Paul, écrivant d'une prison romaine aux Philippiens, vers l'an 60 de l'ère chrétienne, dit qu'il projetait de faire une visite à l'église de Philippes, et dans son message à Philémon, il demandait même un endroit pour y séjourner. Bien qu'il soit difficile de connaître la suite réelle des événements, il est possible que Paul ait été acquitté lors d'un premier jugement et qu'il ait réalisé l'espoir qu'il avait de visiter de nouveau les pays méditerranéens.
Certains érudits doutent que Paul ait été acquitté, car ils relèvent l'absence de preuves précises à ce sujet. Certains doutent que Paul ait voyagé vers l'est, étant donné qu'il espérait aller en Espagne après s'être rendu en Italie (voir Rom. 15:24, 28). Cependant, un certain nombre de passages figurant ailleurs que dans son épître aux Philippiens et dans celle à Philémon peuvent accréditer la thèse de l'acquittement. La seconde épître à Timothée (4:16) parle d'une « première défense »; il est donc possible que l'apôtre ait été libéré après un seul jugement et que, plus tard, il ait de nouveau été jugé. La première épître à Timothée (1:3), ainsi que la seconde épître à Timothée (4:20) (qui mentionne que Trophime resta à Milet), permettent de supposer une visite à Éphèse, en Macédoine et à Milet — visite distincte des voyages que Paul fit en ces lieux, relatés dans Actes 20 (dans lequel Trophime accompagna Paul). L'épître à Tite (1:5) permet même de penser que Paul fit en Crète un séjour plus long que la brève visite mentionnée dans Actes 27. Ainsi, il est possible que Paul ait fait un voyage à Philippes en passant par Éphèse, pour autant qu'il eût été remis en liberté.
De nombreux érudits doutent également que Paul soit l'auteur des « épîtres pastorales » (première et seconde épîtres à Timothée et épître à Tite). Les Pastorales semblent, par endroits, ne pas avoir le style fort et vigoureux de Paul, et on y trouve de nombreux mots qui n'apparaissent nulle part ailleurs dans les lettres de Paul. Mais il se peut que ce soit la pensée et l'expression mêmes de l'apôtre qui transparaissent à travers certaines parties au moins de ces lettres adressées à ses compagnons fidèles, Timothée et Tite.
A supposer que ces épîtres soient authentiques et que Paul ait fait un dernier voyage vers l'est, il se peut que sa première lettre à Timothée (et aussi la lettre à Tite) ait été écrite en cours de route. Compagnon dévoué de l'apôtre dans de nombreuses épreuves, Timothée était sans nul doute un chrétien chevronné, bien que Paul parle parfois de sa jeunesse et l'appelle dans la première épître à Timothée (1:2) « mon enfant légitime en la foi ». Paul l'engage dans les versets 3 à 11 à conserver — malgré des oppositions — sa fonction de ministre de l'Évangile, afin de préserver la pureté de la doctrine chrétienne. Certains docteurs de la loi, là où habitait Timothée, s'étaient égarés dans de vains discours; aussi l'apôtre insiste sur la nécessité d'avoir un amour jaillissant d'un cœur pur, une bonne conscience, une foi sincère. Il faut que Timothée s'acquitte sans crainte de ses devoirs et qu'il « combatte le bon combat » (v. 18).
Le chapitre 3 de cette lettre comprend les grandes règles concernant le caractère de celui qui surveille les affaires d'une église, l' « évêque », comme le nomme la Bible. L'apôtre poursuit et attaque les formes erronées de l'enseignement et de la pratique, particulièrement l'ascétisme rigide. Le but véritable consiste à s'exercer à la piété, qui « est utile à tout, ayant la promesse de la vie présente et de celle qui est à venir » (4:8).
Il se peut qu'aux yeux de certains, Timothée ait paru jeune pour la charge importante qu'il occupait. Mais Paul l'encouragea à ne pas laisser quiconque mépriser sa jeunesse, et à rester fidèle, « car, en agissant ainsi, tu te sauveras toi-même, et tu sauveras ceux qui t'écoutent » (v. 16). Et dans les derniers chapitres de la première épître à Timothée, Paul traite des dispositions à prendre en faveur des membres âgés d'une église, de la désignation d'officiers dignes et de l'amélioration des relations entre esclaves et maîtres. Condamnant les disputes dénuées de vérité, ainsi que l'avidité du monde pour les richesses, l'apôtre donne ce conseil: « Fuis ces choses, et recherche la justice... Combats le bon combat de la foi, saisis la vie éternelle, à laquelle tu as été appelé » (6:11, 12).
