Les Évangiles nous disent qu'un docteur de la loi, interrogeant Jésus le Christ, lui demanda lequel des innombrables commandements du Pentateuque avait la plus grande importance. Sans hésiter le Maître cita un passage du Deutéronome qui commande d'aimer Dieu de tout son cœur et de toute son âme; puis il ajouta ce deuxième commandement (Matth. 22:39): « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » — emprunté au chapitre dix-neuf du Lévitique, où Moïse récapitule avec soin nos devoirs envers nos semblables.
Luc mentionne un autre docteur de la loi qui dit au Maître: « Qui est mon prochain? » En réponse le Maître prononça la parabole du bon Samaritain. Mais le chercheur aurait également pu poser les questions suivantes: « Qu'est-ce qu'aimer vraiment? » et: « Qu'entend-on par moi-même? »
Sans aller très profond, il est facile de voir que ce deuxième commandement interdit la convoitise, encourage la bonté, réduit au silence la présomption, l'opiniâtreté, magnifie la justice; que ceux qui le suivent n'exploiteront jamais leur prochain, se montreront équitables, ne tomberont pas dans la froideur et l'insensibilité; ils tâcheront toujours de « se mettre à la place d'autrui, » et cette bonne habitude adoucira leurs pensées, leurs paroles et leurs actes. Mais si notre amour pour le genre humain n'est qu'une affection semblable à celle que nous avons pour le sens humain de notre personnalité, nous n'avons pas encore saisi la signification profonde et les possibilités pratiques de ce commandement. Bien des mortels sont loin de s'aimer eux-mêmes; si nous acceptons comme critère de l'amour la vraie définition qu'en donne Paul (Rom. 13:10): « L'amour ne fait point de mal au prochain, » peu d'entre nous peuvent vraiment dire qu'ils s'aiment, car les mortels s'infligent souvent à eux-mêmes bien des souffrances.
Toutefois le Maître connaissait mieux que tous ses devanciers la véritable individualité de l'homme en tant que fils de Dieu, manifestation de l'Amour divin, spirituel et parfait. Dans le livre de texte Scientiste Chrétien, Science et Santé avec la Clef des Écritures, Mary Baker Eddy explique et rend claires les paroles et les œuvres du Conducteur, de sorte que nous pouvons les mettre en pratique dans la vie journalière. Elle écrit (pp. 476, 477): « Jésus voyait dans la Science l'homme parfait, qui lui apparaissait là où l'homme mortel pécheur apparaît aux mortels. Dans cet homme parfait le Sauveur voyait la ressemblance même de Dieu, et cette vue correcte de l'homme guérissait les malades. »
L'homme parfait est entièrement digne d'être aimé. C'est l'idée divine, l'image même de Dieu, la ressemblance du Père-Mère, du divin Amour; il a donc toutes les vertus, les qualités sympathiques, sans aucun vice. Beau mais non pas vaniteux; ayant en abondance les richesses divines, sans être soit fier, soit accablé; sage, intelligent, mais point arrogant ni autoritaire; ferme sans opiniâtreté; doux mais non pas faible; plein de spontanéité mais obéissant à la loi; humble sans servilité; fort mais non pas despotique; sain, vigoureux, plein d'affection, désintéressé, il est littéralement la manifestation du bien, de tout ce qui est aimable. Comprendre la nature de cet homme parfait, réaliser que ce fils de Dieu, cette idée parfaite constitue le moi véritable, l'individualité spirituelle incorporelle de chacun de nous, c'est vraiment aimer.
Plusieurs définitions humaines du terme « amour » ne font que travestir sa haute et sainte signification. En Science Chrétienne, l'amour exprimé sur le plan humain représente la pure charité que décrit le chapitre 13 de I Corinthiens; il est patient, plein de bonté, sans égoïsme, humble, gracieux, jamais irrité ou froissé, espérant toujours, généreux, appréciant les moindres signes du bien et ne se réjouissant jamais du mal. L'Amour parfait, c'est Dieu Lui-même, manifesté par l'homme spirituel qui en est l'idée ou la réflexion fidèle. Aimer scientifiquement qui que ce soit, c'est voir l'homme véritable, l'idée-Christ qui constitue son être réel. Avec raison les Scientistes Chrétiens appellent cela connaître la vérité.
