matière, douée de ce fait d'une puissance consciente, devrait être dirigée et purifiée par l'étude attentive de la Bible et des œuvres de notre Leader, car “peu de savoir est chose dangereuse.” Si l'on considère les divers types de pensée qui viennent à la Science Chrétienne, les différences de rang social, de fortune, d'éducation, les professions et les croyances religieuses variées, les malades, les pécheurs, les affligés,— on reste impressionné par l'unité, l'harmonie et l'ordre qui prévalent dans le corps collectif du mouvement. Il ne saurait en être autrement si l'on considère l'esprit constructif dans lequel l'œuvre de Mrs. Eddy fut accomplie, et les remous le long des rives ne peuvent nullement affecter la force du courant de la Vérité.
On prétend souvent, et d'une façon superstitieuse, que des influences extérieures sont la cause des frictions et des échecs dans une organisation; toutefois dans une entreprise, les plus grands facteurs de disruption proviennent en général du dedans, non du dehors, et s'expliquent par l'absence du désir de vaincre le moi, de supporter une épreuve quelconque, par la satisfaction que donne la vue des résultats matériels aussi bien que par l'inhérente paresse de l'esprit mortel. Sur les influences qui affectaient l'église chrétienne primitive, voici les propres paroles de Clément: “Appelez cela zèle ou jalousie, par quoi il faut entendre l'orgueilleux étalage du moi; au fait, c'est la nature humaine qui ne manque jamais de protester contre toute atteinte portée à ses prétentions. Il ne s'agit pas forcément de sa malignité ou de sa bêtise, mais tantôt de ses passions, de son animalité, tantôt de son individualisme effréné, de sa cupidité, tantôt enfin de son inertie, de sa haine des changements même avantageux.”
Cette inertie, même en présence d'un progrès, subit aisément les contagions qu'engendrent la puissance de la volonté et les opinions personnelles, et accepte sans jugement des situations qui ne proviennent pas de l'action du Principe: c'est ainsi que pour un temps la pensée fausse règne en maître. L'harmonie dans le mouvement unifié est la conséquence du fait que l'individu parvient à se gouverner lui-même et à dominer sa nature. Jusqu'à ce qu'il en soit ainsi, nous connaîtrons les divergences. Toutefois, la vérité positive que renferme le corps du mouvement ne sera jamais affectée. Le sage a dit: “Celui qui est lent à la colère, vaut mieux que l'homme vaillant: Celui qui est maître de son cœur, vaut mieux que celui qui prend des villes.” La grande leçon qu'apprend une armée est celle de la proprediscipline dans l'obéissance. La grande leçon qu'enseigne la Science Chrétienne est celle-ci: “Reflétant le gouvernement de Dieu, l'homme se gouverne lui-même” (Science et Santé, p. 125).
Notre mouvement offre la forme d'organisation la plus haute dont les hommes puissent faire l'expérience, et son essence spirituelle aussi bien que son unité devraient être maintenues intactes, éventuellement par le renoncement individuel. C'est la marque de l'esprit chrétien de pouvoir sacrifier l'accessoire, tout en demeurant fermement attaché à la vérité spirituelle essentielle. Nos soi-disant ennemis nous confèrent le privilège de mettre à profit la faculté de pouvoir résoudre scientifiquement tous les problèmes. En affrontant les plus grandes tâches nous supprimons souvent les difficultés de moindre importance. Les faux bruits, les propos médisants, dûs pour la plupart à des suppositions, ne sauraient arrêter le travailleur véritable, mais il faut pour cela quelque mesure de l'esprit du Christ. Les suggestions et les autosuggestions, les formules et les contraintes, ne peuvent venir à l'appui de la démonstration. La valeur de la démonstration de Mrs. Eddy réside dans le fait qu'elle fut de taille à présenter au monde la vision de la Vérité dans toute sa beauté et sa diversité, dans sa profondeur, son ordre, sa simplicité et sa grandeur, fondée sur la démonstration et pour elle. L'étude et l'application seules permirent un tel résultat. La vision est suave autant que glorieuse; sa mise en pratique dans les affaires des hommes est parfois amère, néanmoins la vérité doit être rendue manifeste. Dans Science et Santé (p. 135) nous lisons: “Le christianisme tel que Jésus l'enseignait n'était pas un credo, ni un système de cérémonies, ni une dispensation spéciale d'un Jéhovah ritualiste; mais c'était la démonstration de l'Amour divin qui chasse l'erreur et guérit les malades, non pas simplement au nom du Christ, la Vérité, mais par la démonstration de la Vérité, comme cela doit être le cas dans les cycles de la lumière divine.”
La nation qui offre la forme la plus haute d'organisation politique, est celle qui est fondée sur la liberté religieuse. Dans des siècles reculés, la nation qui recevait la plus grande révélation de la Vérité était estimée la plus grande. La révélation de Dieu vint à une noble femme de la Nouvelle-Angleterre. A la cadette des grandes nations de langue anglaise a été conféré le privilège de restaurer le christianisme primitif, le droit de naissance et la bénédiction des premiers-nés dans la compréhension spirituelle. Représentative de tous les peuples fondus en un seul, et s'attachant fermement au Principe, elle doit, par son intégrité et son individualité, devenir le rempart du monde. Le droit de cité est aussi estimable que celui de membre d'église. La loi matérielle fut nécessaire pour réprimer l'indiscipline, et le législateur continuera son œuvre jusqu'à ce que les hommes se soumettent au mandat de l'Esprit qui parle dans le sanctuaire de la conscience. Ésaïe dit: “Il arrivera, aux derniers jours, que la montagne du temple de l'Éternel sera établie au sommet des montagnes, et s'élèvera au-dessus des collines. Toutes les nations y afflueront.” Le rassemblement du peuple, nous commençons à nous en apercevoir, s'opère autour de Schilo, dans le calme profond de son royaume, et c'est seulement dans la démonstration de l'esprit de l'idée-Christ que nous trouvons le repos et la paix, quels que soient les conditions et les sacrifices.
La démonstration individuelle accomplit dans le mouvement uni cette victoire sur “le monde, la chair et le démon” qui est nécessaire pour prouver aux autres que la Science Chrétienne est vraie. Chacun a sa place dans ce mouvement uni, dans cette grande armée du Seigneur, comme idée véritable de Dieu, en sorte que nul ne peut être un obstacle. Chacun peut être utile, dirigé par cet esprit qui fit écrire à Mrs. Eddy ces lignes (Miscellaneous Writings, p. 144): “Ayons aujourd'hui cette espérance dans nos cœurs, que nos vies visibles, des durs chevets de pierre de ce monde, s'élèvent à Dieu, espérance aussi précieuse à Ses yeux que le sera le rassemblement de Son peuple dans ce temple, aussi douce que le repos qui attend le juste, aussi vive que la brise d'une matinée d'été. Pareilles à l'histoire de la graine, puissent nos semailles terrestres produire une récolte dont la sève ait en elle l'inspiration du vin versé dans la coupe du Christ.”