La fondation de L'Église Mère et l'élaboration de son Manuel représentent bien plus que de l'histoire ancienne. Elles mettent en lumière le dessein spirituel concernant l'ensemble du développement futur du mouvement de la Science Chrétienne. Discerner cela, c'est sentir le pouvoir de la vision spirituelle qui permit à Mary Baker Eddy de fonder son Église sur une base éternelle et de prévoir les nécessités auxquelles cette dernière aurait à faire face dans l'avenir. Cette série de quatre articles, rédigée par l'écrivain et biographe Robert Peel, s'appuie sur de vastes travaux de recherche historique. Elle fournit des réponses solides aux déformations et déclarations erronées qui circulent actuellement et qui viseraient à détruire L'Église Mère et à faire échouer le plan divinement inspiré de sa Fondatrice.
Tous les Scientistes Chrétiens connaissent la définition absolue que Mrs. Eddy donne de l'«Église» dans le Glossaire de Science et Santé: «La structure de la Vérité et de l'Amour; tout ce qui repose sur le Principe divin et en procède.»Science et Santé avec la Clef des Écritures, p. 583.
Ce qui nous est présenté dans cette définition, c'est l'Église en tant qu'ordre divin, éternel, infini, tout inclusif, structure de la réalité même. Chacun des enfants de Dieu doit être à jamais inclus dans cette structure de pensée exclusivement spirituelle—une structure qui coexiste avec l'être véritable de l'homme, «l'idée composée de Dieu, incluant toutes les idées justes...»Ibid., p. 475.
De toute évidence, cette structure n'est ni matérielle ni institutionnelle, mais, comme toute idée divine qui s'éveille dans la conscience humaine, l'Église se manifeste humainement à travers des formes compréhensibles à l'humanité: en tant qu'église, l'Église. Parlant de l'Église en tant qu'institution humaine, Mrs. Eddy la désigne normalement par des mots tels que l', notre, son, mon, ou cette.
En traitant ce sujet, comme bien d'autres, Mrs. Eddy établit une nette distinction entre l'idée divine et sa manifestation humaine, entre l'Église Universelle et Triomphante et l'institution destinée à la refléter «dans une certaine mesure»Manuel de L'Église Mère, p. 19.. Il est tout à fait évident qu'elle s'attendait à ce que L'Église Mère et ses filiales reflètent la structure de la Vérité et de l'Amour dans une mesure croissante, progression qui ne devait toutefois pas se mesurer en termes de pouvoir, de nombre d'adhérents, de richesse, de prestige ou de popularité, mais plutôt en termes de spiritualité accrue. «Tout degré de progrès, nous dit-elle, est un pas fait en direction de l'Esprit.»L'idée que les hommes se font de Dieu, p. 1. D'où le corollaire: plus la spiritualité est grande, c'est-à-dire plus l'union du Scientiste Chrétien avec la structure invisible de la Vérité et de l'Amour est concrète, plus l'institution visible produira de résultats pratiques, ces résultats que Mrs. Eddy reprend pour définir l'institution visible dans Science et Santé.
«L'Église est cette institution qui donne la preuve de son utilité et qui, ainsi qu'on le constate, ennoblit la race, réveille des croyances matérielles la compréhension endormie en l'amenant jusqu'à la perception des idées spirituelles et à la démonstration de la Science divine, chassant ainsi les démons, l'erreur, et guérissant les malades.»Science et Santé, p. 583.
L'Église du Christ, Scientiste, est une église unique en ce sens qu'elle inclut la guérison, mais l'adage biblique «Médecin, guéris-toi toi-même»Luc 4:23. s'applique aussi bien à l'Église qu'à l'individu. Dans ses dernières années, Mrs. Eddy consacra une bonne partie de son temps à mettre à jour et à détruire les velléités bureaucratiques qui auraient eu tendance à étouffer la mission curative de son Église, si elles n'étaient pas contrecarrées. Ce travail comprenait la restructuration de certains éléments du passé qu'on avait laissé subsister lors de la réorganisation de 1892. En d'autres termes, la formation de L'Église Mère ne s'est pas plus accomplie d'un seul coup en 1892 que la révélation complète de la Science Chrétienne ne l'a été en 1866. Cette découverte, comme la création de l'Église, se sont mises en place au fil des quarante-cinq ans de croissance spirituelle, d'inspiration et de travail qu'a connus Mrs. Eddy.