Cet amour spirituel scientifique, cette connaissance de la vérité, est ce qu'il y a de plus pratique au monde. Il transforme notre existence et notre ambiance humaines. Il guérit la maladie en remplaçant cette croyance erronée par la conscience de la santé. Il nous donne ce dont nous avons besoin, remplaçant la crainte de la disette par la réalisation de l'abondance. Il chasse le péché en nous révélant, au lieu d'un pécheur rebelle, un homme droit, ce qui constitue la nouvelle naissance dont parla le Maître. Il efface l'irritation de tout genre, l'affliction, l'inharmonie, grâce à la vérité qui montre la création divine spirituelle et Parfaite.
Aimer quelqu'un comme notre vrai moi, c'est donc le percevoir en Science comme le faisait le Maître — voir l'homme parfait, ressemblance même de Dieu; c'est reconnaître et comprendre qu'il est la manifestation de la bonté et de l'amour divins. Cette vraie prière, cet amour scientifique peut produire pour nous-mêmes ou pour notre prochain des bienfaits que rien ne surpasse.
Quand le Maître eut raconté l'histoire du bon Samaritain, il posa cette question (Luc 10:36): « Lequel de ces trois te paraît avoir été le prochain de celui qui était tombé entre les mains des brigands? » Puis il approuva la réponse donnée: « C'est celui qui a exercé la miséricorde envers lui. »
Pour obéir au commandement vital du Maître, il faut exercer la miséricorde envers tous ceux avec lesquels nous sommes en contact; or personne n'est plus près de nous que notre propre conscience humaine. Chaque jour ce sens humain peut tomber entre les mains de suggestions telles que la fatigue, le découragement, l'envie, les rivalités, les limitations, la laideur; si l'on n'y résiste pas, elles vous dépouillent de l'harmonie et de la joie que Dieu donne. La vraie miséricorde consiste à reconnaître l'homme véritable, l'individualité spirituelle de nous tous, en niant la contrefaçon, le faux sens matériel et mortel de l'homme sujet aux maladies, au péché, aux limitations. Commençons toujours par être miséricordieux envers notre concept humain de nous-mêmes!
Il arrive qu'un Scientiste Chrétien fasse cet aveu: « Si quelqu'un me demande de l'aide, je me mets immédiatement au travail, mais quand il s'agit de connaître la vérité pour moi-même, je renvoie la chose à plus tard! » Ce disciple ne se rend peut-être pas compte qu'il avoue une grave désobéissance à la recommandation expresse de Mrs. Eddy, reproduite dans Miscellaneous Writings (p. 127): « Il est une chose que j'ai beaucoup désirée et que de nouveau je demande avec instance: qu'ici et ailleurs, les Scientistes Chrétiens prient chaque jour pour eux-mêmes; non point en paroles ni à genoux, mais mentalement, humblement, d'une manière pressante. » Et à l'Article intitulé « Règles de direction pour les membres » dans le Manuel de L'Église Mère (pp. 40–49), elle indique que la prière quotidienne est un devoir important pour tout membre de cette Église. Quiconque démontre avec amour grâce à la prière humble, insistante, sa propre identité ou son individualité spirituelle, peut faire beaucoup pour aider son frère. Ayant ôté la poutre de son œil, il peut voir l'identité spirituelle et la perfection d'autrui.
Sans doute nous n'avons pas le droit de traiter notre prochain en Science Chrétienne s'il ne le demande pas; mais c'est notre devoir et notre privilège de maintenir notre pensée bien claire, de nier scientifiquement dans notre cœur le péché et la maladie dont l'entendement mortel accuse à tort nos semblables. Le premier patient du Scientiste Chrétien, c'est lui-même, puis vient le monde; et sa démonstration s'enrichira beaucoup s'il prie chaque jour pour toute l'humanité comme l'ordonne le Manuel (Art. VIII, Sect. 4).
« L'amour n'échoue jamais, » écrit l'apôtre Paul. Toute prière intelligente, toute déclaration de Vérité, produit son effet. Aimer d'une façon chrétienne et scientifique notre prochain et nous-mêmes, cela peut détruire toutes les scories du penser humain, faire disparaître le mortel pour révéler l'immortel, et mettre en lumière dans la vie humaine la beauté, la perfection, l'harmonie, la joie généreuse qui reflètent la Vie divine.