Nous ne sommes pas certains de l'itinéraire suivi par Paul après avoir envoyé sa première épître à Timothée. Mais sa lettre à un autre compagnon, Tite, laisse supposer qu'il visita la Crète à une certaine période. Paul quitta finalement la Crète pour passer l'hiver à Nicopolis (ville qu'on pense avoir existé en Grèce, sur la côte de l'Adriatique). Après son départ, il se peut qu'il ait écrit à Tite, qui était resté en Crète (voir Tite 1:5; 3:12).
Dans l'épître elle-même, Paul discute de nouveau de l'administration d'une église et des qualifications requises de ceux qui commandent. Il appuie sur l'importance de l'exemple de Tite lui-même, « afin que l'adversaire soit confus, n'ayant aucun mal à dire de nous » (2:7, 8). Pour terminer, l'apôtre presse les Crétois de se bien conduire, mais il montre aussi que le salut, en dernière analyse, a sa source dans l'amour qu'on a pour Dieu.
A un moment donné de ce dernier voyage méditerranéen de Paul — si toutefois il fit un tel voyage — il se peut que l'apôtre ait séjourné à Troas, à Corinthe et à Milet (voir II Tim. 4:13, 20), et peut-être même dans d'autres villes où il avait fondé des églises. Certains érudits croient que c'est à Rome que Paul passa ses dernières années. Qu'il y retournât de son plein gré ou comme prisonnier (ou encore qu'il n'ait jamais quitté cette ville), il est possible qu'il ait été touché par les persécutions des chrétiens ordonnées par l'empereur Néron vers l'an 64 de l'ère chrétienne.
Lorsqu'il écrivit sa seconde lettre à Timothée, Paul était apparemment en prison — en fait au secret et maltraité comme un criminel (voir 2:9). On ne sait au juste si la première défense de Paul précéda cette détention et se termina par un acquittement, ou si elle fit partie d'un seul jugement qu'il affronta à la fin de sa carrière. Toujours est-il que, comme Jésus au moment du reniement de Pierre, Paul fut abandonné par ses amis. Néanmoins, reprenant les paroles d'Étienne à son martyre, Paul écrivit: « Que cela ne leur soit point imputé ! » Et il ne fut pas privé de consolation dans sa détresse, car il dit: « C'est le Seigneur qui m'a assisté et qui m'a fortifié » (4:16, 17).
Dès le début de la seconde épître à Timothée, Paul regarde au-delà de l'ombre de la mort, qui semble se refermer autour de lui, pour contempler la lumière de la vie qui continue (voir 1:1). Il exhorte aussi Timothée à ne pas avoir honte de souffrir pour le bien de l'Évangile. « Car ce n'est pas un esprit de timidité que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d'amour et de sagesse (v. 7). Paul se tourne lui-même vers Christ Jésus, « qui a détruit la mort et a mis en évidence la vie et l'immortalité » (v. 10; voir 2:8–11).
Vers la fin de l'épître, Paul envisage la possibilité de l'achèvement de son propre ministère. Il écrit (traduit littéralement): « Déjà ma vie se répand, et le moment de mon départ est arrivé » (4:6). Alors qu'il a été abandonné par presque tout le monde, le fidèle Luc est toujours près de lui. L'apôtre demande à Timothée de le rejoindre également avant l'hiver, d'amener Marc avec lui et aussi d'apporter les précieux rouleaux de parchemin laissés à Troas — contenant peut-être les Saintes Écritures. Paul ajoute — ce pourraient être ses dernières paroles écrites (v. 22): « Que le Seigneur soit avec ton esprit ! Que la grâce soit avec vous ! »
Ainsi Paul affronta ce qui, de l'avis de beaucoup, fut son exécution, à l'époque des persécutions de Néron, scellant du martyre une vie de service inappréciable pour ses semblables. A celui qui a été le plus grand apôtre missionnaire de la foi chrétienne, qui a apporté le message de guérison et de salut contenu dans l'Évangile à juif et païen, esclave et libre, on pourrait justement donner comme épitaphe ses propres paroles (4:7, 8): « J'ai combattu le bon combat, j'ai achevé la course, j'ai gardé la foi. Désormais la couronne de justice m'est réservée; le Seigneur, le juste juge, me la donnera dans ce jour-là. »
[Cet article termine la série.]