Quand un homme s'éveille au fait qu'il vit dans un monde mental et non physique, qu'il est gouverné non par la matière et la croyance mortelle, mais par l'Esprit et la loi divine, il trouve en lui-même, outre l'unité, l'intégralité. « Je ne fais rien de moi-même, » disait Jésus, rejetant d'une manière absolue l'initiative et la responsabilité mortelles; « je dis ce que mon Père m'a enseigné. »
Or qu'est-ce que le Père lui avait enseigné? Ce n'était certes pas la dépendance à l'égard d'autres mortels, la soumission aux décrets du matérialisme, mais la maîtrise sur toutes les prétentions du mal, le pouvoir de guérir la maladie ainsi que le péché; la conscience de sa filialité divine, résumée en ces mots: « Toutes choses m'ont été remises par mon Père. »
Chercher dans les choses extérieures la satisfaction, les réalisations, telle a été l'histoire de la race humaine. Selon l'allégorie biblique, une côte d'Adam lui fut enlevée, pour qu'il arrive à la plénitude en acceptant la dualité. Mais comme idée de l'Entendement, celui auquel le Père a remis toutes choses trouve l'unicité de l'être, se développant dans l'expression qui lui est propre. Éclairé par Dieu, par l'Esprit, il trouve dans la conscience des bienfaits donnés et reçus, dans l'amitié, dans les relations humaines, la compagnie dont il a besoin, et qui favorise non pas le sentiment de possession personnelle, la jalousie, les rivalités, mais la fraternité universelle. Il apprend qu'il ne craint plus la solitude, et qu'il peut dire avec le calme et l'assurance de Jésus: « Je ne suis pas seul, mais le Père qui m'a envoyé est avec moi. »
Walt Whitman, le poète américain, avait sans doute entrevu ces vérités lorsqu'il écrivait:
La terre, je le jure, sera complète pour celle ou celui qui sera complet;
Elle est âpre ou fragmentée seulement pour celle ou celui qui reste tel.
Dans son explication scientifique de Dieu et du rapport unissant l'homme au Père et à son prochain, Mary Baker Eddy nous a fait voir que nous pouvons saisir cette intégralité et renoncer définitivement aux lacunes, aux choses fragmentaires. A la page 264 du livre de texte Scientiste Chrétien, Science et Santé avec la Clef des Écritures, elle écrit: « Lorsque nous réaliserons que la Vie est Esprit, qu'elle n'est jamais dans la matière, ni matérielle, cette intelligence se développera jusqu'à devenir complète en soi, trouvant tout en Dieu, le bien, et n'ayant besoin d'aucune autre conscience. »
En étudiant ce passage, le Scientiste Chrétien doit sans doute se poser la question suivante: Si je n'ai pas encore abordé cette tâche, qu'est-ce que j'attends pour acquérir l'intelligence qui se développe jusqu'à l'intégralité, et qui trouvant tout en Dieu, dans le bien, n'a besoin d'aucune autre conscience?
Cette question est d'une importance fondamentale. Elle va jusqu'au fond de notre concept touchant nous-mêmes et nos semblables. Elle détermine notre attitude à l'égard de la vie. Nous savons que Jésus le Christ ne s'écarta pas une seule fois de ce que le Père lui avait enseigné — l'entière confiance dans l'Esprit. Il en résulta que toutes choses furent remises entre ses mains, non pas en partie, de temps en temps, mais sans réserve, d'une manière continue. Chacun doit s'identifier avec l'Entendement s'il veut trouver — dans la réflexion, dans l'expansion — ce qui, étant complet, n'a besoin d'aucune autre conscience.
Si pour penser au monde et au genre humain, nous adoptons un point de vue matériel, physique, nous serons tentés de croire que ce dont nous avons besoin est en dehors plutôt qu'au-dedans de nous. Les humains désirent tant de choses qui semblent leur échapper, être inaccessibles ou difficiles à obtenir, et pour lesquelles ils sont souvent prêts à lutter! Mais lorsqu'ils y atteignent, elles s'avèrent instables, elles occasionnent maintes fois des regrets ou des déceptions. Jésus au contraire dit aux siens que toutes choses — non pas quelques-unes seulement — lui avaient été remises par Dieu.
Les hommes aspirent-ils à la grandeur morale, à des biens tels que la santé, la paix, la communion d'idées, une ambiance que caractérisent l'ordre et la beauté? A coup sûr, ces désirs trouveront leur satisfaction dans l'expression de la véritable filialité. Travailler pendant de longues années pour obtenir matériellement ce qui doit s'acquérir spirituellement; croire que le bonheur consiste dans l'accumulation et la possession des biens mortels; croire que les choses extérieures puissent se substituer aux trésors intérieurs ou servir de tremplin pour y arriver — tout cela représente non pas l'expansion ou l'enrichissement, mais les restrictions, l'appauvrissement.
Parce qu'elle était infinie, l'intégralité du Christ Jésus lui permettait de faire face à toutes les situations. Il remplaçait la maladie par la santé, la disette par l'abondance, la mort par la résurrection; car il comptait non sur l'ordre de choses qu'acceptent les humains, non sur les événements ou sur l'action d'autrui, mais sur ce qui se développait continuellement en lui-même, comme idée de l'Entendement.
Tant que l'on se croit incomplet, demeurant dans un monde « âpre » et fragmenté plutôt que dans le Père, on veut avoir ce qui semble vous manquer mais que d'autres possèdent; on le recherche soit par des méthodes violentes, indélicates, avides, soit avec l'amertume du désespoir. Mais si, réalisant que « la Vie est Esprit, qu'elle n'est jamais dans la matière, ni matérielle, » nous la cherchons là où elle se trouve vraiment, — dans les pensées qui nous unissent à elle, — les possibilités infinies de notre être, la paix, la joie qui se développent d'une manière sereine et bien ordonnée, feront cesser le conflit, la mêlée, la guerre qu'engendrent les lacunes. Nous apprendrons ainsi à dire en parlant de notre vie, qui progressera d'une manière logique et satisfaisante: « “Ce que mon Père m'a enseigné,” je le fais. »
