Il y a quelques années, l'auteur du présent article, faisant un long voyage au Cachemire, se trouva certain soir enfermé dans une vallée étroite et sinueuse, couverte de broussailles épaisses au milieu desquelles descendait avec fracas un torrent d'eau glacée. Il savait que les autres membres de l'expédition, partis en avant, n'étaient pas bien loin; mais pour voir quoi que ce fût, il lui fallait sortir du ravin. La nuit approchait, il tombait une pluie froide et la perspective de devoir attendre le matin blotti sous un rocher n'était guère attrayante. A plusieurs reprises il lui sembla que la vallée allait s'ouvrir, que les pentes devenaient moins raides et qu'il pourrait grimper plus haut; mais à chaque tournant il se retrouvait dans un lieu où il avait déjà passé et voyait devant lui les mêmes obstacles. Tout à coup, un rayon du soleil couchant éclaira la vallée, les nuages s'écartèrent et le voyageur lassé découvrit à quelque distance un terrain sans broussailles. Un court trajet l'amena dans une région découverte où la marche était facile; il put voir dans le lointain sa tente déjà dressée et l'accueillante lueur d'un feu de bois.
Réfléchissant des années plus tard à cette aventure, l'auteur fut frappé de la ressemblance qu'elle offrait avec ce qui lui arriva quand il voulut quitter la vallée des modes matériels. Le ravin du Cachemire — étroit, couvert de broussailles et d'obstacles — représentait bien sa vie matérielle encombrée de craintes et d'innombrables limitations, et surtout des soucis qu'entraînait la nécessité de gagner sa vie. Souvent il pensait avoir atteint le but; mais à chaque tournant il reconnaissait un terrain qui ne lui était que trop familier. Enfin la pluie et les brumes du penser matériel confus se dissipèrent et les rayons de la vraie Science, qui nous fait connaître Dieu et l'être réel de l'homme, vinrent éclairer la scène. Alors il put bien voir son chemin, sentir le chaleureux accueil du Père céleste.
La leçon n'est pas encore complètement apprise, mais l'auteur a prouvé dans une certaine mesure la vérité de ce conseil que Jésus donnait avec amour (Matth. 6:31, 33): « Ne soyez donc point en souci, disant: Que mangerons-nous? Que boirons-nous? ou de quoi serons-nous vêtus?... Mais cherchez premièrement le royaume de Dieu et sa justice, et toutes ces choses vous seront données par-dessus. » Il lui fallut sortir des habitudes mentales suggérant que gagner sa vie doit être l'objectif primordial; qu'à moins de concentrer sur ce but toutes ses pensées et ses énergies, l'on est distancé par des rivaux et l'on tombe dans la gêne.
Le moment décisif où les pénibles efforts firent place à des progrès certains sur une voie clairement tracée fut amené par la méditation de cette phrase bien connue, à la page 269 de Science et Santé avec la Clef des Écritures, par Mary Baker Eddy: « La métaphysique résout les choses en pensées, et remplace les objets des sens par les idées de l'Ame. » Il avait souvent lu cette affirmation inspirée où notre Leader met en lumière la Vérité, mais il en perçut tout à coup la profondeur. Il entrevit pour la première fois l'univers de l'Entendement et sa manifestation. En même temps son concept de la vie devint beaucoup plus clair. Prenant Science et Santé, il y lut ceci (p. 469): « La Vie n'est ni dans, ni de la matière. Ce qu'on nomme matière est inconnu à l'Esprit, qui renferme en lui-même toute substance et qui est la Vie éternelle. La matière est un concept humain. La Vie est l'Entendement divin. »
Il put voir à nouveau que la vie ne se trouve pas dans les choses matérielles mais s'exprime en idées ou en pensées. Il se rendit compte que si les humains qui consacrent leur temps et leurs forces à gagner leur vie recherchaient avec zèle les choses de l'Esprit, ils auraient par surcroît tout ce qui leur est nécessaire.
Comprendre quelque peu l'intégralité, la perfection, l'abondance de la vraie création spirituelle, nous affranchit de la crainte qu'il n'y a pas de quoi subvenir à tous les besoins. Mieux encore, cela détruit le désir de surpasser notre prochain et d'imposer aux autres notre volonté humaine de peur que nous ne soyons piétinés dans l'âpre lutte où l'on s'efforce d'obtenir la nourriture, les vêtements, peut-être un poste en vue.
Il faut que le penser des hommes se libère des éléments craintifs qui s'expriment par la cupidité, les rivalités, l'esprit de domination, et cœtera; alors seulement ils pourront sortir de la vallée du dénuement et des maux qui sévissent aujourd'hui dans le monde matériel. Ces choses ne sont-elles pas les manifestations extérieures de la crainte, de la pitié égotiste? Elles montrent qu'on n'a pas compris le vrai statut de l'homme en tant qu'image et ressemblance de Dieu — parfait, intégral, ne manquant de rien, exprimant l'être de Dieu.
La perfection de l'homme représente la vérité: elle constitue notre vrai héritage spirituel. Mais il ne suffit pas d'affirmer ce fait. Ayant déclaré quel est notre héritage légitime en tant que fils de Dieu, il nous faut le revendiquer, le mettre en œuvre. La Science Chrétienne est avant tout pratique et nous ne progressons que dans la mesure où nous pratiquons le bien. Ainsi, remplaçons la crainte par la connaissance assurée de notre être réel, image et réflexion de Dieu; sans jamais douter, sachons que Dieu donne abondamment à l'homme — Son expression — tout ce qu'il faut; que la disette ou l'insuffisance ne font point partie de Son univers: ces choses sont inconnues à Dieu et par conséquent à Son expression. Voilà le chemin qui mène à la liberté. A mesure que nous le suivons, nous comprenons davantage l'absolue vérité de ce que dit notre Leader (Miscellaneous Writings, p. 307): « Dieu vous donne Ses idées spirituelles, et celles-ci vous donnent à leur tour les ressources quotidiennes. Ne demandez jamais en vue du lendemain: il suffit que le divin Amour soit une aide toujours présente; et si vous savez attendre sans jamais douter, vous aurez à chaque heure tout ce qu'il vous faut. »