Au printemps de 1901, c'est-à-dire presque dix ans avant son décès, elle accorda à un reporter du New York Herald une interview où l'on peut voir qu'elle pensait que le travail devait se poursuivre jusqu'à ce qu'il soit mené à terme. Quand on la questionna sur le futur gouvernement de son Église, elle répondit qu'il devait évoluer «scientifiquement» et elle ajouta qu' «avec le temps, l'ordre actuel des services et les présents règlements approcheront la perfection»The First Church of Christ, Scientist, and Miscellany, p. 342..
Lors de la réorganisation de 1892, l'ancienne forme de gouvernement par les membres de l'église de Boston, gouvernement fondé sur le modèle congrégationaliste de l'époque, n'avait pas été entièrement éliminée. En fait, elle avait été plutôt réduite par la limitation du droit de vote à un groupe particulier de «Premiers Membres» (renommés plus tard Membres Exécutifs), composé de Scientistes Chrétiens éprouvés, dont la loyauté envers le leadership de Mrs. Eddy ne faisait aucun doute. Quelques mois avant l'interview du Herald en 1901, elle avait fait un important pas en avant en transférant au Conseil des Directeurs les prérogatives de ce groupe restreint, ce qui éliminait virtuellement de la structure de L'Église Mère la dernière trace de «congrégationalisme».
Le mobile de ce changement de structure fondamental apparaît dans une remarque faite au reporter du Herald à propos la «direction» de l'Église:
«Un poste d'autorité devenait nécessaire. Il était nécessaire d'avoir des règles, et j'ai créé un ensemble de statuts, mais chacun d'eux était le résultat de l'expérience et de la prière. Ayant confié leur mise en application à d'autres, je m'aperçus un jour qu'ils devaient appliquer des mesures disciplinaires dans le cas de cinq églises. J'intervins. Les dissensions sont chose dangereuse pour une nouvelle église. J'écrivis à chaque église avec tendresse, les exhortant et les réprimandant, et je les ramenai ainsi toutes à l'union et à l'amour. Si c'est cela être un pape, alors jugez-en vous-même.»Ibid., p. 343.
Avant 1901, les Premiers Membres étaient tout spécialement responsables des questions de discipline auxquelles se réfère ici Mrs. Eddy et à partir de 1901, celles-ci incombèrent au Conseil des Directeurs. D'après la réponse qu'il a faite à la requête de Mrs. Eddy concernant l'annulation des procédures disciplinaires engagées par les Premiers Membres, il est clair que le Conseil comprenait alors mieux le but de notre Leader. Voici cette réponse: «Les Directeurs sont heureux de recevoir l'ordre de rejeter toutes plaintes... Nous pensons que cela fera beaucoup de bien et que ces spectres cesseront de nous hanter. On passera l'éponge, et nous osons espérer que cela sera définitif.»Cité dans Mary Baker Eddy: The Years of Authority (New York: Holt, Rinehart and Winston, 1977), p. 430, note 71.
Pendant sept ans encore, les «Premiers Membres» ou Membres Exécutifs continuèrent à former une entité essentiellement honorifique qui fut finalement dissoute en 1908. Le transfert des pouvoirs au Conseil des Directeurs fut alors total, ce que la Cour suprême du Massachusetts devait confirmer en 1921. Mais l'exercice de ce pouvoir demeurait dans tous les domaines sous l'autorité spirituelle de Mrs. Eddy, soit au moyen des Statuts du Manuel de l'Église soit par ses directives personnelles adressées au Conseil.
Mrs. Eddy soulignait constamment l'importance de la simplicité dans l'organisation de l'église. «Les églises sont surchargées d'organisation»Ibid., p. 226., fait-elle remarquer de manière caractéristique en 1902. Et sept ans plus tard, elle dit en substance à un des officiers de son Église: «Malgré toute son importance, l'organisation est quelque chose de simple. Il s'agit simplement d'agir de concert, de travailler ensemble.»Permanence de L'Église Mère et de son Manuel, p. 5. S'il doit y avoir des règlements, alors il les faut peu nombreux et essentiels—et ils doivent bien entendu être dictés par l'amour et non émaner d'une autorité arbitraire. Les «soins» maternels qu'offrent ces règlements peuvent être compris métaphysiquement comme la manifestation d'une coordination spirituelle, la Science du Père ouvrant ses bras à toutes les expressions individuelles variées de sa créativité illimitée, et réunies en un tout harmonieux interdépendant.
