Un après-midi, lorsque je traversais en automobile la vallée de San Joaquin en Californie avec deux de mes fils, notre attention fut attirée par ce qui semblait être une grande nappe d'eau couvrant la route devant nous et s'étendant sur une grande surface des deux côtés de la route. Nous observâmes le phénomène avec intérêt. Bien que, selon les sens, nous fussions séparés de notre home par l'infranchissable, les garçons n eurent aucune crainte, ayant déjà vu bien des mirages, et sachant qu'à de tels moments il n'y avait autre chose à faire que d'avancer comme si le mirage n'était pas là, et qu'alors il disparaîtrait de devant nous.
Cette expérience eut cependant pour moi une signification plus profonde. Je savais que cette apparence n'était qu'une illusion, mais je savais aussi que la Science Chrétienne declare que toutes les apparences matérielles sont des illusions, parce qu'elles sont l'inverse de la réalité spirituelle. Le cours de mes pensées était à peu près comme suit: Jésus nous a donne la règle par laquelle nous devons obtenir notre affranchissement de toute illusion; à nous de connaître la vérité,— et nous avons la promesse que la vérité nous affranchira. Comment nous affranchira-t-elle? En détruisant notre croyance a l'illusion matérielle; en nous guérissant de notre sens erroné. Nous savons tous qu'un mirage est une illusion; nous le savons absolument; nul besoin de travailler à le savoir. Alors, demandera-t-on, pourquoi ne disparaît-il pas? A ce propos je me rendais bien compte, au vrai j'étais absolument convaincu, que le mirage était une illusion, un sens erroné, cependant il était là, tout aussi réel à mes sens que lorsque je le vis pour la première fois. Puis le sens personnel raisonna ainsi: Si tu ne peux combattre quelque chose que, dans ton cœur et dans ton âme, tu sais absolument être une illusion, comment peux-tu jamais espérer combattre les prétentions du mal, de la maladie, du malheur, que, pendant de si longues années, tu as considérées comme réelles, et que le sens mortel et l'expérience physique ont toujours admises comme étant très réelles, et souvent même terribles?
Tandis que ces pensées occupaient mon attention, nous avions avancé rapidement, et je me rendis soudainement compte que nous étions arrivés à l'endroit où le mirage avait semblé être lorsque nous l'aperçûmes, mais que le mirage s'était retiré à mesure que nous avions avancé, et qu'il était encore à la même distance de nous. Alors je compris mieux cette promesse de Jésus: la vérité vous affranchira. Je savais qu'il n'y avait rien dans la présence de ce mirage qui eût le pouvoir de limiter ma liberté. Ma foi qu'il y avait devant moi une route dégagée n'était pas obscurcie. Le mirage ne m'avait pas empêché d'avancer, je ne m'étais pas non plus détourné de mon chemin, faisant quelques milles de plus pour éviter cette apparente nappe d'eau infranchissable, qui, selon le témoignage de mes sens, s'étendait sur le pays où notre route nous conduisait directement. Je n'en avais été ni troublé ni incommodé. Au fait, l'apparition était tout au plus une expérience intéressante par la raison que je savais que c'était une apparition qui, bien qu'elle cachât momentanément la route devant moi, avancerait cependant ou disparaîtrait à mesure que nous en approcherions. Alors, ne pouvais-je pas dire que j'étais affranchi,— affranchi par suite de ma connaissance que l'apparition était néant et que, par conséquent, la route continuait devant moi, non obstruée?
La connaissance de la vérité m'avait affranchi, bien que le mirage semblât toujours s'étendre devant moi. Je vis que j'avais toute la liberté dont j'avais besoin. J'avais obtenu la guérison qui gît dans la connaissance que l'illusion est néant. Le fait que, selon les prétendus sens matériels, elle semblait toujours persister, n'était d'aucune importance. Elle disparaîtrait dans son néant en temps voulu.
Alors cette pensée me vint: Ainsi qu'il en est de cette illusion, ainsi en est-il de toute expérience. La même conviction, la même foi qui me permettait d'aller de l'avant sans crainte vers cette nappe d'eau apparemment infranchissable qui s étendait sur la route devant nous, ainsi que la certitude que cette eau disparaîtrait ou qu'elle se retirerait à mesure que nous nous en approcherions, donnerait, pourvu qu'on s'y attachât fermement, les mêmes résultats relativement à tous les obstacles apparents qui se soulèvent pour obstruer notre chemin à travers la vie. Je vis que la seule chose qui manquait, c'était la connaissance spirituellement scientifique que tout mal et toute matérialité est de nature illusoire, c'était la foi que cette illusion disparaîtrait ou s'écarterait si nous avancions courageusement et avec calme. Alors j'eus un aperçu de ce que la croyance à la vie dans la chair doit avoir été pour Jésus. N'était-ce pas simplement un mirage, qui semblait peut-être par moments lui obscurcir le chemin, mais qui ne pouvait jamais lui cacher la vie qui émane de l'Esprit, la vie réelle? C'est là ce qui lui donna sa paix profonde, sa paix divine, et bien que la tempête de la haine mortelle se fût déchaînée autour de lui, toujours plus intense et plus menaçante, cependant, à son sens clair de l'être spirituel de l'homme, ce n'était là qu'un mirage, qui ne pouvait ni le toucher ni lui nuire. Sachant cela, il put dire à ceux qui partageaient sa compréhension: “Je vous laisse la paix; je vous donne ma paix; je ne vous la donne pas comme le monde la donne. Que votre cœur ne se trouble point et qu'il ne craigne point.”
Le mirage du sens matériel, même en tant qu'illusion, ne persista chez Jésus que jusqu'au moment où il put, grâce à son grand amour, prouver à l'humanité pour tous les temps que toutes les phases de cette vie matérielle, même la mort, ne sont autres que les phases changeantes d'une illusion, auxquelles il faut faire face avec courage et amour, car en les bravant ainsi elles disparaîtront. Telle fut l'œuvre de Jésus dans ce monde. Lorsqu'il l'eut accomplie, et que vint le moment de son ascension, le mirage s'évanouit dans le domaine de la réalité spirituelle, où les ombres de la matérialité ne sont plus.
