En 1885, moins de vingt ans après sa découverte de la Science Chrétienne, Mary Baker Eddy écrivait: « Aujourd'hui déjà on trouve de tous côtés de faux professeurs qui enseignent de façon grossièrement incorrecte ce qu'ils appellent la Science Chrétienne; défiez-vous d'eux. Du jour au lendemain ils sont apparus pour émettre cette prétention, alors que la Fondatrice de la vraie Science Chrétienne a passé toute sa vie à lui donner naissance. » Écrits divers, p. 39.
Vingt-cinq ans plus tard, alors que son travail de découverte et de fondation était presque achevé, cette déclaration était toujours vraie. Elle avait littéralement « passé toute sa vie » à mettre au monde le mouvement de la Science Chrétienne. Et au cours de toutes ces années de découverte et de fondation, de pseudo-professeurs qui cherchaient à imprimer à la Science Chrétienne une autre direction étaient apparus « du jour au lendemain », pour disparaître l'un après l'autre dans l'oubli.
Aujourd'hui, presque un siècle après que Mary Baker Eddy a écrit le passage ci-dessus, celui-ci demeure tout aussi valable et important pour comprendre la « vraie Science Chrétienne ». On peut dire avec raison que le mouvement de la Science Chrétienne est l' « enfant » de l'expérience spirituelle de notre Leader, mais qu'aujourd'hui cet enfant est devenu grand et ne peut se contenter de s'appuyer sur la démonstration de sa mère. Son travail consiste à amener cette démonstration au point de réalisation qu'elle envisageait et qu'avait déjà annoncé le triomphe suprême de Christ Jésus sur toute matérialité.
Les douleurs de l'enfantement qu'endura Mary Baker Eddy pour donner à son Église sa forme finale et définitive atteignirent leur point culminant en 1903, lorsqu'elle demanda qu'on l'appelât « Leader » au lieu de « Mère » Voir Manuel de L'Église Mère, Art. XXII, Sect. 1.. Cette décision vint appuyer son désir souvent répété que ses élèves cessent de compter sur ses directives personnelles et reconnaissent son leadership spirituel dans ses écrits.
Son sens maternel n'était ni abusif, ni possessif, ni autoritaire, mais elle espérait par contre la maturité totale des futures générations de Scientistes Chrétiens. Son leadership continu reposerait alors sur la loi plutôt que sur la personnalité, bien que constitué des « instructions aimables » qu'attribuent les Proverbes à la « femme vertueuse » dont les « fils se lèvent, et la disent heureuse » Voir Prov. 31:10–31..
Il est évident que, tout au long de ses dernières années, Mary Baker Eddy méditait profondément sur l'avenir lointain de l'Église qu'elle avait fondée. En 1903, elle écrivait au Conseil des Directeurs de la Science Chrétienne la lettre si souvent citée qu'elle les avait priés de conserver dans les archives de l'Église: « N'abandonnez jamais les Statuts ni le gouvernement confessionnel de L'Église Mère. Si je ne suis pas personnellement avec vous, la Parole de Dieu et mes instructions données dans les Statuts vous ont conduits jusqu'à présent et resteront des guides sûrs; et les enseignements de saint Paul sont aussi utiles aujourd'hui qu'à l'époque où l'apôtre les rédigea. » Permanence de L'Église Mère et de son Manuel (Boston: The Christian Science Publishing Society, 1980), p. 11.
Le paragraphe suivant de cette lettre historique n'est pas cité aussi souvent, mais il est tout aussi important: « La prospérité présente et future de la cause de la Science Chrétienne est due en grande partie aux Statuts et au gouvernement de “La Première Église du Christ, Scientiste”, à Boston. Nul ne peut savoir comme moi à quel point il importe que les membres de cette Église s'unissent pour rester fermes dans leur soutien des Statuts actuels. Chacun de ces nombreux Statuts a maîtrisé ou prévenu quelque situation imprévue, quelque péril imminent, et il en sera de même à l'avenir. »
Toutefois le gouvernement de L'Église Mère à Boston manifestait un sens maternel qui non seulement trouva une place en tant que loi dans le Manuel de l'Église, mais que cette loi délimita soigneusement. Ainsi, le Manuel interdit formellement à L'Église Mère d'exercer toute espèce de « contrôle général officiel » sur les églises filiales. Voir Manuel, Art. XXIII, Sect. 1. Il instituait une Église de laïques. Ses règles excluaient le développement d'une hiérarchie d'Église, d'une prêtrise ou clergé professionnels, d'un système compliqué de credos et de rites, de pratiques diététiques, de prescriptions ou de proscriptions en matière sociale et politique. Il visait à mettre en place une vaste démocratie de l'esprit où chacun, grâce à ses prières scientifiques, aurait accès directement au pouvoir curatif illimité de l'Amour divin et pourrait ainsi participer au gouvernement de L'Église Mère.
