L'enfance est souvent considérée comme une époque bénie d'insouciance. Il semble pourtant parfois que les faits affirment le contraire. J'ai vécu mon enfance aux U.S.A., sous la botte d'un père manipulateur, tyran domestique, qui terrorisait notre mère, mes deux sœurs et moi-même, et même les amis. Pendant des années, mes sœurs et moi avons subi ses sévices de toutes formes, et surtout des violences psychologiques qui laissaient des traces plus difficiles encore à effacer. De plus, notre mère est décédée jeune, ce qui a eu pour conséquence de nous laisser seules face à notre père, sans bouclier pour nous protéger.
J'ai pu faire des études universitaires, puis je me suis mariée et j'ai fondé une famille heureuse en France, mon mari étant originaire de ce pays. Cependant, il m'était toujours resté des traces profondes de mon enfance. Notamment, je continuais de vivre avec une image de moi-même très négative. Jusqu'au jour, il y a une vingtaine d'années, où ma tante, scientiste chrétienne de longue date, m'a appris quelque chose qui m'a frappée. Ce jour-là, comme elle avait très bien connu mon père, nous reparlions pour la énième fois de lui, et elle sentait bien que je souffrais encore. Elle m'a dit alors que malgré ce passé douloureux, mon identité spirituelle n'avait jamais été touchée. L'effet que sa remarque a eu sur moi? C'était comme si une fenêtre s'était ouverte laissant entrer de l'air frais dans une pièce qui sentait le renfermé. J'ai commencé à comprendre un petit bout de la vérité concernant ma nature spirituelle. C'était là le début d'un long chemin vers la guérison.
Par la suite, je me suis rendu compte que je n'avais jamais été sans protection. Principalement, j'avais bénéficié de la présence de cette tante et de son mari, mon oncle adoré, véritables parents de substitution. Et puis, il y avait en moi quelque chose qui me disait: « Je ne me plierai pas. » Bien plus tard, j'ai réalisé que cette capacité de résistance contre les apparences du mal me venait de Dieu, et donc constituait une protection, même si je ne la reconnaissais pas comme telle à l'époque.
C'est seulement en 2004, face à de nouveaux défis, que je me suis tournée résolument vers la Science Chrétienne et que j'ai commencé à prendre vraiment conscience du soutien divin. Je me suis remise alors à lire la Bible et j'ai débuté une étude approfondie de Science et Santé. C'est ainsi que j'ai beaucoup réfléchi à la parabole du bon grain et de l'ivraie. À la lumière de ce qu'enseigne la Science Chrétienne, je me suis rendu compte que cette parabole de Jésus s'appliquait à mon cas: même si l'ivraie (la maltraitance) avait poussé aux côtés du bon grain (l'enfant de Dieu), elle n'avait jamais touché mon intégrité.
J'ai compris que j'avais toujours été en réalité « sous l'abri du Très-Haut », et que là il n'y a nul danger (voir Psaume 91). Seul le bien est présent dans notre existence, quelles que soient les circonstances humaines. J'en ai peu à peu déduit que je ne pouvais être une victime, car Dieu est toujours avec moi; et que, s'il n'y a pas de victime, il ne peut y avoir de bourreau. Il était très important que je puisse voir mon père comme un enfant de Dieu parfait et aimant, que je reconnaisse qu'il se faisait du tort à lui-même en agissant d'une façon si contraire à sa vraie nature, sa nature spirituelle. Repensant à la remarque de ma tante, vingt ans plus tôt, j'ai compris alors que si mon passé douloureux ne pouvait me définir, il ne définissait pas non plus mon père.
Jusque-là j'avais tourné en rond. C'est la Science Chrétienne qui a brisé ce cercle, car son étude et son application mettent en lumière ce que nous sommes réellement. Il a fallu plusieurs années pour que ma libération soit complète. Mais un jour, il y a un an à peu près, j'ai découvert qu'il y avait encore de la colère en moi. Voici comment cela s'est passé. Je souffrais depuis quelque temps d'une vive douleur à l'épaule dont je ne parvenais pas à me débarrasser lorsque quelqu'un m'a dit qu'il sentait que cette douleur était liée à colère. J'en ai été très surprise, mais j'ai tout de suite pensé à ce que je ressentais encore pour mon père. Et là, je me suis dit qu'il était grand temps de lâcher complètement ce fardeau, et pour moi, et pour lui.
Mais mon problème était le suivant: comment pardonner de tout cœur à mon père? Ayant été élevée dans la religion chrétienne, qui pratique le pardon des offenses, je savais le pardon essentiel, et au fil des ans j'avais lu beaucoup d'ouvrages d'ordre spirituel sur le pardon, mais il me restait toujours un blocage. Grâce à mon étude de la Science Chrétienne, j'ai réalisé alors que ce blocage était double: il y avait la justification de soi (« après tout ce qu'il m'a fait subir, il ne mérite pas le pardon, c'est un trop beau cadeau à lui faire »); et, surtout, j'attachais encore le mal à la personne de mon père. J'ai compris qu'il me fallait rectifier ma pensée. Or il se trouve qu'à cette même époque, deux magazines de la Science Chrétienne, le Héraut et le Sentinel, ont traité du sujet du pardon en même temps. Je les ai lus attentivement, et j'ai été aidée également par un article paru dans un numéro du Christian Science Journal, où l'auteur demandait: « Si ceux qui crucifiaient Jésus avaient vraiment su ce qu'ils faisaient, l'auraient-ils fait? » La réponse était non. Je me suis posé la même question à propos de mon père, et j'ai bien été obligée de donner la même réponse. Non seulement mon père ne se rendait pas compte de ce qu'il nous faisait autrefois, mais en même temps il s'était privé d'agir en accord avec sa vraie nature spirituelle d'enfant de Dieu, une nature que, grâce à la Science Chrétienne, je connaissais maintenant.
'ai compris que malgré ce passé douloureux, mon identité spirituelle n'avait jamais été touchée. C'était comme si une fenêtre s'était ouverte laissant entrer de l'air frais dans une pièce qui sentait le renfermé.
Toutes ces lectures prises ensemble ont soudain acquis une densité, ont fait sens, et à partir de là tout est allé très vite; en fait, ce fut l'affaire de quelques minutes. Bien que toute seule chez moi, j'ai pu dire à haute voix: « papa, je te pardonne et je t'aime. » J'ai eu la sensation d'un poids qui s'envolait, c'était merveilleux! Et, détail non négligeable, j'avais pu appeler mon père « papa », alors que j'avais depuis des lustres banni ce terme d'affection de mon vocabulaire. Toute colère a cessé ce jour-là, il y a donc près d'un an maintenant. Il me revient aussi en mémoire des souvenirs de bons moments passés avec mon père, souvenirs que j'avais occultés jusque-là, et je me rappelle certaines belles qualités qu'il manifestait. (Soit dit en passant, la douleur à l'épaule a disparu rapidement après cela.)
Comme mon père est décédé en 2000, je n'ai jamais pu aller le voir après avoir ressenti ce pardon et le lui dire de vive voix, mais puisque Dieu est l'Esprit éternel omniprésent, et que dans l'Esprit il n'y a pas de séparation, je suis sûre qu'il le sait.