Une déclaration de Mrs. Eddy de 1903 projette une lumière remarquable sur ce sujet. Elle venait de faire paraître une révision du Manuel de L'Église Mère incorporant de nouveaux changements importants qui avaient eu lieu à l'époque dans l'organisation. Dans le passage suivant, elle avait de manière significative lié les Règles et Statuts du Manuel aux deux codes fondamentaux de l'Ancien et du Nouveau Testament:
«Ces élèves bien-aimés dont le chemin ascendant passe par les Dix Commandements et suit la pente raide du Sermon sur la Montagne que nous a donné le Christ, veulent-ils accepter mes profonds remerciements pour leurs prompts messages de joie au sujet de la révision du Manuel de l'Église pour le xxe siècle? Je suis comblée d'éloges et pour quelle raison? Pour ce que, dans mon cœur, je croyais n'être jamais nécessaire, savoir des lois de limitation pour le Scientiste Chrétien. Mais Tes voies ne sont pas les nôtres. Tu sais mieux que nous ce dont nous avons le plus besoin—d'où mon espoir déçu et ma joie reconnaissante.»Écrits divers, p. 148.
A son époque, comme à la nôtre, quelques Scientistes Chrétiens se sont attachés à la phrase «lois de limitation» pour avancer que la croissance et la liberté spirituelles exigent que l'on abandonne de telles règles «restrictives» aussi vite que possible. Bien entendu, c'est là ignorer totalement le fait que les Statuts du Manuel constituent des lois de limitation uniquement envers la volonté humaine, les rivalités, la tromperie, la paresse, l'orgueil, le sens personnel et la suffisance illusoire qui prétend avoir déjà atteint le pinacle de la spiritualité que Christ Jésus a démontrée.
De plus, par cette mauvaise interprétation de ce que Mrs. Eddy voulait dire, on ne peut apprécier le sens de la «joie reconnaissante» qu'elle éprouva ensuite lorsque ses premiers espoirs eurent cédé à une perception plus profonde des voies que Dieu utilise pour répondre aux besoins humains. Les règles du Manuel ne signifiaient pas un repli tactique sur une position dépassée, mais une suite de pas en avant bien marqués en vue de répondre aux besoins les plus aigus de l'époque et des époques à venir. La Fondatrice de la Science Chrétienne était si sûre de cela qu'elle dit plus loin dans l'article déjà cité: «En dépit de l'outrage sacrilège du temps, l'éternité attend notre Manuel de l'Église qui maintiendra son rang comme par le passé, au milieu d'autres religions agressives et actives; et demeurera lorsque celles-ci auront disparu.»
Les Statuts, explique-t-elle autre part, «n'étaient pas l'expression d'opinions arbitraires ni d'exigences dictatoriales telles qu'une personne pourrait en imposer à une autre», mais ils furent «établis sous l'impulsion d'un pouvoir non personnel» et «naquirent de la nécessité»Cité dans Years of Authority, p. 456, note 25.. Elle écrivit également au Conseil des Directeurs en 1903 que bien des fois un seul Statut lui avait coûté de «longues nuits de prière et de lutte» mais qu'il avait sauvé «les murs de Sion» de la destruction.Ibid., p. 236. Et la même année, lorsque les Directeurs offrirent de lui payer l'important travail que représentait la dernière révision du Manuel, elle répondit qu'elle ne pouvait accepter d'être payée par l'Église. «Ce que je fais pour l'Église, moi seule sais et peux le faire», expliqua-t-elle, en ajoutant: «Rien ne peut dédommager cette tâche si ce n'est la joie de sauver [les membres].»Dittemore v. Dickey, 249 Mass. 95, 144 NE 57 (1924).
En 1903 également, la composition du Conseil des Directeurs subit un changement utile auquel quelques dissidents frondeurs allaient par la suite donner une interprétation curieuse. Sur le moment, il s'agissait de quelque chose de très simple: à la demande de Mrs. Eddy, on nomma un cinquième membre du Conseil.
En 1892, elle avait projeté d'avoir cinq Directeurs pour la nouvelle organisation, mais elle avait supprimé le nom de l'un d'eux lorsqu'elle apprit qu'il n'était pas citoyen du Massachusetts, comme l'exigeait la loi en vigueur à l'époque. En 1903, cependant, étant donné que les responsabilités accrues des Directeurs exigeaient davantage de leur temps et de leurs capacités, elle en avait nommé un cinquième, après s'être assurée que c'était chose possible, sans enfreindre les termes de l'Acte de Fidéicommis qui parlait d'un conseil de quatre membres.
