« Ecoutez votre corps. » La rengaine n’est pas nouvelle. Nous l’entendons de la bouche du coach sportif qui explique les positions d’étirement, d’une amie qui nous invite à manger un bon petit plat ou d’un collègue de travail, inquiet, qui nous conseille de prendre le temps de nous reposer suffisamment.
A une certaine époque, je me suis demandé comment concilier cette idée avec l’importance, me semblait-il, de ne pas écouter son corps. Dans un souci bien intentionné, mais malavisé, de contrôler mon corps plutôt que de le laisser me dicter ses conditions pour assurer mon bien-être, j’avais presque développé du mépris pour lui. C’était comme si je voulais qu’il disparaisse, et je trouvais pénible de le voir toujours là chaque jour.
En réfléchissant un peu plus à la façon de considérer mon corps, je me suis rendu compte que les médias et la société ont bien souvent tendance à basculer d’un extrême à l’autre, en déifiant le corps ou en le diabolisant. Mais j’en ai conclu qu’aucune de ces approches n’était pertinente ou saine.
Une autre approche passe par la compréhension de la Science Chrétienne. Je suis très heureuse d’avoir grandi dans un foyer où j’ai appris à connaître ce point de vue spirituel dès le plus jeune âge. D’aussi loin que je me souvienne, on m’a appris à ne pas m’identifier à un corps physique composé de parties matérielles, et à ne pas me sentir impuissante face à une douleur ou à un dysfonctionnement physique.
Dans Science et Santé avec la Clef des Ecritures, Mary Baker Eddy, qui a découvert et fondé la Science Chrétienne, relate ce moment où une enfant a mis en évidence les avantages de l’application de la métaphysique chrétienne aux pensées sur le corps : « Une fillette, qui avait de temps à autre écouté mes explications, se fit une grave blessure au doigt. Elle semblait ne pas s’en apercevoir. Lorsqu’on la questionna à ce sujet, elle répondit ingénument : “Il n’y a pas de sensation dans la matière.” Elle s’en alla en bondissant, les yeux riants, et ajouta aussitôt : “Maman, mon doigt ne me fait pas mal du tout.” » (p. 237)
Sur cette même base métaphysique, lorsqu’enfant je me plaignais d’une blessure ou d’une gêne, ma mère me rappelait avec tendresse mais fermeté que le corps ne pouvait pas me parler. Ces incitations à me ressaisir ne m’ont jamais paru froides ni désagréables, mais plutôt stimulantes et compatissantes, et elles ont invariablement conduit à la résolution du problème.
Les remarques de ma mère s’appuyaient sur de nombreuses années d’étude de la Bible et des enseignements de la Science Chrétienne. Elle avait appris notamment que chacun de nous, en tant que reflet de l’Esprit divin, est en réalité entièrement spirituel. Comme le déclare le prophète Esaïe en s’adressant au créateur : « O Eternel, tu es notre père ; nous sommes l’argile, et c’est toi qui nous a formés. » (Esaïe 64:7) Les implications de ce verset sont énoncées dans ce passage de Science et Santé : « L’argile ne peut répondre au potier. La tête ne nous informe pas qu’elle a le vertige, le cœur qu’il est malade, les poumons qu’ils se consument ou les membres qu’ils sont estropiés. Si de telles informations sont transmises, c’est l’entendement mortel qui les transmet. (p. 243)
« L’entendement mortel » est un terme qui désigne la pensée basée sur la perception limitée selon laquelle nous sommes des êtres matériels fragiles et non les créatures spirituelles et immortelles de Dieu. Depuis l’enfance, lorsque je ressens une douleur ou les symptômes d’une maladie, je déclare mentalement (et parfois à voix haute) : « Tais-toi ! Tu ne peux rien me dire ! »
Un jour, je me suis demandé à qui je m’adressais à travers ces paroles péremptoires. Lorsque nous exprimons ainsi l’autorité qui nous vient de Dieu, nous ne parlons pas à un corps physique, mais nous répliquons à l’entendement mortel, qui suggère que nous sommes des morceaux de matière vulnérables.
Répondre spirituellement aux messages de l’entendement mortel concernant le corps ne revient pas à ignorer les besoins de ce corps. C’est affirmer notre droit à la santé et notre enracinement dans l’Esprit, Dieu. Comme il est enseigné dans Science et Santé : « Prenez possession de votre corps et dominez-en la sensation et l’action. Elevez-vous dans la force de l’Esprit pour résister à tout ce qui est dissemblable au bien. Dieu en a rendu l’homme capable, et rien ne saurait invalider les capacités et le pouvoir dont l’homme est divinement doué. » (p. 393)
Le fait d’écouter les directives de Dieu au lieu de nous attacher aux exigences de la matière nous donne la possibilité de prendre soin du corps de manière simple et efficace.
