Jamais je ne m’étais sentie aussi éloignée de ma zone de confort. Je vivais dans un pays étranger où je venais de terminer un trimestre d’études. Mes projets de travail et de logement pour l’été étaient tombés à l’eau. Il me restait très peu d’argent, mon billet retour n’était pas valable avant trois mois, et il fallait que je trouve un travail pour payer mes frais d’inscription à l’université pour le prochain semestre, en automne. Plus urgent encore : je n’avais aucun endroit où dormir cette nuit-là.
Tous mes efforts pour trouver une solution avaient échoué. Mes parents ne pouvaient m’aider financièrement. D’aussi loin que je me souvienne, j’avais toujours eu plusieurs emplois chaque été pour pouvoir joindre les deux bouts. Sans travail ni moyen de gagner de l’argent, je n’étais plus personne.
Tandis que je déambulais dans la ville en me sentant un peu perdue, j’ai pensé qu’il me fallait m’appuyer sur Dieu comme je l’avais fait depuis mon arrivée. M’efforçant de mettre mes soucis de côté, j’ai peu à peu été sensible à la beauté autour de moi et à la grandeur et à l’infinitude de l’être de Dieu.
Progressivement, un grand sentiment de paix m’a envahie. J’ai cessé de me dire que c’était à moi, à mon moi personnel qui résout les problèmes, de trouver une solution, et j’ai commencé à ressentir un sens plus grand du « moi », à savoir la présence divine de Dieu ici, près de moi. En mon for intérieur, je savais que, même s’il me fallait dormir dans le métro cette nuit-là, rien ne m’arriverait.
Je vivais toute cette expérience comme un encouragement divin à dépasser l’ego. On entend généralement par « ego » le moi, notre identité consciente distincte des identités conscientes ou des individualités des autres. Dépasser l’ego, c’est comme être dans un pays dont on ne parle pas encore la langue. On s’éloigne de son confort familier, pour faire confiance à ce qui nous est peu connu. Sortant des schémas établis, on découvre de nouveaux aspects de soi, on commence à comprendre que le moi est bien plus que la personnalité ou une conception figée de l’identité. Fondamentalement, on apprend à se voir comme Dieu nous voit.
Les écrits de Mary Baker Eddy sur la Science Chrétienne expliquent pourquoi il en est ainsi. Comprenant l’unique Ego divin, l’Entendement divin ou intelligence divine, qui est Dieu, on découvre que chacun existe en tant que ressemblance de cet Ego. Notre être véritable émane de Dieu et Le reflète. « L’Ego divin, l’individualité divine, est réfléchi dans toute individualité spirituelle... » (Mary Baker Eddy, Science et Santé avec la Clef des Ecritures, p. 336) Cette individualité spirituelle renferme des possibilités d’être infinies, car l’être de Dieu est illimité. Comme nous reflétons l’être de Dieu, nous ne sommes jamais obligés d’entretenir un concept figé de nous-mêmes.
Pour revenir à mon histoire, comme c’était un mercredi, je me suis rendue, selon mon habitude, à l’église filiale de l’Eglise du Christ, Scientiste, que je fréquentais, afin d’assister à la réunion du soir. La paix que j’avais déjà trouvée a été intensifiée par les passages lus dans la Bible. Après la réunion, une dame membre de l’église a eu la gentillesse de m’inviter à passer la nuit chez elle. Cette invitation s’est transformée en un séjour de trois mois !
Je n’avais jamais connu une telle générosité auparavant – ni un été sans travail. Mes multiples tentatives infructueuses pour trouver un « job » ont fait place à des heures d’étude spirituelle chaque jour. Mon désir permanent de pratiquer la guérison par la Science Chrétienne a pris forme à cette période. Je voulais partager avec les autres l’amour généreux de cette famille à mon égard.
Quand nos efforts ne mènent à rien, c’est parfois la meilleure chose qui puisse nous arriver si cela nous ouvre à des possibilités nouvelles dont nous ignorions l’existence auparavant. En tirant la leçon de ses échecs, on met l’ego de côté. C’est là une forme d’abnégation que Jésus enseigna à ses disciples quand il déclara : « Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge de sa croix, et qu’il me suive. » (Matthieu 16:24) C’est une incitation à abandonner un faux moi et non le vrai – à dépasser l’ego.
Un ego personnel incite à se condamner ou à ressentir sans cesse de la honte et de la culpabilité. Cette tendance s’inverse quand on affirme le fait spirituel qu’en tant qu’enfant, ou expression, de Dieu, on est confiant, heureux, en bonne santé, reconnaissant, spirituel. Il ne s’agit là ni de suggestions personnelles ni d’une forme de pensée positive lorsque ces affirmations s’enracinent dans une compréhension du fait que l’identité est le reflet de l’unique Ego, qui est par nature sain, heureux et paisible.
L’individualité spirituelle incarnée par Jésus dépassait l’ego. Quand je lis la Bible, je n’ai pas le sentiment qu’il se soit jamais identifié à un mortel sujet aux problèmes, aux échecs et au désordre. Il faisait très souvent allusion à son moi spirituel, le Christ. Parlant de son identité immortelle, il déclara : « Avant qu’Abraham fût, je suis. » (Jean 8:58) Grâce au pouvoir de cet esprit-Christ intemporel, nous connaissons la nature divine de notre propre identité, et nous nous défaisons d’une conception limitée et restrictive de la vie et de l’identité.
Alors que l’entendement humain tend à s’accrocher à des informations négatives et à répéter des échecs passés, nous muselons ses raisonnements en prenant le temps chaque jour, ne serait-ce que quelques minutes, de céder à l’Ego divin, l’Entendement divin, et en nous voyant semblables à Dieu. L’homme n’est pas une accumulation d’expériences ou d’échecs passés, mais le reflet, maintenant même, de cette bonté divine. « L’ego réel ou le moi de l’homme est la bonté. » (Mary Baker Eddy, Non et Oui, p. 26) Notre véritable identité se révèle lorsque nous ressentons la présence de Dieu, la sagesse divine et l’Amour. Nous voyons alors que chacun de nous est ce que Dieu a créé et qu’Il exprime.
Larissa Snorek
Rédactrice adjointe