D'autres Statuts expliquaient clairement que le Manuel ne constitue pas un modèle pour les filiales, dotées d'une forme de gouvernement démocratique Voir ibid., Art. XXIII, Sect. 3, 5; Art. XXXV, Sect. 1. — bien que chaque future filiale doive remplir un certain nombre de conditions spécifiées dans le Manuel afin d'être reconnue en tant qu'église de la Science Chrétienne. En d'autres termes, il ne pourrait pas y avoir d'églises filiales (de branches) sans une Église Mère unique qui constitue le « tronc » Voir The First Church of Christ, Scientist, and Miscellany, p. 125.. Il ne pourrait pas y avoir d'Église Mère sans le Manuel de l'Église que Mary Baker Eddy décrit comme « la loi de notre Évangile » Cité dans Robert Peel, Mary Baker Eddy: The Years of Authority (New York: Holt, Rinehart and Winston, 1977), p. 225.. Et lorsqu'elle ne serait plus présente en personne pour servir d'arbitre suprême lors de disputes dans l'Église, le Manuel ne pourrait avoir d'autorité officielle à moins que le mouvement ne reconnût pleinement que le leadership permanent de Mary Baker Eddy fait partie intégrante des Statuts immuables, des Statuts qui garantissent la continuité et le gouvernement des activités de ce mouvement.
Au cours de ses dernières années, elle refusa de plus en plus souvent de donner des conseils aux officiers de son Église qui les lui demandaient. Elle les invitait plutôt à se tourner vers Dieu, l'Entendement divin, pour obtenir réponse, et à agir selon les instructions et les règles qui se trouvent dans ses propres écrits et qui s'appuient sur la Parole inspirée de la Bible. Dans The Christian Science Journal de novembre 1909 elle déclare:
« Il n'est pas de mon ressort en qualité de Leader — de Découvreur et Fondateur de la Science Chrétienne — d'intervenir dans des cas disciplinaires et je déclare publiquement que je ne m'immisce pas personnellement dans les affaires de l'église sinon par les règlements que j'ai écrits et publiés et que quiconque peut lire s'il veut être éclairé. » Miscellany, p. 359.
Les dernières années de Mary Baker Eddy indiquent sans aucun doute possible qu'elle dirigeait expressément les Directeurs vers le Manuel plutôt que vers elle personnellement pour être guidés, afin qu'ils puissent exercer efficacement leurs fonctions selon le Manuel, quand elle ne serait plus là pour surveiller leurs décisions. Comme eux, elle avait appris, en consultant des juristes, que l'approbation ou le consentement exigé d'elle par certains Statuts importants incomberait naturellement d'office aux Directeurs en tant que ses successeurs, quand il lui serait physiquement impossible de donner son consentement personnel.
Toutefois, comme le cousin de Mary Baker Eddy, Henry M. Baker, avocat, le fit lui-même remarquer à un membre de sa maisonnée en 1910, la question ne posait pas de véritable problème légal.Permanence de L'Église Mère et de son Manuel, p. 8. Le point essentiel était toujours et demeure encore aujourd'hui l'aspect spirituel de la position de Mary Baker Eddy sur l'avenir de l'Église à laquelle elle avait consacré ses prières et donné son cœur tout entier pendant tant d'années.
Il n'y a là-dessus aucun doute. Le commandement solonnel qu'elle adressa aux Directeurs en 1903, de ne jamais abandonner « le gouvernement confessionnel de L'Église Mère » était clair comme le jour et il ne fut jamais abrogé ni modifié par elle. Jamais elle ne laissa entendre qu'elle s'attendait à ce que L'Église Mère cessât d'exister quand elle-même ne serait plus là, comme cela eût été nécessairement le cas si elle avait voulu que les trente-cinq Statuts contenant les clauses de « consentement » s'avèrent inopérants après son décès. Au contraire, tout ce qu'elle a dit, écrit et fait pendant ses dernières années, au cours desquelles elle a perfectionné et consolidé l'organisation de son Église, témoigne implicitement de son intention de la voir continuer indéfiniment. Son dernier testament confirme cette intention puisqu'elle y déclare laisser à son Église « tout le reste de mes biens » de manière, entre autres, à « promouvoir et répandre plus efficacement la religion de la Science Chrétienne comme je l'ai enseignée » Testament de Mary Baker Eddy..
