D'ordinaire, le lecteur moyen du Nouveau Testament ne témoigne que de relativement peu de connaissance de l'œuvre de Jean-Baptiste, au regard de l'importance du personnage. Et il est bon de fouiller les Évangiles en vue de mieux comprendre la position unique que ce jeune homme a occupée dans le déroulement de la carrière de Christ Jésus, le fondateur du christianisme.
Selon la tradition antique, tout enfant mâle âgé de huit jours se voyait conféré un nom lors de sa circoncision, en présence de la famille et des amis. Normalement celui-ci aurait dû s'appeler Zacharie, comme son père.
Mais, à la stupéfaction des invités assemblés qui insistaient pour qu'il s'appelât « Zacharie », « sa mère prit la parole, et dit: Non, il sera appelé Jean » (Luc 1:60). Suite à sa vision mémorable dans le temple, Zacharie était toujours muet; parents et amis, devant cet état de choses, cherchent à savoir par signes, ce qu'il pense lui-même du nom à donner à l'enfant. Et, ayant demandé une tablette, il y écrit clairement: « Jean est son nom » (verset 63).
Aussitôt après avoir publié le nom de son fils, Zacharie recouvre l'usage de la parole. Quelques mois auparavant, dans le grand temple de Jérusalem, il avait mis en doute la simple possibilité d'une pareille naissance, selon la promesse faite à lui-même et à Élisabeth, sa compagne d'un âge avancé. De toute évidence, il faisait à présent preuve de plus de réceptivité. Guéri de son mutisme, la louange et la gratitude viennent rompre son long silence, et nous lisons: « Il parlait, bénissant Dieu » (verset 64).
Tout étonnés, ceux qui avaient assisté à la cérémonie répandirent la nouvelle à travers la contrée. Il était assez stupéfiant de voir les parents, contre toute attente et tout précédent, s'accorder à donner à leur fils un nom pareil. Mais, se demandait-on, « que sera donc cet enfant ? Et la main du Seigneur était avec lui » (verset 66).
Et maintenant Zacharie, « rempli du Saint-Esprit », dévoile en une prophétie lourde de sens ce qui attend son fils. « Béni soit le Seigneur, le Dieu d'Israël, de ce qu'il a visité et racheté son peuple, et nous a suscité un puissant Sauveur dans la maison de David, son serviteur... Et toi, petit enfant, tu seras appelé prophète du Très-Haut... afin de donner à son peuple la connaissance du salut par le pardon de ses péchés » (versets 68, 69, 76, 77).
Assurément, avec d'aussi pieux parents, ce fils allait, dès son plus jeune âge, être instruit des préceptes et des lois mosaïques; et, pour ne pas déroger à la tradition familiale, ils le destinaient peut-être à la prêtrise. Il est fort possible que le petit Jean accompagnait Zacharie au temple de Jérusalem tandis que ce dernier s'acquittait de ses obligations sacerdotales. C'est là peut-être qu'à diverses reprises Jean fut le témoin direct de ces procédés souvent hypocrites qu'avaient adoptés les pharisiens, les sadducéens et d'autres dont il devait par la suite condamner les agissements avec une telle sévérité.
Que peut-on savoir de l'éducation et du premier apprentissage du Baptiste ? Comme nous venons de le voir, ses ancêtres de l'une ou l'autre branche de la famille appartenaient strictement à la classe des prêtres; si le village qui l'a vu grandir était doté d'une synagogue, Jean y aura probablement fait ses premières classes. Ou bien, peut-être a-t-il été à l'école à Jérusalem même. D'une façon comme de l'autre, il se sera tout à fait familiarisé avec les Écritures souvent appelées « la Loi et les Prophètes », qui constituaient alors pour n'importe quel petit garçon juif le programme de base.