Le bien-fondé de ce jugement fut confirmé par la Cour suprême du Massachusetts vingt ans plus tard lors du procès Dittemore contre Dickey. John Dittemore, qui avait été révoqué du Conseil des Directeurs de la Science Chrétienne, entama une procédure contre les membres restants, contestant leur droit de le révoquer et de le remplacer par un autre membre de leur choix, bien que le Manuel leur en donnât clairement le droit. Son argumentation s'appuyait en partie sur l'idée que le Conseil se composait en réalité de deux conseils: un conseil fiduciaire de quatre membres établi par l'Acte de Fidéicommis de 1892 et un conseil ecclésiastique de cinq membres établi par le Manuel de l'Église. Plus de cinquante ans après, plusieurs ex-membres de L'Église Mère ont fait à nouveau circuler cette idée, supposant de toute évidence que la décision définitive de la Cour du Massachusetts de 1924 serait ignorée des nouvelles générations de Scientistes Chrétiens.
Le président du tribunal rejeta la théorie des «deux conseils», l'intention de Mrs. Eddy étant, pour lui, claire et incontestable. Après avoir examiné avec soin les preuves produites, la cour décida que «lorsque le nombre de directeurs de l'église fut porté à cinq, ils devinrent les fidéicommissaires désignés par l'acte du 1er septembre 1892, succédant aux directeurs nommés à l'origine». La fin de l'arrêté est sans ambiguïté: «Il n'existe pas deux conseils des directeurs... Ceux qui composent le Conseil des Directeurs de la Science Chrétienne de la Première Église du Christ, Scientiste, à Boston, Mass., en accord avec son manuel et sa forme de gouvernement ecclésiastique propre, administrent, en tant que seul conseil, à la fois les biens couverts par l'acte du 1er septembre 1892 et les fonctions qui leur sont déléguées par le Manuel de l'Église.»The Christian Science Journal, août 1937, p. 278.
Ce jugement est en complet accord avec tout ce que l'on peut lire dans les écrits publiés de Mrs. Eddy, comme dans ses lettres et ses notes. La Fondatrice de la Science Chrétienne n'appréciait guère les intrigues ou les joutes légales compliquées qui auraient pu déconcerter et diviser ses adeptes. Elle n'a pas non plus dissimulé une «charge de dynamite» dans la structure institutionnelle qu'elle a donnée à L'Église Mère, susceptible de détruire son œuvre dès qu'elle n'aurait plus été là en personne pour la soutenir.
A ce sujet, il est bon de rappeler qu'avant son décès, John Dittemore, après s'être tant efforcé de diviser le Conseil des Directeurs et de démembrer L'Église Mère, écrivit une lettre aux membres du Conseil déclarant être «arrivé à l'humble conclusion» qu'il avait commis «une grave erreur» en s'engageant, comme il l'avait fait, dans une voie destructrice.
Il ajouta: «La loi de Dieu ne divise et ne sépare pas les hommes, elle les unit, leur permettant de travailler ensemble et de préserver cette union. Elle annihile tout ce qui lui est dissemblable et je me rends compte qu'elle a détruit tout sens d'animosité personnelle, tout désir de propre justification et qu'elle a suscité ainsi le désir sincère que je ressens de reconnaître mon erreur d'avoir organisé ce qui fut naturellement considéré comme un mouvement d'opposition... Je suis heureux de vous envoyer cette lettre que vous pourrez utiliser comme bon vous semblera et de déclarer sincèrement mon désir ardent de voir la Cause que vous représentez continuer à se développer et à prospérer sous votre direction.»Miscellany, p. 229.
Le sincère remords qu'exprime cette lettre d'un Scientiste Chrétien qui était devenu un critique amer de Mrs. Eddy et de son Église témoigne de l'amour guérisseur qui, espérait-elle, maintiendrait tous ses membres en harmonie. Pour elle, l'Église n'était pas une structure autoritaire, mais la manifestation humaine de la sollicitude maternelle de Dieu. L'esprit de ses Statuts se résume bien dans cette déclaration qu'elle fit: «De ceci je suis sûre: que chaque Règle et Statut de ce Manuel augmentera la spiritualité de celui qui lui obéit, renforcera sa capacité de guérir les malades, de réconforter ceux qui pleurent et de réveiller le pécheur.»Miscellany, p. 230.
Le mois prochain: L'avenir de L'Église Mère
dans l'optique de l'histoire
Celui qui vaincra, je ferai de lui un colonne
dans le temple de mon Dieu, et il n'en sortira plus;
j'écrirai sur lui le nom de mon Dieu,
et le nom de la ville de mon Dieu, de la nouvelle Jérusalem
qui descend du ciel d'auprès de mon Dieu,
et mon nom nouveau.
Apocalypse 3:12