Ce que firent les clauses de « consentement », par contre, ce fut de rendre tous les futurs Conseils des Directeurs moralement et spirituellement responsables au plus haut point en sorte que toutes les décisions qu'ils prendraient en application des Statuts en question fussent en complet accord avec l'esprit et la lettre des instructions de Mary Baker Eddy. Elle était encore et serait toujours le Leader; en tant qu'administrateurs du Manuel de l'Église, les Directeurs, comme tous les autres Scientistes Chrétiens, se conformeraient à sa discipline spirituelle, et leur autorité serait proportionnelle à leur fidélité envers les Statuts.
Dans la dernière édition du Manuel (la quatre-vingt-neuvième) préparée par elle avant son décès en 1910, elle ne fit qu'un petit changement de fond pour que les annonces dans l'Appendice concernant l'ordre des services soient en accord avec ce qui était la pratique courante et avec son désir souvent exprimé que tous les services de la Science Chrétienne soient uniformes. Voir “From the Directors: The order of services in branch churches,” The Christian Science Journal, novembre 1977, p. 665. Quand cette édition parut quelques semaines plus tard, on nota que le nom de Mary Baker Eddy en tant que Pasteur Émérite avait disparu de la liste des officiers de l'Église en fonction à ce moment-là. Il s'agissait d'une mesure temporaire reflétant la situation spéciale existant immédiatement après son décès.
Afin de comprendre pourquoi cette suppression fut faite et la raison pour laquelle son nom ne fut repris dans la liste que plusieurs années plus tard, il faut prendre en considération les déclarations largement répandues à cette époque-là d'Augusta E. Stetson. Cette élève de Mary Baker Eddy, fort controversée et démesurément ambitieuse, avait été souvent désignée dans la presse comme son « successeur » probable. L'année précédente elle avait été rayée des membres de L'Église Mère, ce qui ne l'empêchait tout de même pas de se prétendre publiquement le porte-parole de la Science Chrétienne.
Et voici qu'à présent, elle faisait bruyamment savoir par la presse que Mary Baker Eddy allait bientôt ressusciter pour vivre sur terre éternellement et que tous les Scientistes Chrétiens croyaient cela. A ce moment-là, les Directeurs estimèrent qu'en laissant figurer dans le Manuel le nom de leur Leader sur la liste des officiers en fonction, ils semblaient confirmer ces nouvelles à sensation que les écrits de Mary Baker Eddy ne corroboraient pas le moins du monde.
Restait à démontrer comment au juste, dans les années suivantes, son leadership allait s'exercer au sein du mouvement de la Science Chrétienne. Il fallut une autre période de crise, à la fin de la décennie, pour que la question fût définitivement tranchée. Après quoi, et puisque Mme Stetson n'avait plus la vedette, le nom de Mary Baker Eddy réapparut en tête de la liste des officiers en fonction, sans crainte de fausse interprétation marquée de spiritisme.
Deux procès connexes, intentés au Conseil des Directeurs et contestant l'autorité que leur conférait le Manuel, ont marqué cette « crise » de 1919. Ces deux actions s'appuyaient sur la notion que les entités juridiques légalement créées par Mary Baker Eddy l'emportaient sur le Manuel de l'Église que la partie civile considérait comme un instrument ecclésiastique sans véritable justification légale.
Intenté par les Fidéicommissaires de La Société d'Édition de la Science Chrétienne de l'époque, l'un des procès contestait aux Directeurs le droit de regard sur les publications de l'Église, droit que leur garantissait le Manuel. La Cour suprême du Massachusetts fit droit à la défense en s'appuyant sur le fait qu'il était évident que Mary Baker Eddy avait voulu un gouvernement unique et uni de l'Église placé sous l'autorité absolue du Manuel. La procédure donna à entendre que notre Leader n'avait jamais souhaité la création d'une entité juridique distincte qui s'occuperait des publications de l'Église, mais qu'elle avait à l'époque dû s'y résoudre en raison des restrictions légales qui pesaient sur les recettes financières des églises. Ceci a de fait éliminé les prétentions ultérieurement émises selon lesquelles elle eût souhaité voir le pouvoir du Conseil des Fidéicommissaires contrebalancer l'autorité du Conseil des Directeurs.
