A la page 407 de Science et Santé avec la Clef des Écritures, Mary Baker Eddy déclare: « Dans la Science, l'être est éternel, spirituel, parfait, harmonieux en toute action. Que le modèle parfait et non son opposé déchu soit présent dans vos pensées. » La mémoire ne devrait donc retenir que ce qui est bon.
On ne peut raisonnablement supposer que Jésus ait gardé le souvenir des privations endurées au désert, des persécutions infligées par son propre peuple, de l'inconstance des disciples; qu'après la résurrection, il se rappelait le traitement brutal que lui avaient infligé dans le prétoire les soldats romains, et son agonie sur la croix. L'esprit mortel veut employer la mémoire d'une manière tantôt triste, tantôt gaie, pour attirer les hommes vers le passé et les détourner du présent — pour renforcer le sens personnel, pour exciter l'admiration, l'horreur ou la pitié. Il est certain que la seule mémoire cultivée par Jésus était celle qui lui rappelait son être spirituel, son rapport avec Dieu. « Je suis issu du Père, et je suis venu dans le monde, » dit-il à ses disciples. S'adressant au Père céleste, il mentionna « la gloire que j'avais auprès de toi, avant que le monde fût. » Il se proposait avant tout de réveiller les hommes plongés dans le sommeil; il ne cherchait point à leur remémorer certaines phases d'un rêve.
Lorsqu'on aura mis fin au cataclysme gigantesque qui bouleverse aujourd'hui le monde, les hommes continueront-ils à puiser dans la mémoire mortelle pour remettre en scène, faire revivre, les tragédies et les horreurs du passé? Ou suivront-ils l'exemple de Jésus, qui après la résurrection, tourna sans doute ses pensées vers la rédemption, la délivrance, plutôt que vers les tourments suscités par des passions hideuses? Auront-ils recours à la mémoire immortelle et, reconnaissant leur source divine, accepteront-ils leur propre résurrection? Veilleront-ils à ce que les ombres du passé n'obscurcissent pas un instant le chemin des hauteurs? A cet égard, leur décision sera d'une grande importance; c'est d'elle que dépendront leur force, l'efficacité du travail qu'ils pourront accomplir, l'ascension continue qui les fera sortir du domaine mortel pour arriver à l'immortalité, abandonner le moi personnel pour atteindre à l'être spirituel conscient.
Manquant de lumières, l'esprit mortel, qui veut échapper à la monotonie, à l'abaissement, se tourne vers les choses morbides, sentimentales, sensationnelles, qui peuvent enflammer l'imagination et stimulent les émotions. Quelquefois la curiosité incite les humains à s'attrouper autour d'un accident, à suivre des yeux une personne infirme, à lire un roman scabreux, à voir jouer une pièce choquante, à écouter par T.S.F. la description d'une maladie; céder à ces tendances, c'est s'abandonner à la mémoire mortelle et l'encourager.
Dans le monde nouveau que cherchent à construire le véritable idéalisme et la science du gouvernement, il importe qu'on fasse disparaître non seulement toutes les visions terrifiantes, mais les traces de haine et de cruauté qu'a laissées dans la mémoire la folie guerrière; il faut renoncer au sens purement possessif et personnel du mal ou du bien.
Sans doute, les générations à venir penseront avec une profonde gratitude à l'héroïsme et au dévouement dont nous somme témoins; elles apprécieront d'autant plus la liberté qui leur est assurée, les idéals maintenus grâce aux sacrifices consentis par des populations courageuses. Mais chacun doit s'éveiller au sentiment de sa propre responsabilité, et ne pas permettre que la mémoire mortelle le condamne soit à répéter vainement soit à écouter pour son malheur des choses n'appartenant qu'au domaine des songes. Reconnaître qu'elles sont irréelles, c'est la seule manière de rompre le rêve.
A la page 21 de Rétrospection et Introspection, Mrs. Eddy écrit: « De simples incidents historiques et des événements personnels ne sont que vanité et ne sont d'aucune importance, à moins qu'ils n'illustrent l'éthique de la Vérité. » A la fin du même paragraphe, elle ajoute: « L'histoire humaine a besoin d'être revisée, et le souvenir matériel effacé. »
Les humains se seraient bien trouvés de suivre l'exemple donné par Jésus qui, dans ses derniers entretiens avec ses disciples, orienta leurs pensées vers le Christ accomplissant les prophéties bibliques et non vers sa propre personne, vers le Maître crucifié. Cherchant à construire un monde nouveau sous le signe de la fraternité permanente, les hommes doivent avant tout reconnaître que le courage indomptable, la protection, la délivrance, la victoire sur le mal, illustrent « l'éthique de la Vérité; » alors l'étonnement, l'admiration qui font vibrer les cordes de la sensibilité individuelle ou nationale céderont la place à ce que Jésus recherchait avant tout — la glorification de la Vérité.
Seules les choses de l'Esprit appartiennent à la mémoire éternelle. L'homme coexiste avec ce qui fut et sera toujours; son histoire véritable, marquée par le triomphe du bien, continuera d'éclairer le passé tout en sauvegardant l'avenir. A mesure que les hommes s'élèveront jusqu'à la conscience de l'être spirituel, ils verront sous leur vrai jour même les événements que le sens humain trouvait formidables; et dans une certaine mesure, ils participeront à la gloire qui n'a ni commencement ni fin. A cette lumière, dans cette conscience de l'immortelle mémoire qui représente la connaissance éternelle où l'être est « parfait, harmonieux en toute action, » ils pourront, avec une compassion sincère et par un labeur désintéressé, effacer les souvenirs mortels qui prétendent assombrir et rendre douloureuse la vie de leurs frères.