Nous lisons dans Luc 1:80: « Or, l'enfant croissait, et se fortifiait en esprit. Et il demeura dans les déserts, jusqu'au jour où il se présenta devant Israël » ou jusqu'au vrai début de son ministère. Ici, le mot « déserts » qu'ont choisi les traducteurs de la King James Bible et de la Bible Segond donne une impression légèrement fausse. Aujourd'hui, en lisant cela, on a tendance à imaginer plutôt une terre désertique et sans eau; pour représenter ce paysage où Jean naquit, dans une de ces régions moins peuplées des collines de Juda, mieux vaudrait le dépeindre comme une sorte le « lande » ou peut-être comme des pacages arides.
On ignore à quel âge il quitte le foyer pour se rendre dans ce qu'on appelle « le désert de Judée ». L'une des traditions veut qu'il n'ait eu que sept ans à l'époque; il n'aurait cependant probablement pas quitté sa famille avant d'avoir terminé ses années d'école.
Il est apparemment peu douteux que Jean passe plusieurs années dans sa retraite sauvage, se préparant à la grande œuvre qui l'attend. L'historien juif Flavius Josèphe rapporte qu'il avait lui-même, à l'âge de seize ans, fait une retraite au désert en vue d'étudier pendant trois années aux côtés d'un homme nommé Banus. Menant l'existence d'un ascète solitaire, Banus aurait entretenu des rapports étroits avec la communauté des esséniens, secte souvent mentionnée quand on parle des manuscrits de la mer Morte découverts il y a quelque vingt-cinq ans. Certains savants prétendent que Jean-Baptiste s'est rendu dans le désert pour la même raison et qu'il y devint un essénien, quoique nul écrit ne puisse confirmer cette hypothèse.
Historien très sérieux pour son époque, et présentant Jean à son début de carrière, Luc dispose en bon ordre les personnages importants du monde agité de la politique et de la religion dans lequel Jean, dûment préparé par son expérience d'ascète, va faire son entrée (voir 3:1, 2). La mission prophétique de ce dernier commence, nous dit-il, lors de la quinzième année du règne de Tibère, empereur romain; Pilate était alors gouverneur de Judée; Hérode, Lysanias et Philippe, tétrarques des provinces palestiniennes; Anne et Caïphe, grands prêtres de Jérusalem.
L'Évangile de Matthieu relate (3:1, 2): « En ce temps-là parut Jean-Baptiste, prêchant dans le désert de Judée. Il disait: Repentez-vous, car le royaume des cieux est proche. »
Il est clair que les quatre évangélistes voient en Jean l'accomplissement de la prophétie inspirée qu'avait laissée Ésaïe (40:3): « Une voix crie: Préparez au désert le chemin de l'Éternel, aplanissez dans les lieux arides une route pour notre Dieu. »
Bon nombre de pharisiens et de sadducéens, chefs de l'orthodoxie juive, figuraient parmi les foules que rassemblaient les enseignements de Jean en matière de réforme aussi bien que le rite du baptême purificateur qu'il pratiquait. « Races de vipères »: c'est en ces termes qu'il les accueillait (Matth. 3:7), leur demandant qui donc les avait avertis de la colère à venir.
Son auditoire, d'une grande variété, trouvait Jean tout aussi résolu à prêcher la repentance qu'à conseiller la générosité (voir Luc 3:8, 10, 11). Impitoyablement, il dénonçait le mal, qu'il s'agît de l'extorsion que pratiquaient les publicains (voir verset 13) ou de la violence, des fausses accusations et du mécontentement des soldats (voir verset 14), ou encore des vilenies auxquelles Hérode, le gouverneur, se livrait (verset 19).
Et ses auditeurs se tenaient le raisonnement suivant: était-il possible qu'un réformateur tel que Jean pût être autre que le Messie ou Christ attendu depuis si longtemps ? La noblesse caractérisant Jean-Baptiste transparaît clairement dans son refus de l'honneur qu'impliquait pareille question (voir Jean 1:19–28). Humblement, il maintint sa position en tant qu'avant-coureur de l'accomplissement prophétique, préparant le cœur humain à accueillir le Messie.