Pour celui qui n'accepte point les apparences mais qui juge selon la justice, la perfection de l'univers devient toujours plus évidente. On ne peut rien soustraire de la création, et rien y ajouter. Si ces changements étaient possibles, ils rompraient l'équilibre harmonieux. Le mal ne saurait avoir ni réalité ni permanence; et ceci s'applique également à la maladie, à la mortalité. Il n'y a point de place pour l'imperfection. Les tares, les défauts plus ou moins fréquents produiraient une confusion lamentable. « L'Entendement parfait émet la perfection, car Dieu est Entendement, » affirme Mary Baker Eddy, à la page 239 de son livre célèbre, Science et Santé.
N'est-il pas étrange que l'individu moyen hésite à reconnaître la perfection comme son état normal? N'ayant pas le courage d'insister sur son statut d'homme, il est enclin à se tenir pour un mortel. Il conviendra sans trop de peine que « l'homme réel » est parfait, spirituel, immortel, comme s'il pouvait y avoir un homme irréel. Il admettra même que son « vrai moi, » ainsi qu'il l'appelle, n'a ni défaut ni faiblesse, comme s'il existait un autre moi qui diffère du premier. Mais quand on décrit l'homme immortel, où sont réunies l'intelligence, la vitalité, la gloire de la réalité; quand une voix intérieure murmure: « Tu es cet homme! » — l'individu se dérobe aux responsabilités qu'il prévoit et se réfugie dans le dénigrement de soi-même.
Après son baptême dans le Jourdain et la déclaration du fait qu'il était fils de Dieu, Jésus, quittant les foules, se retira au désert pour mesurer ses forces morales et voir s'il était capable d'accomplir la tâche prescrite par l'Éternel. Il dut faire face aux arguments de l'ambition, et la question suivante se posa: Régnerai-je sur la terre ou rendrai-je témoignage à la vérité? Il opta pour cette seconde et grande mission. Ce faisant, il devint notre modèle à tous; dans sa propre carrière, il rompit le songe de l'existence mortelle, et pour finir s'éleva plus haut que les angoisses ou les restrictions dues à la matérialité. Nous pouvons suivre la même voie et, si nous acceptons notre filialité divine, commencer à faire les mêmes œuvres que Jésus.
Nul ne songe à nier que selon les apparences, la nature de l'homme soit double — bonne d’une part, mauvaise de l'autre; immatérielle sous certains rapports, matérielle par plus d'un côté; généralement mortelle, mais offrant des caractéristiques immortelles. Wordsworth fait allusion à cette apparente dualité lorsqu'il écrit:
Sur le lac aux flots de cristal
Glisse un double oiseau — le cygne et son ombre.
Pourtant il n’y a point deux cygnes; il n'existe pas deux espèces d'hommes. Dans la nature même des choses, l'identité de l'homme est au singulier, éternellement saine, intacte, sans lacunes. Ce qui manifeste la décrépitude, le désespoir, la mortalité est non pas un homme mais une fausse conception de l’homme, inexistante pour quiconque se connaît lui-même. Paul semble avoir reconnu le mortel; mais il parlait d'une manière figurative lorsqu'il exhortait ses amis à dépouiller le « vieil homme, » ou, comme l'exprime le traducteur Moffatt, à « mettre de côté la vieille nature. »
Une personne qui était dans la peine et à qui l'on disait qu'un conférencier Scientiste Chrétien avait décrit l'homme parfait, image et ressemblance de Dieu, fit cette remarque: « S'il parlait de l'homme spirituel et réel, il avait raison! » Ceci montre quelle emprise paraît avoir dans certains cas la désastreuse doctrine de la dualité, la croyance à deux entendements, deux vies, deux espèces d hommes. Or le salut consiste à reconnaître l'éternelle unicité des choses — une Vie, qui est éternelle; un homme, qui doit être spirituel et parfait. Tout cela du reste n'aide pas beaucoup le disciple à moins qu'il ne s applique l’arrêt de la Science Chrétienne: « Tu es cet homme! » Vous perdez de vue le point principal, vous dévitalisez votre affirmation lorsque vous dites faiblement: Mon « vrai moi » est parfait. Non pas votre « vrai moi, » mais « votre moi » est parfait! Il n'existe qu'un moi, dont la source est en Dieu. « Il n'y a qu'un Ego, » comme le déclare Mrs. Eddy; en effet, à la page 249 de son livre de texte, Science et Santé avec la Clef des Écritures, elle écrit: « L'homme est le reflet de l'Ame. Il est tout l'opposé de la sensation matérielle, et il n'y a qu'un Ego. »
Quand on lui rappelle en Science Chrétienne que l'homme est parfait, mainte personne ne veut pas convenir qu'elle est cet homme et qu'il n'y en a point d’autre; c est là un des pitoyables côtés de la nature humaine. « Démontrer la spiritualité ne devient possible que si vous vous déclarez immortel, en comprenant que vous l'êtes, » affirme Mrs. Eddy. « La Science Chrétienne est absolue; elle n'est ni inférieure à la perfection ni en voie de l'atteindre; elle est à ce point même et c'est de là qu'il faut la mettre en pratique. A moins de percevoir pleinement que vous êtes l'enfant de Dieu, donc parfait, vous n'avez ni Principe à démontrer ni règle pour cette démonstration. Je n'entends point par là que les mortels soient les enfants de Dieu, — tant s'en faut » (The First Church of Christ, Scientist, and Miscellany, p. 242).
Écoutons comment saint Paul répudie ce qu'on appelle l'homme mortel: « Nous avons, dis-je, de la confiance, et nous aimons mieux être absents de ce corps, et être avec le Seigneur. » Se détourner des limitations, des infirmités que signalent les sens physiques; contempler la vie dans sa plénitude, sa richesse, sa présence, c'est sentir la perfection, la continuité, l'intégrité, l'immutabilité de l'homme, sa stature en tant qu'expression de l'Éternel. Cette attitude mentale correspond à la prière du juste, dont l'efficace est grande. Ainsi, de quelque mal qu'il s'agisse, le remède est toujours proche. « Celui qui crée les astres est si près de nous! » a dit un poète (The Christian Science Journal, janvier 1925, p. 533). Inévitablement cette contemplation, cette prière scientifique, nous fait voir la nature irréelle de la matérialité, de la mortalité, et de leur homme hypothétique; et nous nous éveillons au fait que « nous sommes dès à présent enfants de Dieu. »