Le second procès est celui mentionné dans le troisième article de cette série. Tout comme celui des Fidéicommissaires, mais intenté cette fois par un Directeur congédié, l'action reposait sur une argutie juridique. Il s'agissait, en l'occurence, de confronter le Manuel à l'Acte de Fidéicommis de 1892. Encore une fois, le même tribunal fit droit aux Directeurs et, encore une fois, sa décision reposa sur l'intention qu'avait eue Mary Baker Eddy de voir son Église maintenir la forme de gouvernement prévue dans le Manuel, laquelle ne contredisait nullement l'acte par lequel le Conseil avait été formé.
Le fait le plus important dans ces deux jugements est que le tribunal ait reconnu la continuité du leadership de Mary Baker Eddy qui ressort du Manuel et de tous ses écrits. C'était reconnaître que l'Église était bien ce qu'elle l'avait appelée: « L'Église de Mary Baker Eddy, L'Église Mère ou La Première Église du Christ, Scientiste, à Boston, Mass. » Manuel, Art. XXXIV, Sect. 2.. Et pour ceux qui avaient vraiment compris sa vision de la mission universelle de la Science Chrétienne et de l'Église du Christ, Scientiste, cela représentait une victoire non pas de l'esprit ecclésiastique ou confessionnel, ni du culte de la personnalité, mais une victoire qui préserverait le but pour lequel l'Église avait été initialement formée.
Plus de cinquante ans après, il se trouve quelques anciens membres déloyaux de L'Église Mère pour faire renaître les allégations sans fondement qui avaient servi de base à ces procès. Ils se présentent comme les ardents défenseurs du Manuel et du leadership de Mary Baker Eddy, prétendant qu'à sa mort, elle voulait la dissolution de L'Église Mère. En foi de quoi, malgré l'évidence écrasante qu'apportent ses écrits, les dissidents en arrivent à une solution acrobatique: non seulement ils reprennent l'artifice d'un « double conseil », mais encore ils créent la nouvelle et extraordinaire théorie d'une « double église », L'Église Mère, selon eux étant une entité différente de La Première Église du Christ, Scientiste, à Boston, et Mary Baker Eddy ayant voulu qu'à son décès, l'une cessât d'exister, tandis que l'autre deviendrait une « filiale » comme les autres — mais filiale de quoi, on n'a pas su le dire !
Une affabulation aussi évidente vaut d'être mentionnée, car elle peut alerter les Scientistes Chrétiens d'aujourd'hui sur les manœuvres auxquelles le magnétisme animal peut se prêter, manœuvres parfois flagrantes, parfois subtiles et souvent sous le masque d'une métaphysique sophistiquée et visant à détruire l'œuvre de Fondatrice qu'accomplit Mary Baker Eddy, et ainsi, pourrait-on ajouter, à partager une fois de plus le vêtement de la Vérité entre les pillards.
Mais le simple fait de décrire cette folle prétention, c'est en exposer l'illégitimité. Mary Baker Eddy ne jouait pas à édifier une église, elle bâtissait pour l'éternité. Assurément, elle ne jouait pas à parachever les détails du Manuel jusqu'à ses derniers jours pour voir son œuvre anéantie après avoir terminé sa propre tâche. Jamais elle n'entretint une vision plus réaliste, plus universelle que lorsqu'elle établit, dans les dernières années, The Christian Science Monitor afin de « diffuser intégralement la Science qui opère sans jamais s'épuiser » et qu'elle le confia à son Église Mère bien-aimée pour bénir « toute l'humanité » Miscellany, p. 353..
Tout comme le Christ éternel et davantage que l'homme Jésus, la Science du Christ est plus qu'une institution humaine. Et pourtant, parlant de Jésus, Mary Baker Eddy écrit: « Il était inséparable du Christ, le Messie — l'idée divine de Dieu en dehors de la chair. » Science et Santé avec la Clef des Écritures, p. 482. Et de mille manières différentes, elle a clairement expliqué que l'Église du Christ, Scientiste, est inséparable de la Science du Christ, tout comme son propre travail de Fondatrice est inséparable de celui de Découvreur.
Ses paroles profondément émouvantes sont aujourd'hui tout aussi précieuses qu'à l'époque: « En 1896 il n'est plus nécessaire de dire que, dominant l'ignorance et l'envie, la Science Chrétienne est fondée par celle qui l'a découverte et bâtie sur le roc du Christ. Les éléments terrestres déferlent en vain contre les parapets immortels de cette Science. Droite et éternelle, elle continuera au long des siècles, franchira intacte les poternes obscures du temps, et sur chaque champ de bataille elle s'élèvera plus haut dans l'estime des penseurs et dans le cœur des chrétiens. » Écrits divers, p. 383.
Dernier article d'une série de quatre articles