Ce que nous pensons de notre corps constitue un aspect important de notre pratique spirituelle et de notre vie en général. Idolâtrer le corps n’est pas constructif. Bien que le prophète Jérémie parle des dieux – ces idoles de bois – que le peuple adorait dans les temps anciens, on pourrait y voir des conseils utiles sur la façon de considérer le corps : « Ne les craignez pas, car ils ne sauraient faire aucun mal, et ils sont incapables de faire du bien. » (10:5)
On peut trouver étrange d’appliquer ces paroles au corps, puisqu’il semble pouvoir échapper à notre contrôle en devenant parfois faible ou douloureux. Mais ces problèmes n’ont pas leur origine dans le corps même, dont Mary Baker Eddy écrit qu’il est « l’état objectif de l’entendement mortel » (Science et Santé, p. 374). Ce sont des manifestations de la croyance de l’entendement mortel à un corps physique régi par les lois matérielles de la santé. Lorsque nous nous efforçons d’élever nos pensées au-dessus de ce que l’entendement mortel dit du corps, pour discerner notre véritable identité en tant qu’expression spirituelle de Dieu, nous trouvons la paix et la domination qui apportent la guérison.
Jésus fait ressortir cette idée dans son Sermon sur la montagne lorsqu’il dit : « L’œil est la lampe du corps. Si ton œil est en bon état, tout ton corps sera éclairé. » (Matthieu 6:22) Dans la Bible, l’œil ou la vision sont souvent utilisés comme une métaphore de la pensée. C’est pourquoi, plutôt que de parler littéralement des yeux physiques, ce verset montre que le point de vue fondé sur l’Esprit a un pouvoir de guérison et qu’il contribue à notre bien-être général.
Dans le Sermon sur la montagne, Jésus dit également qu’en prêtant moins d’attention au corps, nous nous libérons des soucis, ce qui nous permet de nous concentrer sur ce qui est vraiment essentiel dans notre vie (voir Matthieu 6:24-34). Science et Santé fait écho à cet enseignement en expliquant que « le scientiste chrétien soigne le mieux le corps quand il y pense le moins, et que, comme l’apôtre Paul, il “préfère être absent du corps et présent avec le Seigneur ” » (p. 383). On y lit aussi ceci : « Votre corps est inclus dans votre pensée, et vous devriez dessiner sur ce corps des pensées de santé, non de maladie. » (p. 208)
Ces deux déclarations m’ont d’abord rendue perplexe, car elles m’ont semblé contradictoires. Comment pouvais-je ne plus penser à mon corps et en même temps y « dessiner [...] des pensées de santé » ? En réfléchissant à cette question, j’ai compris que ne plus penser au sens mortel, limité du corps ne signifie pas le négliger. Au contraire, le fait d’écouter les directives de Dieu au lieu de nous attacher aux exigences de la matière nous donne la possibilité de prendre soin du corps de manière simple et efficace.
De nos jours, le monde nous tend une liste apparemment sans fin de suggestions pour améliorer notre corps, le rendre plus performant et en meilleure forme. Régimes, exercices, compléments alimentaires et autres moyens censés renforcer notre beauté ou nos capacités – nous disposons là d’un choix pléthorique. Au milieu de ce déluge de recommandations provenant de tant de sources différentes, comment éviter d’accorder une attention excessive au corps tout en en prenant convenablement soin ? Nous trouverons les meilleurs conseils lorsque nous chercherons ceux de notre créateur, qui prend soin de nous de la manière la plus complète et la plus aimante qui soit.
Dieu, l’Esprit, nous guide dans nos choix, bien que l’inspiration ne vienne pas tant sous la forme de conseils particuliers qu’à travers notre désir d’exprimer les qualités chrétiennes comme la patience, l’amour, la discipline, la modération, la force et l’harmonie. Lorsque nous nous sentons alors poussés à modifier notre alimentation ou nos habitudes quotidiennes, cette inspiration est basée sur l’écoute et la prise en compte des conseils affectueux de l’Amour, et non sur la crainte que tel aliment soit nocif ou que nous soyons victimes des maux attribués à l’âge si nous ne pratiquons aucune forme d’exercice.
Notre corps manifeste ce que nous gardons à la conscience. En nous identifiant aux idées de l’Entendement divin et en écoutant les conseils de l’Entendement plutôt que les plaintes ou les injonctions du corps, nous prenons correctement soin de nous et rejetons toute tendance à idolâtrer, maltraiter ou dénigrer notre corps. Cette manière de nous soigner reflète la sollicitude de l’Amour à notre égard et nous permet de consacrer librement nos pensées à cette grande tâche qui consiste à prendre part à la guérison de l’humanité. De cette façon, nous honorons la puissante et merveilleuse identité spirituelle de chacun d’entre nous et de toute la création.